Comptes rendus

Éthier, Marc-André, Vincent Boutonnet, Stéphanie Demers et David Lefrançois, avec la collaboration de Frédéric Yelle et Catherine Déry, Quel sens pour l’histoire ? Analyse et critique du nouveau programme d’histoire du Québec et du Canada (Saint-Joseph-du-Lac, M Éditeur, 2017), 109 p.[Notice]

  • Julien Prud’homme

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  • Julien Prud’homme
    Département des sciences humaines, Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR)

Même si je critique souvent les didacticiens, j’apprécie le travail de Marc-André Éthier et de ses collaborateurs. Ce noyau a développé une pensée originale sur l’enseignement de l’histoire, qui dépasse la défense corporatiste d’un programme ou d’une chapelle. Après les débats acerbes qui ont éloigné les historiens et les didacticiens de l’histoire, cette originalité est rafraîchissante. Peut-elle jeter des ponts entre les solitudes disciplinaires ? Sur ce point, la lecture de ce « manifeste » (p. 8) ne m’a satisfait qu’à moitié. Le ministère de l’Éducation a introduit en 2007 un nouveau programme d’histoire du Québec au secondaire. Ce programme, qui mariait la promotion de l’histoire sociale à une pédagogie constructiviste affirmée, a été critiqué pour un éventail de motifs, allant d’une conception déficiente de l’épistémologie historienne à l’effacement du cadre national. En 2013, l’éphémère gouvernement du Parti québécois a lancé une consultation dont le résultat, le rapport Beauchemin–Fahmy-Eid, inspire, au moment d’écrire ces lignes, la rédaction d’un nouveau programme dont l’écriture et l’implantation doivent se terminer au cours de l’année scolaire 2017-2018. Dans cette saga, la communauté des didacticiens s’était plutôt portée à la défense du programme de 2007. Le recueil proposé ici par Éthier et ses collaborateurs est une réaction à sa mise au rancart et, surtout, une critique du programme de remplacement. L’ouvrage compte quatre chapitres. Les trois premiers précisent la position des auteurs sur la didactique et les programmes. Le dernier chapitre et la conclusion défendent un idéal plus normatif sur ce que devrait être l’objectif de la classe d’histoire. Pour qui attend du neuf, l’introduction peut désappointer. Elle reprend deux poncifs usés. D’une part, elle réaffirme une lecture binaire du débat : à droite, une vision conservatrice qui ne cherche qu’à « léguer un patrimoine » et imposer une vulgate identitaire ; à gauche, une vision moderne, axée sur la problématisation et qui initie les enfants à la démarche critique. D’autre part, elle rabâche que si cette approche moderne ne s’est pas imposée, c’est parce qu’elle est « mal comprise » (p. 8) ; il est donc urgent de la répéter, à l’identique. Le lecteur reste songeur. Et si l’on se soucie de clarté, pourquoi hâter la critique d’un programme dont la rédaction n’est pas complétée ? Cela dit, la volonté d’exposer clairement une posture didactique bien campée est méritoire en soi. Le chapitre 1, écrit par Frédéric Yelle et Catherine Déry, commence par le commencement, c’est-à-dire par la théorie. Il offre un précis d’épistémologie et de didactique pour répondre à la question : « Qu’est-ce que d’apprendre l’histoire ? » (sic, p. 15) Dans cette revue de littérature, la réflexion des historiens eux-mêmes est peu mise à contribution. Elle sert d’amorce. L’histoire est construite, voyez-vous ; les historiens des Annales – Febvre, Marrou – l’ont écrit en leur temps, comme le rappellent aujourd’hui les courtes synthèses, si pratiques, de Prost ou Bonnechere. Ce constat établi, Yelle et Déry passent outre tout ce que les historiens ont pu ajouter dans les quarante dernières années et passent au thème qui importe : les recherches en didactique. Ces recherches prennent pour point de départ le mode de pensée de l’adolescent. Elles dressent une typologie des stratégies cognitives que devrait maîtriser l’élève pour faire l’expérience d’une réelle « pensée historienne ». Sur ces bases, l’emploi d’outils appropriés (situations-problèmes, occasions d’enquête) aiderait les jeunes à engager une réflexion critique. Les auteurs offrent des pistes intéressantes, par exemple sur l’usage, « à la fois indispensable et potentiellement nuisible » (p. 40), de l’identification entre l’élève et les acteurs du passé. Le passage sur l’évaluation est plus déroutant : Yelle …