Comptes rendus

Laniel, Jean-François et Joseph-Yvon Thériault (dir.), Retour sur les États généraux du Canada français. Continuités et ruptures d’un projet national (Montréal, Presses de l’Université du Québec, 2016), 410 p.[Notice]

  • Claude Couture

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  • Claude Couture
    Université de l’Alberta

D’abord, rappelons le contexte. Les États généraux du Canada français ont été tenus de 1966 à 1969. D’une certaine façon, ils marquaient une continuité avec des rassemblements francophones du même genre qui avaient eu lieu auparavant, par exemple en 1912, 1937 et 1952. La différence était que ces rassemblements précédents avaient été organisés sous l’égide du Congrès de la langue française. Somme toute, cependant, il s’agissait, comme les États généraux du Canada français, d’un exercice de réflexion collective sur l’expérience francophone en Amérique du Nord. L’idée avait été lancée en 1961 par la Fédération des Sociétés Saint-Jean Baptiste du Québec, reprise par le député Jean-Jacques Bertrand en 1963 et endossée par la FSSJBQ en 1964. Des assises préliminaires avaient été organisées du 25 au 27 novembre, à l’Université de Montréal. Des assises nationales ont constitué une deuxième réunion des États généraux en 1967. En effet, du 23 au 27 novembre 1967, 1075 délégués territoriaux du Québec, 167 représentants des réseaux associatifs et 364 francophones de l’extérieur du Québec ont participé, à la Place des Arts à Montréal, aux travaux des assises nationales des États généraux du Canada français. Ils répondaient ainsi à l’appel lancé par les organisateurs de l’événement, notamment le professeur de droit et futur ministre du gouvernement québécois, Jacques-Yvan Morin, Rosaire Morin, directeur de la revue L’Action nationale, et le professeur d’économie, François-Albert Angers. Rappelons aussi que ces assises de novembre 1967 se déroulaient dans un contexte exceptionnel, notamment celui du centenaire de la Confédération canadienne, de l’Exposition universelle (Expo 67) à Montréal et du passage controversé du président français, Charles de Gaulle, au Québec. Une troisième rencontre eut lieu en 1969, du 5 au 9 mars, non sans une certaine ironie, à l’hôtel Reine Élisabeth. Pour plusieurs, les assises nationales des États généraux de novembre 1967 ont marqué une rupture dans les rapports entre les francophones d’Amérique, surtout une rupture entre les francophones du Canada. Les États généraux de 1967 seraient en effet devenus une date charnière dans la définition du territoire national du Canada français, à savoir le Québec comme territoire national et aussi comme État et instrument essentiel de défense du fait français en Amérique du Nord. Ces changements au nationalisme canadien-français, qui n’avait pas le Québec comme épicentre, auraient été mal reçus par les représentants des communautés francophones de l’extérieur du Québec. De fait, ces changements, approuvés par les délégués des assises nationales, avaient donné lieu à des débats assez animés lors de la discussion sur le droit à l’autodétermination des Canadiens français et la reconnaissance du Québec comme territoire national du Canada français. Les Franco-Ontariens avaient alors voté contre la résolution, de même que les francophones de l’Ouest, alors qu’une légère majorité d’Acadiens et presque tous les délégués québécois avaient appuyé la résolution. L’ouvrage de Jean-François Laniel et de Joseph-Yvon Thériault est donc la publication des actes d’un colloque tenu en 2012 lors du 45e anniversaire des assises de 1967. On compte treize chapitres dans ce livre, répartis en cinq grandes parties. La première partie est constituée d’une remise en contexte importante d’un des grands acteurs de l’époque, Jacques-Yvan Morin. Ce chapitre est suivi d’un essai de Joseph-Yvon Thériault qui rappelle la mobilisation de la société civile en des temps de grande tension politique, exprimée notamment par la Commission sur le biculturalisme et le bilinguisme. Aujourd’hui, croit l’auteur, il serait impossible de recréer cette mobilisation en raison de la domination de la « société des individus » qui a remplacé la société civile. La deuxième partie de l’ouvrage est consacrée à l’analyse de la perception des résultats des États généraux par la …