Comptes rendus

Cardinal, Claude, Une histoire du RIN, Montréal, VLB éditeur, 2015, 504 pages[Notice]

  • Xavier Gélinas

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  • Xavier Gélinas
    Musée canadien de l’histoire

Les grandes lignes de l’histoire du Rassemblement pour l’indépendance nationale (RIN), premier parti indépendantiste au Québec, sont bien connues des chercheurs comme du grand public. Pourtant, l’ouvrage de Claude Cardinal est la toute première synthèse qui lui soit exclusivement consacrée. Fondé à l’été 1960, dans une auberge de Morin-Heights, dans les Laurentides, le RIN se compose, à l’origine, de figures comme André d’Allemagne, se sentant à l’étroit dans l’Alliance laurentienne, mouvement indépendantiste dirigé par Raymond Barbeau, campé à droite et créé trois ans plus tôt ; de nationalistes réunis autour de Marcel Chaput, de Hull, et provenant de la mouvance des sociétés Saint-Jean Baptiste et de l’Ordre de Jacques-Cartier ; et de quelques individus « non affiliés ». Pierre Bourgault, journaliste et comédien à ses heures, qui accédera à la présidence du parti en 1964 pour en demeurer la figure la plus connue, n’appartient pas au noyau fondateur mais s’alliera aux pionniers dès l’automne 1960. L’étude de Claude Cardinal fait ressortir à quel point l’existence du RIN, de 1960 à 1968, est tout sauf un long fleuve tranquille. Au départ, le Rassemblement se veut un mouvement d’éducation populaire, voué à promouvoir l’idéal indépendantiste et réunissant des membres issus de tous les courants ; ni un parti politique, donc, ni un groupement à l’idéologie socio-économique déterminée. Plusieurs de ses fondateurs ont précisément quitté l’Alliance laurentienne et refusé de se joindre à un petit mouvement indépendantiste de gauche, l’Action socialiste pour l’indépendance du Québec (ASIQ) de Raoul Roy, pour éviter toute association étroite entre leur idéal national et un crédo déterminé. Mais les tenants du RIN-mouvement, comme d’Allemagne, échoueront à réfréner les ardeurs électorales des adeptes du RIN-parti, et les membres conviendront au congrès de mai 1964 de se transformer en parti politique appelé à présenter des candidats aux élections provinciales prévues pour 1966. Une fois cette décision prise, il deviendra difficile pour ceux qui voient le RIN comme un forum d’indépendantistes de tempérer les ardeurs des militants qui souhaitent que le RIN s’inscrive clairement sur l’axe des idées : on ne peut pas mener une campagne électorale avec un seul article au programme, aussi noble et rassembleur soit-il. C’est ainsi que, porté par l’air du temps – l’élan décolonisateur, la sécularisation, la vogue du planisme, de l’État-providence et de la technocratie – le RIN est conduit à élaborer un programme politique de plus en plus détaillé, débordant largement les enjeux de l’indépendance nationale et de l’affirmation identitaire qui l’ont guidé au départ. L’auteur note avec pertinence que ce virage à gauche fut largement verbal et incantatoire, les piliers du parti ayant souvent le mot « révolution » à la bouche mais ne promouvant pas de thèses visant à « casser le système ». Aux yeux de la plupart des observateurs cependant, et des rinistes eux-mêmes qui en majorité s’en réjouissent, le RIN nouveau devient de plus en plus strident en paroles et tapageur en actions – manifestations, piquetages en solidarité avec des grévistes, etc. Cette évolution fait éclater, peu après le congrès de 1964, la bonne entente relative entre les indépendantistes qui embrassent les projets et utopies de gauche et ceux qui, tout en souhaitant également la libération de leur peuple, respectent les structures et coutumes traditionnelles du Canada français. Déjà, en 1963, Marcel Chaput a claqué la porte du RIN pour lancer son éphémère Parti républicain du Québec, à la fois par conviction électoraliste et pour se dissocier d’une tendance déjà perceptible vers la gauche. En septembre 1964, nouvelle scission. Des membres influents des régions de Québec, du Saguenay–Lac-Saint-Jean et des Bois-Francs forment le Regroupement national, un parti indépendantiste concurrent …