Introduction. Territoire et environnement[Notice]

  • Stéphane Castonguay et
  • Dany Fougères

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  • Stéphane Castonguay
    Département des sciences humaines, Université du Québec à Trois-Rivières, Centre interuniversitaire d’études québécoises

  • Dany Fougères
    Département d’histoire, Université du Québec à Montréal, Laboratoire d’histoire et de patrimoine de Montréal

Au cours des dernières décennies, des travaux s’inscrivant dans le sillon de l’histoire environnementale ont interrogé la dynamique des interactions entre la société et son milieu en insistant sur les représentations et les institutions qui ont encadré ces interactions. Pareilles interrogations engageaient dans une voie neuve une réflexion entamée par les spécialistes de la géographie historique qui prenaient en compte les dimensions spatiales et matérielles du changement social. Plutôt que d’être conçue uniquement comme un ensemble de caractéristiques physiques à l’arrière-scène d’une socio-économie en constante mutation, la transformation des milieux biogéophysiques occupés par les sociétés passées et présentes s’est retrouvée au coeur des changements socioculturels à l’étude. En maintenant la focale sur les régimes de représentations et les institutions, l’histoire des rapports sociaux à l’environnement tend par contre à délaisser les acquis de la géographie historique, alors même que celle-ci se renouvelle au contact de spécialités des sciences humaines et sociales, comme la philosophie politique, les sciences studies et l’anthropologie culturelle. De la même manière que la géographie culturelle a réduit son propre rapport au sol, le territoire, dans ses dimensions matérielles – lire écologiques – et intellectuelles est trop rapidement évacué de l’analyse historienne comme si le terme fourre-tout de « nature » – en soi fortement et nécessairement questionnable – devait inclure les lieux de son déploiement et les maintenir dans des frontières inamovibles. Enfin, de nouveaux outils informatiques permettent la spatialisation de l’activité humaine dans une dimension diachronique pour saisir conjointement les transformations de l’espace et de la société. L’étude des changements des pratiques spatiales et des régimes de représentation de l’espace peut recadrer les récentes contributions de l’histoire environnementale dans le sillon de la géographie historique. C’est précisément l’objectif de la présente parution de la Revue d’histoire de l’Amérique française, près de dix ans après la publication d’un numéro thématique sur les rapports sociaux à la nature. Il s’agit bien ici de re-situer au coeur de la réflexion historique le territoire qui, en nom sinon en idée, s’immisce depuis longtemps dans l’étude des sociétés de l’Amérique française. En effet, la littérature scientifique, mais aussi pamphlétaire et technocratique, s’interroge régulièrement sur le territoire comme lieu et milieu d’accueil de l’activité humaine, notamment pour son administration et son occupation, pour sa mise en valeur et son exploitation, ou encore pour la définition des contours d’une identité régionale ou nationale. En 1848, Guillaume Lévesque prononce une conférence au titre évocateur : « De l’influence du sol et du climat sur le caractère, les établissements et les destinées des Canadiens ». Pour son auteur, patriote et membre de l’Association des frères-chasseurs, le territoire est un agent identitaire du peuple canadien-français. En 1929, alors que la croissance industrielle en région se pose devant « l’amour du sol ancestral  » et ses valeurs, Mgr Albert Tessier de Trois-Rivières écrit le « Réveil régionaliste » dans lequel il suggère qu’évoquer « le décor » permet de comprendre la petite patrie (la région) et la grande patrie (le pays). Une dizaine d’années plus tard, dans un contexte où les problèmes économiques et sociaux se font pressants, l’économiste Esdras Minville dirige les travaux d’universitaires et de fonctionnaires aux horizons disciplinaires différents, mais qui tous traitent de l’interaction entre la société québécoise et le territoire, notamment au regard de ses ressources naturelles. Cette entreprise d’envergure mène à la publication de Notre milieu. Aperçu général sur la province de Québec. Dans les décennies qui suivent la Seconde Guerre mondiale, l’essor des sciences sociales et la mise en place d’un solide appareil technocratique participent à un nouveau mode d’appréhension du territoire, sous l’horizon pragmatique d’un …

Parties annexes