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Martin Gauthier, historien et auteur, oeuvre à la mise en valeur du patrimoine, en muséologie, en conservation préventive et en restauration d’oeuvres patrimoniales. Il signe cette synthèse sur l’histoire du port de Trois-Rivières. Parmi les plus récents projets de M. Gauthier mentionnons une exposition sur la charpenterie navale et une publication sur l’histoire d’organismes et d’entreprises de la Mauricie. Cet ouvrage s’inscrit donc dans une suite logique combinant l’univers maritime et le développement d’un acteur majeur : le port trifluvien.
L’objectif de l’auteur consiste à dévoiler les faits marquants de l’histoire du port en montrant comment il a évolué tant dans sa forme que dans ses fonctions et son administration. M. Gauthier exprime le désir d’écrire l’histoire des travailleurs, des dirigeants d’entreprises, des marins, des croisiéristes et des citoyens qui ont fréquenté le port. L’Administration portuaire de Trois-Rivières, pour sa part, souhaite que les lecteurs découvrent qu’au-delà des quais et des hangars, le port est une communauté de passionnés qui s’affairent à relier la région trifluvienne au reste du monde.
Il n’est pas simple de faire l’histoire humaine d’un lieu industriel. Les propriétaires d’entreprises, les politiciens et les biens nantis laissent toujours beaucoup plus de traces et de témoignages que les travailleurs ou les citoyens dits ordinaires. Sans eux pourtant, le port n’existe pas. Saluons l’initiative de l’auteur qui a interviewé des débardeurs actuels et retraités. Cela colore des passages de son récit d’une touche plus humaine. Certaines informations ne se trouvent pas, en effet, dans les archives, mais bien dans les souvenirs et les corps usés de ceux qui ont fait des quais et hangars leur deuxième maison.
Le récit est bien ficelé, très compréhensible. Le lecteur repère rapidement les grands événements qui ont façonné les installations portuaires : l’avènement du navire à vapeur, la mise en place du réseau ferroviaire, le développement de l’industrie du bois, l’ère des pâtes et papiers puis la croissance du marché du grain. Fidèle au genre, cette synthèse suit une trame chronologique. Par contre, le découpage des chapitres se veut thématique. La trame chronologique est donc sous-jacente : les décennies se succèdent au fil de la lecture sans que cela rende le propos trop académique.
En introduction, l’auteur présente comment la rive abrupte et les plages sablonneuses de Trois-Rivières accommodaient divers types d’embarcation jusqu’au début du XIXe siècle. Ce n’est qu’à partir de 1809 lors du passage du premier vapeur, l’Accommodation de John Molson, que les quais deviennent essentiels. Les gens d’affaires de Trois-Rivières s’engagent alors rapidement dans la construction de quais privés.
Au premier chapitre, le lecteur comprend que la construction et l’entretien des premiers quais sont plutôt anarchiques. Aussi, le fait que le chemin de fer ne puisse pas atteindre les quais nuit au développement du port. Des voix s’élèvent pour réclamer la mise sur pied d’une administration publique. Le ministre des Travaux publics (aussi député de la circonscription de Trois-Rivières) dépose un projet de loi en 1882 : la Commission du havre de Trois-Rivières est créée. La construction d’un quai public en eau profonde débute l’année suivante.
Dans le second chapitre, l’auteur aborde la présence soutenue des citoyens dans le port. Des cirques y établissent leurs chapiteaux, le marché aux poissons est très fréquenté, le service de traverse est populaire sans oublier les embâcles printaniers qui attirent les curieux. Les quais demeurent toutefois des lieux industriels. Les produits qui y transitent évoluent au fil du temps. Après l’époque du commerce des fourrures, c’est le marché du bois qui prend de l’importance. L’ère du charbon s’installe lorsque ce combustible devient essentiel à la navigation, au transport ferroviaire, au chauffage et aux industries. Le port roule alors à plein régime, de jour comme de nuit.
Le troisième chapitre présente le développement du port lors de l’ère des pâtes et papiers. Le port ouvert sept mois par année, capable de recevoir des navires à fort tonnage devient l’élément clé soutenant le développement de l’industrie papetière mauricienne. Des matières premières nécessaires au fonctionnement des papetières sont importées via le port, alors que les produits finis en repartent à destination du monde entier. La production de papier dans la région s’accroît sans cesse. Dans les années 1930, des quais en béton et des hangars modernes sont construits spécifiquement pour le transit du papier et le port s’étend vers l’ouest.
Le quatrième chapitre est celui de l’ère des céréales. En 1936, un immense élévateur est érigé dans le port. Associé à une tour de déchargement, une pesée, un système de tri et un réseau de convoyeurs, cet élévateur est le premier du genre à Trois-Rivières. Sur trente ans, deux autres élévateurs sont construits afin de répondre à la demande. L’industrialisation croissante du port amène la population à délaisser ce secteur de la ville. Au début des années 1980, à la veille de son 350e anniversaire, la ville crée un parc portuaire. Le port reprend vie.
Finalement, dans le dernier chapitre, l’auteur traite du récent déclin du marché des pâtes et papiers et de celui du grain. Des solutions novatrices sont mises en oeuvre pour convertir les installations et stimuler les activités portuaires. Le port se réinvente avec succès. À la création de l’Administration portuaire de Trois-Rivières (APTR) en 1999, le port reprend le plein contrôle de son destin après une soixantaine d’années sous la gouverne d’organismes fédéraux. L’APTR s’engage dans une course à l’innovation et l’amélioration de ses installations.
Cet ouvrage se démarque par ses textes courts, rigoureux et accessibles et par son iconographie abondante et esthétique. Les recherches de l’auteur dans les archives de l’APTR et dans celles des Ports nationaux ont porté fruit. Seul bémol, il n’y a aucun plan du port au fil du temps. Des plans historiques des installations portuaires à différentes époques ou bien des illustrations schématiques auraient permis de mieux en saisir l’évolution. Le lecteur étranger se serait ainsi mieux situé dans l’espace.
Le port trifluvien est un lieu d’importance dont l’histoire mérite d’être racontée. Si les similitudes avec le développement du port de Montréal, par exemple, sont nombreuses, le port de Trois-Rivières sert un coin de pays qui lui est propre. Les étapes de son développement ont donc été influencées par des facteurs régionaux. L’ère du papier, entre autres, s’y est vécue comme nulle part ailleurs. De tout temps, le port de Trois-Rivières a su tirer son épingle du jeu parmi ses concurrents le long du Saint-Laurent.