Comptes rendus

Meren, David, With Friends Like These. Entangled Nationalism and the Canada-Quebec-France Triangle, 1944-1970 (Vancouver, UBC Press, 2012), 355 p.[Notice]

  • Stéphane Paquin

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  • Stéphane Paquin
    Chaire de recherche du Canada en économie politique internationale et comparée, ENAP

Le livre de David Meren, professeur au département d’histoire de l’Université de Montréal, est tiré de sa thèse de doctorat déposée à l’Université McGill (en toute transparence, David Meren est un des quatre directeurs d’un livre à paraître en anglais sur la politique internationale du Québec, livre dans lequel j’ai proposé deux articles). Comme le suggère le titre, le livre porte sur la relation triangulaire entre le Canada, le Québec et la France entre 1944 et 1970. Ce sujet constitue, sans aucun doute, le thème le plus étudié de l’histoire des relations internationales du Québec. Meren justifie l’originalité de son livre par le fait qu’il resitue l’action dans le contexte national et international. Pour l’auteur, resituer les rapports entre le Canada, la France et le Québec « in larger international and transnational narratives » est l’élément clé du livre qui permet de mieux comprendre les motivations des différents acteurs (p. 5). Pour lui, il s’agit de l’originalité fondamentale du livre. Ce dernier est divisé en trois parties et onze chapitres. La première partie porte sur les relations triangulaires entre 1944 et 1960 ; la seconde sur les sources des tensions dans la relation triangulaire (culture, la question de l’indépendance et la situation géopolitique) ; alors que la dernière partie porte sur les tensions des années 1960-1970. Pour donner de la cohérence à son approche, l’auteur fait des allusions à des théories des relations internationales sans les expliciter fondamentalement en introduction. La première théorie mobilisée est celle de l’interdépendance complexe ou de la transnationalisation de la scène internationale développée par l’économiste Richard Cooper à la fin des années 1960 et ensuite théorisée par Joseph Nye et Robert Keohane au début des années 1970. La seconde théorie s’inscrit plus largement dans les paramètres de l’interprétation des théoriciens réalistes de la théorie sur la stabilité hégémonique à la suite des travaux de Charles Kindleberger. La première théorie stipule que les pays sont de plus en plus interdépendants sur de multiples enjeux, ce qui accentue la coopération entre eux, alors que la seconde prétend que lorsqu’une puissance hégémonique émerge, comme les États-Unis au XXe siècle, d’autres pays auront tendance à se liguer contre cette dernière afin d’équilibrer sa puissance, ce qui expliquerait notamment le comportement de la France envers les États-Unis. Si, comme l’auteur le prétend, cette partie du livre constitue sa principale contribution aux débats, le lecteur peut être déçu. David Maren n’a pas proposé de cadre théorique dans son livre, il a plus simplement énoncé en introduction quelques postulats qui vont guider la lecture des autres chapitres. Il s’agit ici d’une lacune importante. S’il avait creusé un peu, il aurait compris que les théories de l’interdépendance complexe et la version réaliste de la théorie de la stabilité hégémonique sont incompatibles. Ces deux théories ne peuvent pas être mobilisées en même temps pour expliquer le même phénomène puisqu’elles s’opposent. La première soutient qu’il existe une interdépendance croissante entre les États, alors que les théoriciens réalistes comme Robert Gilpin ou encore Stephen Krasner contestent cette idée. Gilpin a même déjà écrit que la nature des relations internationales n’a pas réellement changé depuis 1000 ans ! Bref, la mondialisation et l’interdépendance sont des mythes. La confusion du lecteur est accentuée par le fait que l’auteur cite, tout au long du livre, divers auteurs (Paul Kennedy, Immanuel Wallerstein, Stephen Krasner ou James Rosenau) qui ont des conceptions théoriques fondamentalement différentes du système international (néomarxiste, libéral et réaliste…). Sur le terrain empirique, il est également assez difficile de soutenir, comme le fait l’auteur, qu’entre 1944 et 1970, le monde est interdépendant à un point tel que …