Note de lecture : quarante fois la ConquêteVEYSSIÈRE, Laurent et Bertrand FONCK, dir., La guerre de Sept Ans en Nouvelle-France (Québec, Septentrion, 2012, en coédition avec les Presses de l’Université de Paris-Sorbonne), 360 p.BUCKNER, Phillip et John G. REID, dir., Revisiting 1759 : The Conquest of Canada in Historical Perspective (Toronto, University of Toronto Press, 2012), viii-280 p.BUCKNER, Phillip et John G. REID, dir., Remembering 1759 : The Conquest of Canada in Historical Memory (Toronto, University of Toronto Press, 2012), viii-317 p.[Notice]

  • Thomas Wien

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  • Thomas Wien
    Département d’histoire, Université de Montréal

Avec les anniversaires du traité de Paris et de la guerre de Pontiac, le cycle commémoratif des 250 ans de la fin de la Nouvelle-France s’achève. Du moins peut-on le penser, sous réserve d’un probable coda louisianais vers 2017-2018. Alors que le conflit mondial de 1914-1918 occupe à son tour l’actualité historique, il y aurait lieu de suivre de près le travail de la mémoire culturelle au Québec et ailleurs depuis une dizaine d’années, à travers les évocations multiformes de la Conquête, sa guerre et ses paix successives (1760, 1763). Cette note de lecture n’est pas un tel retour sur les lieux, se contentant de passer en revue trois ouvrages collectifs importants et révélateurs. Parus en 2012, ils sont issus de deux colloques tenus à l’automne de 2009. À première vue, une sorte de symétrie franco-britannique s’établit entre La guerre de Sept Ans (dans ce qui suit : GSA), livre paru par les soins de deux historiens français, et Revisiting/Remembering 1759 (respectivement : REV et REM), publications jumelles résumant des propos tenus à l’Université de Londres. Or, les lieux d’édition l’indiquent déjà, c’est moins la Manche que l’Atlantique qui définit l’espace de discussion. Cette impression se confirme au regard des tables des matières : des Nord-Américains (29 des 42 auteurs, dont les 4 femmes, oeuvrent en Amérique) ont écrit la majorité – et dans le cas des volumes en anglais, l’essentiel – de la quarantaine de chapitres proposés. La rencontre à l’origine de La guerre de Sept Ans s’est même tenue deux fois, à Québec puis à Paris. Dans un cas comme dans l’autre, nous sommes donc devant des exemples, intéressants en soi, de discussions plus ou moins nord-américaines délocalisées. En revanche, ces événements n’étaient pas tout à fait de même nature, le caractère universitaire de celui de Londres étant plus affirmé. Ce contraste s’est transmis aux publications. Aussi est-ce en français (dans GSA, donc) qu’on lit des contributions rappelant aux non-spécialistes le contexte stratégique (Frédéric Guelton, Stephen Brumwell, Luc Lépine). C’est aussi dans ce volume qu’on trouve une version, synthétique et très à l’abri des controverses, du déroulement des deux batailles de Québec (Hélène Quimper) ; une brève mais utile synthèse des travaux français et britanniques sur les inégales puissances navales en jeu (Olivier Chaline) ; et un stimulant « essai d’historiographie apaisée » (qui l’est assez peu, finalement) sur la dernière guerre de la Nouvelle-France (Jean-Pierre Poussou). De façon générale, les titres des ouvrages traduisent bien leur contenu, le volume en français s’intéressant en effet principalement à la guerre de Sept Ans (dans l’introduction, il est question d’une contribution à une « histoire totale du fait militaire », GSA, p. 15) et seulement dans une moindre mesure à ses répercussions historiques et mémorielles. En anglais, c’est la Conquête qu’on étudie, à la fois comme période charnière de l’histoire vécue et comme artefact des mémoires nationales. Ces différences d’accent aussi bien que de langue n’empêchent pas les trois ouvrages de participer du même moment commémoratif. Raison de plus de passer de l’un à l’autre pour faire dialoguer leurs chapitres. Ce dialogue est d’ailleurs facilité par la puissante charge symbolique de l’événement, laquelle rend particulièrement évidente la part d’avenir que comporte toute analyse du passé. Nous y reviendrons en fin de parcours. Premier constat, les retombées thématiques de l’internationalisation des réflexions de ces dernières années. Souligné tout particulièrement dans le bref survol de S. Brumwell (GSA), au titre révélateur « La guerre de Sept Ans à l’échelle mondiale », le contexte international de l’affrontement devant Québec est souvent mis en évidence, qu’il s’agisse du rappel des théâtres éloignés (Inde, Afrique) …

Parties annexes