Comptes rendus

PAUL, Josianne, Sans différends, point d’harmonie. Repenser la criminalité en Nouvelle-France (Québec, Septentrion, 2012), 356 p.[Notice]

  • David Gilles

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  • David Gilles
    Faculté de droit, Université de Sherbrooke

Cet ouvrage, novateur quant à la démarche criminologique adoptée, constitue une plongée intéressante dans la réalité pénale de la Juridiction royale de Montréal. L’intérêt essentiel de l’ouvrage est d’éclairer une réalité coloniale encore peu approfondie par les historiens canadiens, et de replacer celle-ci dans le cadre d’études plus vastes, notamment menées en Europe sur la criminalité. Malgré des conclusions attendues, le portrait dressé des rapports entre société, population et institutions judiciaires éclaire la réalité institutionnelle et sociale de Montréal durant la première moitié du XVIIIe siècle. Si l’analyse de l’historiographie est bien menée dans le premier chapitre de l’ouvrage, certains travaux auraient pu être davantage exploités. L’auteure, attentive aux choix terminologiques opérés, écarte certains concepts à l’opérabilité faible, comme les notions d’infra justice, d’extra justice ou de justice réparatrice, au profit de catégories reprises de la criminologie, comme la notion de règlement compensatoire (p. 142). Le recours à des termes comme « situation-problème » préféré à « différends », s’il peut se comprendre afin d’embrasser l’ensemble des cas et du choix de la criminologie, est peu satisfaisant à la lecture. En matière de terminologie comme sur le fond, le choix de la criminologie laisse le droit stricto sensu en marge. L’optique du juriste, les cadres du droit et des juristes de l’Ancien régime sont assez largement écartés, ce qui appauvrit la perspective. Toutefois, l’auteure fait appel ponctuellement à la doctrine de l’ancien droit afin d’appuyer ou d’éclairer les situations génératrices de différends, toujours de manière judicieuse. Le choix « social » est clairement assumé. Le cadre juridique et législatif est en arrière-plan, sans analyse de son efficience ou des problèmes juridiques qui peuvent expliquer ou orienter la perception des faits générateurs ou des solutions qui y répondent. L’évocation de l’absence d’enregistrement de certaines ordonnances (comme l’ordonnance criminelle) sans explication de l’enjeu de cette particularité du fonctionnement du Conseil Souverain en est une illustration, laissant le lecteur non spécialiste dans l’expectative. L’ouvrage d’Élise Frelon, Les pouvoirs du Conseil souverain de la Nouvelle-France dans l’édiction de la norme (1663-1760), contribution récente à cette question, pourtant utilisée à bon escient à la suite de l’ouvrage (p. 44-45), aurait pu être cité à cette occasion (p. 15, note 8). Certaines procédures juridiques, comme le recours à l’acte sous seing privé, sont toutefois utilisées judicieusement afin de mettre en avant la souplesse des systèmes juridiques de l’ancien droit, souplesse à laquelle nos systèmes juridiques modernes reviennent doucement. À cette occasion, l’auteure a mené une analyse intéressante à partir de l’Inventaire des greffes des notaires du Régime français de Pierre Georges et Antoine Roy, ouvrage ancien mais d’une grande utilité (p. 161-181). L’auteure conclut ces développements en soulignant que « [t]out compte fait, les actes notariés permettaient aux justiciables de la juridiction royale de Montréal de résoudre avec souplesse les situations problèmes potentiellement criminalisables auxquelles ils faisaient face » (p. 180). L’analyse des procès civils (p. 181 et suivantes) donne l’occasion à l’auteure de « juridiciser » son propos, en reprenant la distinction entre demande d’indemnité pécuniaire et demande de condamnation à l’amende, qui très proches dans les faits, sont de natures différentes et rendent compte, comme l’auteure le remarque, d’une stigmatisation publique différente (p. 184). L’analyse du mode pénal dans le cadre judiciaire, coeur du propos de l’auteure, intervient au mitan de l’ouvrage. Reprenant synthétiquement la structure simplifiée de la justice en Nouvelle-France (analyse que l’on aurait peut-être aimé trouver en amont de l’ouvrage), l’auteure souligne la simplicité de la structure par rapport à celle de l’Ancienne France. À cette occasion, un aperçu des acteurs du monde judiciaire (formation, personnages marquants, juges, procureurs …