Comptes rendus

HÉBERT, Raymond-M., La Révolution tranquille au Manitoba français (Saint-Boniface, Les Éditions du Blé, 2012), 381 p.[Notice]

  • Gratien Allaire

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  • Gratien Allaire
    Professeur émérite, Département d’Histoire et Institut franco-ontarien, Université Laurentienne

Il fallait que ce soit écrit ! La Révolution tranquille a été québécoise et les historiens ont beaucoup écrit sur le sujet. D’autres historiens ont analysé les caractéristiques des « révolutions » comparables en Acadie et en Ontario français. La « Révolution tranquille » s’est aussi produite au Manitoba français, comme le montre le politologue Raymond-M. Hébert. Certains pourront, à l’instar de l’historien Gaétan Gervais, écrire que l’utilisation du terme « révolution » n’est pas appropriée pour ce type de changements ; d’autres pourront trouver abusive l’exportation de l’expression vers les minorités canadiennes-françaises des années 1960 et 1970. Il n’en reste pas moins que ces groupes ont connu, durant cette période, le même désengagement de l’Église catholique et de son clergé, une prise en charge moins étendue mais tout aussi transformatrice de la part de l’État provincial, un même changement culturel et une même mise au rancart de la ruralité. Le tout était accompagné d’une affirmation collective renforcée, basée sur la connaissance renouvelée de son histoire. À la hauteur des groupes minoritaires, c’est la métamorphose du Canada français en « francophones hors-Québec » et, plus tard, en francophonie canadienne, tout en passant par sa provincialisation. Le politologue analyse en détail les transformations qu’a connues le Manitoba français et les péripéties qui y ont mené. Il met d’abord l’accent sur l’association nationale qui, d’Association d’éducation canadienne-française du Manitoba (AÉCFM), s’est transformée en Société franco-manitobaine (SFM) en 1968. Hébert consacre quatre chapitres à la « longue agonie » de l’AÉCFM (ch. 2), à sa laïcisation et à sa démocratisation, au moyen, entre autres, d’un grand « rallye » du Manitoba français et d’un mouvement d’animation sociale (ch. 5). Il souligne ensuite les changements en éducation, réclamés par la population canadienne-française et apportés timidement par les gouvernements progressiste-conservateur de Duff Roblin (loi 59, 1967) et néo-démocrate d’Ed Schreyer (loi 113, 1970) ; le débat franco-manitobain opposait langue et foi, sous le couvert de la revendication d’écoles françaises laïques plutôt que d’écoles bilingues dirigées par des congrégations religieuses. C’est également l’époque du départ des jésuites du Collège de Saint-Boniface (1966) et de sa difficile laïcisation. Les médias, en particulier La Liberté et le Patriote de l’Ouest et la station de radio CKSB sont entrés « dans la modernité » (ch. 7). L’expression culturelle n’était pas en reste, loin de là, avec ce que Hébert présente comme « l’éclosion de la culture franco-manitobaine ». Le vénérable Cercle Molière a actualisé son répertoire, les chansonniers comme Daniel Lavoie ont trouvé des lieux d’expression et de succès, des écrivains se sont fait connaître et des artistes visuels ont découvert leur art ; en architecture, Étienne Gaboury a montré tout son art avec des églises d’un style tout nouveau, inspiré de Vatican II. Pour Hébert, ce sont des années de transformation qui ont mené à la contestation de deux « icones politiques » de la vieille garde, Laurent Desjardins et Roger Teillet, (ch. 8) et « Vers un renouveau franco-manitobain » (ch. 10). Si Hébert note l’influence de la contre-culture et celle, plus importante, de la culture québécoise en formation, il insiste toutefois sur la vigueur de la jeunesse franco-manitobaine pour expliquer cette profonde transformation. Hébert était « un observateur circonspect » et « un des principaux acteurs » (p. 9) de cette transformation. Diplômé du Collège de Saint-Boniface, rédacteur en chef du journal étudiant Frontières, cofondateur du St. Boniface Courier/Courrier de St-Boniface, il se décrit comme « l’un des principaux contestataires des idéologies et des structures dominantes de la communauté franco-manitobaine au milieu des années 1960 » (p. 350). Ce qui ne l’a pas empêché, …