Les dix essais de cet ouvrage collectif portent sur les multiples représentations de l’ancienne Acadie dans le discours littéraire et historique. Cette Acadie « souvent mythique et mythifiée » est à la base des « représentations collectives » de la mémoire et de l’identité acadienne (p. 5). En général, les auteurs atteignent leur but : l’analyse des diverses manifestations de ce discours à la lumière « de la place que ces représentations occupent dans le processus d’émergence des imaginaires collectifs ». (p. 5) Dans le cadre du thème « l’Acadie de l’Autre », les premiers textes explorent l’invention de l’Acadie faite par divers visiteurs. D’abord, Samuel Arsenault propose une étude des représentations cartographiques de l’ancienne Acadie dans laquelle il explique « les diverses interprétations des prétentions territoriales » des Français, des Britanniques ainsi que la présence des Autochtones à l’aide de plusieurs cartes de l’époque (p. 21). Il souligne l’arrivée tardive étonnante du toponyme Acadie, même sur les cartes françaises, puis sa disparition à partir de 1763. Il semble que l’Acadie n’ait jamais été un territoire avec des frontières fixes. Pour leur part, James de Finney et Tania Duclos expliquent la « véritable fascination des origines » présente dans les textes de la période coloniale (p. 31). Par exemple, les auteurs donnent une analyse intéressante des récits idéalistes de Marc Lescarbot. Qui plus est, la notion durable d’une société utopique acadienne détruite par la déportation vient notamment de l’Histoire philosophique et politique de Guillaume-Thomas Raynal (1770). Malheureusement, l’essai passe sous silence les nombreux documents historiques produits entre les années 1650 et 1770, comme la relation du voyage du Sieur de Dièreville (1708), qui auraient permis d’approfondir et de nuancer les résultats de recherche. Finalement, Hélène Destrempes explore la confrontation de deux visions de l’Acadie, « l’une de type réaliste, axée sur le présent, l’autre de type idéaliste, axée celle-là sur le passé ». (p. 54) Grâce à cette étude, on comprend bien comment la modernisation de l’espace acadien dans la région de Moncton aurait consterné les voyageurs canadiens-français tels que l’abbé Henri-Raymond Casgrain à la recherche des lieux de mémoire. Les deux essais suivants examinent la façon dont se manifeste la préoccupation des origines de la société acadienne. Caroline-Isabelle Caron analyse les activités de l’association de famille Forest, notamment la construction d’un passé uniforme et inchangeable qui constitue « une simplification du passé acadien. » (p. 69) Ce groupe de descendantes se valorise et se légitime par le biais d’une vision collective identitaire et imaginaire même au point que les gens « peuvent se dire acadiens tout en ne l’étant pas ». (p. 57) Annette Boudreau s’intéresse également aux processus d’auto-identification. Elle explique que « nommer, c’est agir sur les représentations, c’est s’affirmer, c’est se donner un pouvoir ». (p. 93) D’une part, une communauté régionale nomme sa langue l’acadien, l’acadjonne ou le chiac, afin de se définir et de se distinguer au sein d’une francophonie plus grande. D’autre part, ces appellations reflètent la manifestation d’insécurité linguistique inhérente aux milieux minoritaires (p. 79-80). La plus grande partie de l’ouvrage concerne la construction et la déconstruction du mythe des origines. Il s’agit d’études littéraires portant sur quelques grands ouvrages de la société acadienne. Par exemple, Pierre M. Gérin explique l’évolution d’une légende du dernier gouverneur français de l’Acadie. Le dramaturge Alexandre Braud s’est inspiré des textes historiques ainsi que de l’idéologie nationaliste acadienne dans la production de Subercase, drame historique en trois actes (1902). L’attrait de cette « image romantique du héros abandonné de tous » (99) est évident, mais l’essai ne profite pas des ouvrages historiques contemporains qui auraient …
DE FINNEY, James, Hélène DESTREMPES et Jean MORENCY (dir.), L’Acadie des origines : mythes et figurations d’un parcours littéraire et historique (Sudbury, Éditions Prise de parole, 2011), 170 p.[Notice]
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Gregory Kennedy
Département d’histoire et de géographie, Université de Moncton