Comptes rendus

Lemoine, Réjean, La Société de Saint-Vincent de Paul à Québec. Nourrir son âme et visiter les pauvres, 1846-2011 (Québec, Les Éditions GID, 2011), 223 p.[Notice]

  • Dale Gilbert

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  • Dale Gilbert
    Centre Urbanisation Culture Société, Institut national de la recherche scientifique

Les quartiers populaires de la ville de Québec furent le lieu de nombreuses initiatives en matière d’assistance aux XIXe et XXe siècles. Dans le quartier centre-ville Saint-Roch par exemple, prêtres, curés et citoyens mirent notamment sur pied un orphelinat, des refuges et un service de placement professionnel pour jeunes femmes. Des conférences de la Société de Saint-Vincent de Paul (SSVP) quadrillèrent le territoire du quartier systématiquement, comme partout ailleurs à Québec. Leurs membres visitèrent les familles pauvres, leur donnant au besoin bois de chauffage, vêtements, nourriture ou des bons pour s’en procurer auprès des commerçants locaux. Cette Société – une des plus vieilles organisations de la ville – est ici l’objet d’une monographie signée Réjean Lemoine, qui retrace son évolution depuis son implantation à Québec en 1846, une première au Canada, jusqu’à son 165e anniversaire en 2011. Cet ouvrage destiné à un large public et d’une pertinence scientifique indéniable est très bien écrit – la plume de Lemoine est claire et rythmée – et agréablement illustré. L’historien, journaliste et ancien conseiller municipal a mis à profit un matériel riche encore peu utilisé jusqu’ici dans la recherche sur les services sociaux à Québec, soit l’imposant fonds d’archives de la SSVP, qui contient aussi les documents des oeuvres qui y ont été associées (comme le Secrétariat des familles) ou avec lesquelles la Société a collaboré (comme les Gouttes de Lait), et les archives du Conseil central des oeuvres de Québec (actuelle Centraide Québec). L’évolution de la SSVP à Québec est inscrite dans le contexte socio-économique de la ville et est mise en comparaison à plusieurs reprises avec celle de la Société à Montréal, à Lévis et ailleurs dans la région de Québec. En présentant ses activités (et notamment ses rapports soutenus avec le Conseil général de la Société à Paris et son implication dans la distribution des secours lors du grand incendie de 1866, de l’épidémie de grippe espagnole et de la Crise), les mutations de sa structure et l’évolution de la perception de son rôle et de celui que l’État doit jouer dans le domaine des services sociaux, l’auteur démontre à quel point cette organisation catholique laïque joua un rôle central dans le développement du réseau des organismes et services d’assistance de Québec aux XIXe et XXe siècles. Plusieurs oeuvres furent fondées ou cofondées par des membres ou des conférences, générales ou spécialisées (étudiantes, irlandaises, aide aux vieillards délaissés, etc.), de la Société : caisses d’épargne, maison pour femmes en difficulté, services de soutien aux jeunes sourds-muets, maisons d’aide aux écoliers, aux marins, aux immigrants ou aux ex-détenus, agence de placement en institution, refuges de nuit pour itinérants, vestiaires, service d’écoute téléphonique, soupe populaire, etc. Dans plusieurs cas, ces oeuvres ont elles-mêmes essaimé, densifiant d’autant la toile de l’assistance. La SSVP apporta de plus un soutien matériel et financier à diverses oeuvres et institutions de la région, comme l’Hôtel-Dieu du Sacré-Coeur-de-Jésus, l’Oeuvre de la protection de la jeune fille et la prison pour femmes Notre-Dame-de-la-Merci. Elle construisit et alimenta ainsi un réseau dense de liens de collaboration entre les organisations, entre laïques et religieux, entre notables et commerçants et entre hommes et femmes. La Société se considère assez tôt dans son histoire « […] comme la mère inépuisablement féconde de toutes les oeuvres » (p. 37). Lemoine illustre au fil des quatre chapitres du livre ce rôle de mère, mais ne remet pas en question la proposition selon laquelle la SSVP aurait été à l’origine de tous les maillons du réseau d’assistance. Il soutient même qu’elle constituait à la fin du XIXe siècle « […] …