Comptes rendus

Morissonneau, Christian, avec la collaboration de Maryse Chevrette et Isabelle Lafortune, Le rêve américain de Champlain (Montréal, Hurtubise, 2009), 252 p.[Notice]

  • Denis Vaugeois

…plus d’informations

  • Denis Vaugeois
    Historien

L’univers de Samuel Champlain est vraiment celui de Christian Morissonneau. Il y est chez lui en totale possession de ses moyens. À tous égards, il est dans son élément. Il marque d’ailleurs son territoire en choisissant de parler de Samuel Champlain plutôt que Samuel de Champlain. Il en surprendra quelques-uns et c’est son intention. Champlain, il le connaît intimement ; il l’a fréquenté sans arrêt depuis une trentaine d’années en compagnie de son maître et ami, Jean Glénisson, à qui il dédie son livre. Il en laissera plusieurs sceptiques quand il demande à Champlain de partager « en toute équité » avec Dugua de Mons le rôle de fondateur de Québec. N’est-ce pas ce dernier qui envoie Champlain comme chargé de mission ? « Il y a donc, en toute légitimité, deux fondateurs pour l’ouverture de l’habitation française de Québec. » Prévoyant les protestations, il ajoute : « il est peu probable que l’emplacement ait été fixé par le seul Dugua De Mons qui ne connaissait que Tadoussac ». Il fournit même des munitions à ses opposants en rappelant que c’est Champlain « qui a insisté pour un retour dans le Saint-Laurent » à la suite de l’expérience acadienne. Plus tôt dans son texte, Morissonneau a d’ailleurs rappelé que Dugua de Mons avait indiqué à Tadoussac en 1601 « ses tourments d’un climat si peu accueillant […] Ce peu qu’il avait vu lui avait fait perdre la volonté d’aller dans le grand fleuve, n’ayant vu en ce voyage qu’un fâcheux pays » (p. 85). Il avait alors opté pour l’Acadie. Morissonneau n’en démord pas : même s’il a délégué ses pouvoirs à Champlain, « il participe de plein droit à l’ouverture du poste […] Il y a donc deux fondateurs : l’un en fait, l’autre en droit » (p. 137). Ce choix de Québec, Morissonneau a également le goût d’en discuter. À son avis, l’expédition faite en 1603 avait amené Champlain à envisager diverses hypothèses d’établissements permanents. Il n’insiste pas beaucoup sur l’exceptionnel guide qu’avait alors Champlain, soit Dupont-Gravé qui fréquentait le fleuve depuis plus de quinze ans. Le géographe Morissonneau ne nous parle pas non plus de l’étonnante carte de Guillaume Levasseur qui montre clairement Quebecq et 3 Rivières, informations qui proviennent très probablement de son précieux guide, cet inséparable compagnon qui sera aux côtés de Champlain de 1603 jusqu’à la capitulation de Québec en 1629. Avec un petit effort additionnel, Morissonneau aurait pu le proposer comme 3e fondateur de Québec. D’autres ont avancé le nom du chef Anadabijou, d’autres celui d’Henri IV. C’est un sport comme un autre ! Morissonneau aime l’emplacement de Québec, mais il ne lui trouve pas toutes les qualités et fait remarquer que l’endroit ne s’imposera pas comme lieu de traite. « Le choix de Québec s’explique par le rêve qui aura habité Champlain jusqu’à la fin. Il est la première étape de la trajectoire française. Il n’est pas un lieu de commerce, mais une base d’opération et d’occupation. Québec est le point de départ du chemin de la Chine, mais en première instance, il est l’obligé de l’alliance de Tadoussac. » Voilà qui est très juste. Pour autant, l’auteur va à plusieurs reprises titiller ses lecteurs en suggérant que le véritable premier choix de Champlain aurait plutôt été Trois-Rivières. Il y revient constamment et de façon assez convaincante (p. 129, 139). « Québec n’était pas un bon choix puisque le site est insatisfaisant. Il a été imposé par le contexte sociopolitique. Champlain n’a pas choisi un site “commode”, comme il l’écrit, mais il s’en est accommodé. » (p. 134) Morissonneau nous …