Comptes rendus

Mouhot, Jean-François, Les réfugiés acadiens en France, 1758-1785, L’impossible réintégration ? (Québec, Septentrion, 2009), 448 p.[Notice]

  • Robert Larin

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  • Robert Larin
    Historien

L’histoire de l’arrivée des déportés acadiens en France, de l’échec des tentatives de les établir en métropole ou dans les colonies françaises ainsi que celle de leur départ pour la Louisiane en 1785 était déjà connue. D’après l’historiographie, le gouvernement français avait cherché à garder les Acadiens en France mais ceux-ci n’avaient jamais réellement voulu s’assimiler à la société française en raison de différences culturelles marquées et d’un fort sentiment nationaliste. Selon Mouhot, cette interprétation ne tient pas devant une analyse en profondeur de l’attitude du gouvernement français et de celle des Acadiens. Prenant soin de bien définir les concepts d’identité, d’assimilation, d’intégration, et autres, Mouhot établit que l’argumentation selon laquelle les Acadiens considéraient avoir déjà une identité particulière à la fin du XVIIe siècle repose sur une documentation insuffisante, insuffisamment critiquée et souvent malmenée. Il analyse, avec beaucoup de justesse et de rigueur, les effets des diverses stratégies mises en place pour réaliser l’intégration économique, sociale, culturelle et politique des Acadiens en insistant plus particulièrement sur les effets souvent contreproductifs des secours qu’on leur accordait. Il en vient ainsi à démontrer que les Acadiens n’ont pas quitté la France parce qu’ils auraient été fortement différenciés de la population métropolitaine à laquelle ils n’auraient pas voulu s’assimiler. Leur l’allégeance « à la Couronne française et leur définition comme sujets du roi de France, leur religion catholique, les relations familiales et les conditions matérielles de survie après la déportation avaient largement plus d’importance que leur sentiment d’appartenance au groupe acadien » (p. 37). Mouhot reconnaît bien qu’il faut tenir compte du sentiment d’affinité au groupe et du mode de vie des Acadiens pour comprendre leur trajectoire. Mais, précise-t-il, il ne faut pas confondre cela avec un sentiment d’appartenance à une nation distincte suffisamment fort pour avoir été la cause principale de leur départ de France. En somme, dans Les réfugiés acadiens en France, un mouvement migratoire, dont la grande complexité demeure encore méconnue, reste en contexte d’une problématique particulière que l’historiographie a peut-être surdimensionnée : l’échec des tentatives d’établissement des Acadiens en France et le départ d’une partie d’entre eux pour la Louisiane. On le constate notamment p. 22-23 : sur environ 3000 Acadiens arrivés en France entre 1758 et 1763, plusieurs furent envoyés dans les colonies françaises où ils effectuèrent des allers-retours fréquents alors que d’autres s’y établirent provisoirement. La grande majorité est ensuite passée au Poitou en 1772 mais la quasi-totalité se retrouvera à Nantes en 1775 d’où une grande partie d’entre eux passeront en Louisiane en 1785. Ainsi donc, sur ces 3000 Acadiens débarqués en France, l’historiographie s’est surtout intéressée au cheminement des 1600 passés en Louisiane en 1785. Comme ces prédécesseurs, Mouhot focalise sur cette problématique comme si l’itinéraire de France à la Louisiane était le seul qui soit digne d’intérêt. Il fait bien voir que les Acadiens étaient divisés entre eux et que tous ne partageaient pas le même désir à l’égard de cette destination. Selon Mouhot (p. 69) entre 30 % et 40 % des Acadiens ne furent pas entraînés dans ce mouvement vers la Louisiane mais, et sans tenir compte de la croissance démographique, ne serait-ce pas près de 50 % selon les données ci-dessus ? En tout cas, une partie importante de la grande mouvance acadienne et de l’histoire du passage des Acadiens en France semble encore se dissimuler dans l’ombre.