Bien que j’apprécie la lecture globalement perspicace que fait Louis-Georges Harvey de Loyalties in Conflict, je tiens à corriger l’impression trompeuse laissée par le dernier paragraphe de son compte rendu. Plutôt que d’appuyer l’interprétation traditionnelle des Rébellions comme étant avant tout un conflit entre Francophones et Anglophones, je soutiens qu’elles étaient « essentially the culmination of a political struggle for greater autonomy in which the colonial forces were British and the majority of the colonized – but by no means all – were French Canadians. » (p. 105) Et sans ignorer les travaux publiés au cours des quinze dernières années, comme le laisse entendre le professeur Harvey, je me réfère à plusieurs études récentes, y compris celle de Bernier et Salée dont l’argument s’apparente au mien. En citant Creighton et Ouellet, je souligne simplement que les débats à l’Assemblée législative portaient sur des enjeux concrets, telle la construction des canaux du Saint-Laurent, et que la population anglophone des Cantons de l’Est n’était pas plus portée à appuyer ces canaux que ne l’étaient les habitants des seigneuries. En somme, le professeur Harvey a mal interprété mon argument. Enfin, les révisionnistes historiques vont trop loin s’ils affirment que Papineau ne fut pas un nationaliste canadien-français, mais je souligne toutefois dans l’ouvrage que celui-ci s’est joint à O’Callaghan pour courtiser les Anglophones des Cantons de l’Est, qui étaient des « immigrants from the very country upon which their [the patriote’s] revolutionary programme was modelled. » (p. 57) Le problème était que le soutien de Papineau à l’élargissement du système seigneurial plutôt qu’à son abolition, tout comme son opposition à la notion de gouvernance municipale et à d’autres réformes destinées à améliorer la situation économique des Cantons de l’Est, soulevèrent de sérieux doutes quant aux perspectives de la région au sein d’une république indépendante. Je n’ai pas cherché à donner « une impression trompeuse » de l’interprétation du professeur Little. Au contraire, ma recension globalement positive de son livre souligne l’intention révisionniste de son chapitre sur 1837-1838, mais elle note aussi ce qui me paraît être une incohérence dans l’argumentaire. Le professeur Little fait une analyse rigoureuse et bien documentée du contexte socio-économique des Cantons de l’Est, mais il revient au caractère ethnique du discours des patriotes francophones afin d’expliquer le calme relatif de la région au moment de la résistance à la répression militaire de 1837. En dernière analyse, le « rather conservative and intransigeant ethnic nationalism » (p. 106) de Louis-Joseph Papineau aurait fini par aliéner les alliés réformistes des patriotes dans la région. Le professeur Little ne conteste donc pas l’interprétation traditionnelle quant à la primauté du nationalisme ethnique dans le discours des « French-Canadian nationalists who dominated the Assembly » (p. 61). Au contraire, il intègre cette interprétation, qui est aussi celle de Donald Creighton et de Fernand Ouellet, à son analyse « révisionniste », passant sous silence les nombreuses études plus récentes qui, selon lui, « vont trop loin ». Or, même l’article de Bernier et Salé cité dans sa réponse à mon texte insiste sur « la conception territoriale, civique, voire républicaine de la nation québécoise » proposée dans le discours des patriotes et, sur cette question, on voit difficilement comment leur interprétation « s’apparente » à celle du professeur Little. Greffée à un chapitre qui apporte pourtant beaucoup de nouveau, cette conclusion fidèle aux paradigmes forts contestés de l’historiographie traditionnelle banalise les véritables enjeux du discours patriote et elle ne rend pas justice au civisme et à l’ouverture d’esprit des réformistes des Townships.
À propos du compte rendu du livre de J. I. Little, Loyalities in Conflict. A Canadian Borderland in War and Rebellion 1812-1840 par Louis-Georges Harvey[Notice]
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Jack I. Little
Département d’histoire, Université Simon FraserLouis-Georges Harvey
Département d’histoire, Université Bishop