Comptes rendus

SIOUI, Georges, Histoires de Kanatha. Vues et contées/Histories of Kanatha. Seen and Told (Ottawa, Presses de l’Université d’Ottawa, 2008), 372 p.[Notice]

  • Claude Gélinas

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  • Claude Gélinas
    Département de philosophie et d’éthique appliquée, Université de Sherbrooke

Les lecteurs déjà familiers avec les deux ouvrages précédents de l’historien Georges Sioui, Pour une autohistoire amérindienne : essai sur les fondements d’une morale sociale (Sainte-Foy, Les Presses de l’Université Laval, 1989) et Les Wendats : une civilisation méconnue (Sainte-Foy, Les Presses de l’Université Laval, 1994) retrouveront dans cette collection de textes hétéroclites les grandes idées proposées et défendues auparavant. À travers trente-six courts textes (dix-neuf en anglais et dix-sept en français) constitués en majorité de transcriptions de conférences ainsi que de textes déjà publiés ou inédits et d’entrevues accordées par l’auteur depuis 1991 (à l’exception d’un texte publié en 1978), ce dernier offre diverses variations sur des thèmes généraux qui sont introduits de belle façon dans le texte de la politologue Dalie Giroux en tout début d’ouvrage. Les grandes lignes directrices qui sous-tendent ici les propos de Georges Sioui sont, d’une part, la nécessité de prendre en considération le point de vue amérindien sur l’histoire et de considérer la tradition orale et d’autres véhicules de mémoire indigènes comme des sources fiables et incontournables d’information sur le passé. La prise en compte de ces sources, en leur donnant une « scientificité » (p. 21), pourrait ainsi mener à des interprétations plus justes des événements historiques, comme cherche à le démontrer l’auteur à travers sa réinterprétation de l’antériorité de la présence des Wendats dans la vallée laurentienne, des comportements de Jacques Cartier ou des guerres coloniales entre Iroquois et Hurons. D’autre part, ces sources historiques, tout comme certains écrits occidentaux comme ceux de Lahontan par exemple, seraient porteurs de ce que Sioui appelle la sagesse de la pensée circulaire amérindienne (américité) qui se veut une véritable éthique sociale axée autour du respect qu’il faut manifester envers tout ce qui vie et envers le territoire, la source de toute vie. Pour l’auteur, non seulement est-il primordial que les Amérindiens redonnent priorité, notamment par l’éducation, à cette pensée circulaire pour échapper aux conséquences persistantes du colonialisme, mais les Occidentaux devraient également y souscrire afin d’échapper aux maux qui les accablent depuis des siècles : « l’humanité n’a pas d’autre choix que celui de revenir au Cercle. Car, soit que l’on reconnaisse individuellement et socialement la dignité de toute forme de vie et le droit de toute société, de toute culture à la vie, soit qu’on se propose, consciemment ou non, de supprimer toute vie, y compris la sienne » (p. 38). Au fil des différents textes, le lecteur fait face à un argumentaire ponctué de paradoxes. Par exemple, Sioui déplore à plusieurs reprises la distance qui, encore aujourd’hui, existe au Canada entre les citoyens amérindiens et eurocanadiens, au point où, selon lui, le véritable contact n’aurait toujours pas eu lieu. Mais parallèlement, ses propos contribuent souvent à alimenter la perception d’un fossé culturel et moral considérable entre les deux populations. Par exemple, il affirme que « les sociétés circulaires étaient capables d’accueillir les sociétés linéaires, l’inverse n’était pas vrai » (p. 5) – il relate pourtant ailleurs comment les nouveaux arrivants en Amérique montraient souvent une attirance pour le mode de vie et les valeurs amérindiennes. Plus loin il ajoute : « … on sait qu’à la base, les sociétés amérindiennes célèbrent la vie, célèbrent la joie, célèbrent la beauté de la vie. Ce que l’on voit aujourd’hui dans les sociétés industrielles c’est le mépris, le mépris pour la vie, pour la beauté de la vie » (p. 11). Sans compter que l’opposition fondamentale entre les deux systèmes culturels brossée aux pages 124 à 126 est tout aussi tranchée que celle longtemps proposée par de nombreux intellectuels canadiens – qui, eux, …