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Pourquoi s’intéresser à la francophonie internationale, c’est-à-dire à cet ensemble de pays ayant le français comme principale langue d’usage ou comme l’une des langues communes ? Cette organisation internationale devrait-elle devenir davantage politique dans ses actions ou, au contraire, privilégier la promotion de la culture et de la langue française ? Dans le but de répondre à ces interrogations, Louise Beaudoin et Stéphane Paquin proposent un recueil de quatorze textes qui apportent un éclairage sur la francophonie internationale et son avenir. Publié à la veille de la tenue à Québec en 2008 du sommet des chefs d’État et de gouvernement ayant le français en partage, ce recueil offre aux connaisseurs des pistes de réflexion sur le fonctionnement de cet organisme, mais il initie également aux défis et aux problèmes de cette institution.
Aucun des auteurs de ce recueil ne propose l’abolition de la francophonie comme forum politique, ni sa transformation radicale. Si l’on ne propose pas l’abolition de la francophonie comme institution internationale, les diverses contributions identifient toutefois une série de problèmes et les auteurs proposent des solutions afin d’assurer le maintien de cette organisation internationale.
Quels seraient ces problèmes ? La méconnaissance et l’indifférence à l’égard de la francophonie internationale handicapent son rayonnement. Le manque d’actions d’éclat sur le plan politique expliquerait ces attitudes. Par conséquent, il faudrait renforcer le caractère politique de la francophonie internationale pour ainsi accroître sa pertinence sur la scène internationale, notamment en matière de promotion de la démocratie et du respect des droits de la personne. Cette méconnaissance et cette indifférence s’expliqueraient aussi par la complexité des institutions membres de la francophonie internationale. Comme l’affirme Françoise Massart-Piérard, les populations francophones, qui sont pourtant les principales bénéficiaires des actions des divers organismes de la francophonie internationale, connaissent peu ou pas les activités de ces institutions. Pour d’autres, les problèmes résultent du fait que les institutions de la francophonie internationale ne se préoccupent pas suffisamment des questions de la langue française, notamment son avenir, et de culture. Plusieurs textes dénoncent le faible usage du français dans les pays membres de la francophonie internationale. Une solution pourrait être, comme l’affirme Michel Guillou, que les États membres deviennent plus sélectifs dans l’admission de nouveaux membres au sein de la francophonie internationale. Il serait même pertinent d’exiger, de la part des États candidats, un engagement à l’égard de la promotion du français comme langue d’usage dans leur société. D’autres auteurs, dont Bernard Cassen, Christian Philip et Alain Juppé, constatent l’attrait de l’anglais chez les Français. Ils cachent mal leur agacement devant le manque d’efforts de la France dans la promotion du français comme langue de la diplomatie internationale, de fonctionnement dans les organismes internationaux et d’apprentissage.
Il y a peu de textes traitant de la francophonie, comme réalité politique et socioculturelle en Afrique, en Asie et en Amérique latine. Par ailleurs, il faut noter les contributions de Katia Hadda et Jean Tabi Manga puisqu’elles nous obligent à réfléchir sur la problématique du français et surtout des rapports de la langue française avec d’autres langues nationales et internationales. Alors que plusieurs textes relèvent l’attrait de l’anglais, notamment en France, les propos de Katia Haddad illustrent les difficultés du dialogue à l’intérieur même des pays membres de la francophonie sur la question des rapports entre le français et les autres langues internationales, notamment l’anglais. Comme le rappelle Haddad, à quoi bon « adopter une attitude défensive face à l’anglais », alors que la plupart des pays arabes démontrent la coexistence de plusieurs langues au sein des territoires nationaux ?
C’est un ouvrage qui s’intéresse à la francophonie dans son état actuel, puisque les auteurs sont soucieux de proposer des stratégies d’action destinées à repositionner la francophonie sur l’échiquier international. Celui qui s’intéresse au contexte historique, aux facteurs qui ont contribué au développement de la francophonie comme institution internationale et surtout les querelles et les débats qui ont ponctué le développement de la francophonie sera déçu. Seul le texte de Bruno Maltais propose un bref survol du développement historique de l’espace institutionnel francophone auquel s’est ajouté, à compter de 1986, un volet politique avec la tenue du premier sommet des chefs d’État et de gouvernement ayant le français en partage.
Il faut relever le souci des auteurs de souligner l’importance et la pertinence de la francophonie internationale. Les divers textes rappellent que la francophonie n’est nullement un refus de la mondialisation des échanges qui amène, notamment, la prédominance de l’anglais comme langue de communication. Cette prédominance de l’anglais pose un défi à l’ensemble des langues régionales, nationales et internationales. On insiste sur le fait que la francophonie, comme forum politique et espace culturel, n’est pas une réaction de défense face à l’américanisme conquérant. Au contraire, Bruno Maltais rappelle que la francophonie internationale a joué un rôle capital pour la reconnaissance du principe de la diversité culturelle, reconnu par la communauté internationale. Probablement que les réflexions des auteurs, présentées dans ce livre, rejoignent les préoccupations des acteurs politiques qui ont joué un rôle dans la création des institutions francophones, notamment comment articuler le projet politique et culturel de la francophonie dans le contexte de la mondialisation.