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Selon Jacques Castonguay cet ouvrage vise à « remplacer et compléter » La seigneurie de Philippe Aubert de Gaspé, Saint-Jean-Port-Joly, paru en 1977. En introduction, l’auteur annonce son intention d’étudier concrètement le régime seigneurial à travers l’exemple de la seigneurie de Saint-Jean-Port-Joly, ce qui aurait été d’un intérêt certain, d’autant que Castonguay connaît bien l’espace en question ainsi qu’Aubert de Gaspé pour leur avoir consacré de nombreux ouvrages. Toutefois, ce livre est, pour l’essentiel, une nomenclature assez descriptive des seigneurs successifs, additionnée de quelques autres chapitres (navigation fluviale ; corporation P.-A. de Gaspé…) formant un tout plutôt hétéroclite. Il est surprenant de constater que l’auteur affirme que peu d’études ont été faites à propos de l’application du régime seigneurial (p. 8), tout en ignorant les travaux des trois dernières décennies portant sur la question, à commencer par l’oeuvre incontournable de Louise Dechêne ; la brochure de Marcel Trudel sur le régime seigneurial apparaît quasiment comme une nouveauté en comparaison d’autres auteurs qu’il cite, incluant Lanctôt, Chapais et Sulte. Par conséquent, il reprend les principaux thèmes de la « mythologie » idéalisant le système seigneurial : réciprocité des droits et devoirs, seigneur-colonisateur, seigneur résidant et paternaliste…
Cet ouvrage abondamment illustré se destine essentiellement à un public non historien mais n’offre pas de révélations aux connaisseurs de l’histoire de la Côte-du-Sud, pas plus qu’à ceux d’Aubert de Gaspé. Reconnaissons à l’auteur le mérite, dont témoigne le titre, d’avoir voulu faire sortir de l’ombre les seigneuresses, dont l’action en matière de gestion seigneuriale est souvent considérable. Toutefois, s’il les inclut effectivement dans son propos, il n’analyse pas l’impact de ce pouvoir féminin sur la communauté et le lecteur attiré par la perspective des rapports de genre restera tout autant sur son appétit que celui cherchant à comprendre les mécanismes du régime seigneurial.
Bien qu’il faille souligner les lacunes de cet ouvrage sur le plan de l’historiographie seigneuriale, il y a également lieu de se questionner sur la rigueur du processus éditorial qui n’a pas permis d’y remédier avant la publication.