Tel que nous y invite le Comité de rédaction de la Revue d’histoire de l’Amérique française, il ne nous est pas possible de demeurer silencieux et nous voulons donc répondre à l’article polémique de Michèle Dagenais et Christian Laville publié dans les pages de la revue au printemps 2007. Ayant été impliqué dès les débuts dans le débat sur l’enseignement de l’histoire au deuxième cycle du secondaire québécois au printemps 2006 et ayant par la suite pris une grande part dans l’élaboration d’un dossier scientifique sur ce thème, il nous semble devoir le faire. D’entrée de jeu, il est intéressant de voir une historienne telle Michèle Dagenais défendre la logique didactique et historique ayant présidé à la confection du programme d’histoire et éducation à la citoyenneté au deuxième cycle du secondaire du ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport. En défendant deux projets de programme ayant précédé la version approuvée en novembre 2006 par le ministre Fournier, Madame Dagenais confirme à toutes fins utiles que toute règle doit avoir son exception. Elle est en effet la première à défendre l’esprit et l’essentiel des contenus relatifs à la question nationale de ces deux documents de travail, si on excepte les personnes consultées, ou encore les consultants, dans le processus menant à leur élaboration. Michèle Dagenais et Christian Laville avancent que l’essentiel du débat repose sur « l’absence de dates charnières et d’événements d’un certain type, au profit de l’acquisition de compétences ». Comme c’est souvent le cas dans cet article, il y a là du vrai et de l’interprétation problématique. Oui, l’absence de dates et d’événements d’un certain ordre – c’est-à-dire la trame, ou le récit historique priorisé – fut traitée avec indignation par nombre d’interlocuteurs. Pour ce qui est de l’approche par compétences, l’argumentation de nos deux auteurs laisse supposer que les principales critiques au projet de programme s’opposaient à la démarche par compétences, ou du moins la comprenaient fort mal. Or, la grande majorité des opposants à ce projet de programme ne remettaient pas en question l’approche par compétences, d’une part. D’autre part, une approche par compétences non seulement n’exclut pas les connaissances (sur le plan didactique, les compétences ont nécessairement besoin de connaissances pour fonctionner), mais elle peut en proposer un menu biaisé sur le plan historique ou chercher à en proposer une approche équilibrée. C’est précisément le biaisage constaté qui fut dénoncé avec autant de virulence entre avril et septembre 2006 et, malgré les nuances, une convergence confinant presque à l’unanimité. Pour ces deux auteurs, le projet de programme a été accusé d’occulter le « nous » des « anciens Canadiens français, […] sans fondement documentés ». En fait, il y a tellement de documentation à ce sujet (des dizaines d’articles y réfèrent) que nous nous bornerons à tracer et rappeler ici quelques grands traits (allant de 1608 à 1848) du seul projet de programme d’histoire et éducation à la citoyenneté si dénoncé d’avril 2006. Les Canadiens devenus Canadiens français, puis Québécois autour de 1960 se définissaient eux-mêmes (et l’étaient aussi par les Anglo-Britanniques, après 1760) comme « Canadiens » entre le XVIIe siècle et, grosso modo 1840. Le projet de programme ne faisait pas cette nuance lorsqu’il abordait la Nouvelle-France… Il traitait des « Canadiens » d’alors en ne mentionnant pas que la majorité des « Canadiens » d’aujourd’hui sont d’abord et avant tout anglophones et vivent très majoritairement à l’extérieur du Québec. Tout le reste du projet de programme était à l’avenant. L’Acte de Québec de 1774 était passé sous silence, lui qui explique entre autres le particularisme juridique du Québec encore …
Retour sur le projet de programme d’histoire « nationale » et son éducation à la citoyenneté[Notice]
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Félix Bouvier
Didactique des sciences humaines, Département des sciences de l’éducation, Université du Québec à Trois-Rivières