Résumés
Résumé
Cet article analyse la trajectoire des Rolland, dynastie d’entrepreneurs francophones oeuvrant dans l’industrie papetière. Les interactions réunissant trois logiques institutionnelles, celles de la famille, de la transmission des biens et de l’entreprise capitaliste, sont au centre de l’attention. L’histoire familiale des Rolland montre autant des périodes de cohérence entre rapports familiaux, héritages et activités entrepreneuriales que des moments où ces trois données clés de leur existence entrent en contradiction. D’où la survenance de conflits parfois exacerbés.
Tout en rappelant de fructueuses collaborations père-fils, le testament de Jean-Baptiste Rolland (1885) prévoit de manière précise la poursuite de ses entreprises, auxquelles ses héritiers mâles devront consacrer leurs efforts. Toutefois, les années qui suivent son décès sont les témoins de l’éclatement de la symbiose entre famille et affaires voulue par le patriarche. Cela à l’occasion des litiges mettant en scène un de ses fils, Donatien, dont l’éthique de travail est jugée déficiente. Le début du xxe siècle montre à son tour une désagrégation relative de la lignée. L’apparition d’héritiers moins liés aux affaires familiales fait sentir ses effets, alors que certaines clauses complexes et contraignantes du testament de Jean-Baptiste finissent par poser de sérieux problèmes à cette même époque. Au milieu du XXe siècle, on assiste à une nouvelle intégration entre famille et monde des affaires, à la suite des efforts menés en commun par une fratrie spécifique de successeurs. Par contre, à la fin des années 1970, deux membres de cette fratrie connaissent des difficultés financières et désirent retirer leurs actifs investis dans l’entreprise, pour planifier à leur convenance leur propre succession. Le conflit les opposant alors à leur frère, figure dominante des entreprises Rolland, sera profond.
Les disputes observées, en somme, empruntent deux formes. La première est interpersonnelle (ou intrafamiliale) et met en jeu principalement la compétence ou l’incompétence postulée des individus. La seconde, moins éclatante, est de nature diachronique et renvoie à l’entrechoquement des temporalités différenciées des parcours individuels, des testaments et des aléas du capitalisme.
Abstract
This article analyzes the trajectory followed by the Rolland family, a dynasty of francophone entrepreneurs of the pulp and paper industry. Central to the analysis are the interactions between three different institutional logics, those of the family, the transmission of wealth and capitalist industry. The family history of the Rollands includes periods of coherence between family relationships, inheritance and entrepreneurial activities. But it also exposes just as many moments where these three key aspects of the family’s development were in contradiction. These contradictions were the source of sometimes serious conflicts.
While evoking fruitful father-son collaborations, the will of Jean-Baptiste Rolland (1885) set out precisely how his businesses were to be operated by his male heirs after his death. However, the years following his death bore witness to the disintegration of the symbiotic relationship between business and family which the latter’s patriarch hoped would be maintained. This occurred when disputes erupted regarding the questionable work ethic of one of the sons, Donatien. Later, at the beginning of the 20th century, there was a certain disruption of the family line. On the one hand, heirs who were less associated with the family businesses came onto the scene. On the other, certain restrictive and complex clauses of Jean-Baptiste’s will came to pose serious problems. But by the middle of the 20th century, there was a renewed coherence between the family and the business world, following the common efforts of a particular group of heirs. However, by the end of the 1970s, two members of this group were facing financial difficulties and sought to extricate themselves from the family business, in the hopes of using the proceeds to better organize their personal estates. The resulting conflict with the remaining brother, who was the dominant figure within the Rolland businesses, would be profound.
Overall, the disputes described in the article fall into two categories. The first is interpersonal (or intra-familial), putting in play the supposed competence or incompetence of individuals. The second category is diachronic, related to collisions caused by the differing trajectories of individual lives, wills and the vagaries of capitalism.