Comptes rendus

Brun, Josette, Vie et mort du couple en Nouvelle-France. Québec et Louisbourg au XVIIIe siècle (Montréal, McGill-Queen’s University Press, coll. « Études d’histoire du Québec », 2006), xii-188 p.[Notice]

  • Benoît Grenier

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  • Benoît Grenier
    Département d’histoire
    Université Laurentienne

L’ouvrage de Josette Brun s’avère une contribution essentielle à l’histoire de la Nouvelle-France. L’auteure, historienne et professeure au département d’information et de communication de l’Université Laval, par sa connaissance exemplaire de l’historiographie canadienne et étrangère, porte un regard éclairé sur la condition des veuves et des veufs dans la première moitié du xviiie siècle. Qu’on ne s’y méprenne pas, ce livre, issu de la thèse de doctorat de l’auteure (Université de Montréal, 2001), est bien plus qu’une étude d’histoire démographique sur le couple et sa dissolution. Le titre, par ailleurs pertinent, ne rend pas justice à l’ensemble de l’ouvrage qui s’inscrit comme une véritable étude des rapports de genre dans les univers coloniaux bien différents que sont Québec et Louisbourg. L’ouvrage, essentiellement une analyse du veuvage féminin, révèle que « l’autorité maritale n’est en rien en péril au dix-huitième siècle », relançant en quelque sorte le débat qui avait opposé Micheline Dumont à Jan Noël à propos des « femmes favorisées » et accordant aux femmes de la Nouvelle-France une place de choix dans l’historiographie, elles qui, comme le soulignait Denyse Baillargeon (Sextant, 4, 1995, p. 227), n’avaient pas fait l’objet d’autant d’attention que leurs contemporaines des colonies anglaises ou que leurs descendantes canadiennes des XIXe et XXe siècles. Par l’intermédiaire d’un échantillon de couples (137 pour Québec et 25 pour Louisbourg) et d’une analyse minutieuse de sources diverses (archives notariées, judiciaires, religieuses et étatiques, registres paroissiaux et recensements), Josette Brun dépeint une « réalité » qui dépasse largement la vision des veuves autonomes et indépendantes. Elle montre avec habileté la force du patriarcat et les inégalités hommes-femmes, même dans l’état de viduité. On s’étonne que Josette Brun soit parvenue à transformer sa thèse en un si petit ouvrage ; le texte se termine à la page 100 (à cela s’ajoutent notes, bibliographie et index). En un sens, c’est tout à son honneur, mais le lecteur averti en voudrait un peu plus. Le livre adopte un plan thématique en quatre chapitres. Dans le premier, intitulé « Maris et femmes : des droits et des pouvoirs » (p. 12-34), Josette Brun fait la part des choses entre la perspective d’une société idéalisée où les femmes détiennent les rênes du pouvoir et la prosaïque réalité. Elle dépeint le cadre sociojuridique et présente le « couple moyen », sur les plans de la démographie et de l’activité notariale. Elle décrit une « société conjugale » coloniale qui respecte la division sexuelle du travail et où les épouses sont le plus souvent absentes des affaires de leur mari. Comme elle le précisera à juste titre plus loin (p. 72), le silence des sources ne suffit cependant pas à affirmer l’inactivité des femmes dans les affaires « familiales » ; à cet égard elle cite l’activité de la veuve Madeleine Roberge qui « en 25 ans de vie commune […] n’avait mis les pieds chez le notaire [qu’une fois] ». Le chapitre 2 (p. 35-57) « Se remarier ou pas » entraîne le lecteur dans la phase post-conjugale. Josette Brun réussit à montrer toute la subtilité qui entoure le statut de viduité, en particulier celui de la femme. Elle aborde les multiples défis qui se posent différemment lors de la dissolution du couple, selon le genre, l’appartenance à l’élite ou aux groupes sociaux plus modestes, le lieu de résidence (Québec ou Louisbourg)… Le chapitre 3 (p. 58-82) est consacré à « la famille au coeur des stratégies de survie ». Pour les veufs, mais plus particulièrement pour les veuves, c’est à l’intérieur de celle-ci que se situe le soutien nécessaire à la …