Note critique

De l’histoire sociale à l’histoire militaireCopp, Terry, Fields of Fire. The Canadians in Normandy (Toronto, University of Toronto Press, 2003), xv-344 p.Copp, Terry, Cinderella Army. The Canadians in Northwest Europe, 1944-1945 (Toronto, University of Toronto Press, 2006), xi-407 p.[Notice]

  • Yves Tremblay

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  • Yves Tremblay
    Ministère de la Défense
    Ottawa

Terry Copp a grandi dans Notre-Dame-de-Grâce. Il est connu au Québec pour le livre tiré de son mémoire de maîtrise sur la classe ouvrière à Montréal, une « oeuvre de pionnier » selon Paul-André Linteau. Copp a poursuivi un temps les travaux d’histoire ouvrière, mais sans rencontrer le succès de son étude sur Montréal. C’est alors que sa carrière prend un tour surprenant, vers l’histoire militaire. Sa première incursion sur un sujet militaire, une tentative de montrer l’évolution de l’opinion publique avant la conscription de 1917, se fait sous forme de brochure pédagogique. Copp a également entretenu très tôt des rapports avec Sid Wise et Desmond Morton. Vers 1980, l’histoire ouvrière cesse d’être porteuse. Copp se lance alors dans un grand projet d’histoire de la Deuxième Guerre mondiale. L’ambition d’une histoire de masse avec la masse se concrétise avec des anciens combattants plutôt qu’avec des ouvriers. De 1983 à 1985, il publie avec Robert Vogel les cinq volumes de Maple Leaf Route sur les batailles de Caen et de Falaise, sur Anvers et l’Escaut et, finalement, sur les derniers mois de campagne. Fields of Fire (FF) et Cinderella Army (CA) étudient exactement les mêmes objets. Copp met à profit l’expérience acquise et les contacts établis pour publier plusieurs titres où il perfectionne son approche de l’histoire militaire. Parmi ceux-ci, il faut signaler le résultat de son association avec Bill McAndrew. Battle Exhaustion : Soldiers and Psychiatrists in the Canadian Army, 1939-1945 est une analyse de la fatigue au combat, qui s’impose rapidement auprès des spécialistes canadiens et étrangers. Dans un autre livre bien reçu, il exhume les rapports de recherche opérationnelle et analyse l’application des méthodologies des sciences sociales, des sciences appliquées et de la médecine à l’amélioration de l’efficacité au combat. La table est mise : Copp peut passer à une grande synthèse de facture sérieuse dans son deuxième champ d’expertise. Étant donné les travaux précédents, le sujet s’impose : l’expérience des troupes canadiennes à compter du 6 juin 1944. Sans discontinuer, ces campagnes ont suscité l’intérêt des historiens depuis 1945, y compris un grand courant de révision, avec des auteurs comme Max Hastings, Carlo D’Este, Russell Hart ou John English. Il sortirait du cadre de cette note de revoir cette historiographie, dont les principaux protagonistes sont des historiens britanniques et américains. Qu’il suffise de dire qu’en relatant les opérations, Copp revoit les polémiques impliquant les troupes canadiennes : dans Fields of Fire, il s’agit de la lenteur des opérations autour de Caen et du fiasco de Falaise ; dans Cinderella Army, c’est l’échec à dégager rapidement Anvers et l’incapacité de foncer au coeur de l’Allemagne. Copp tente d’infléchir l’interprétation d’une manière favorable aux Canadiens. Ce faisant, il s’écarte souvent de son projet, car les fautes présumées des généraux l’entraînent dans des considérations stratégiques connues et pas toujours utiles pour comprendre les réactions des soldats. Cinderella Army, où Copp donne raison à certains de ses critiques, souffre moins de ce travers que Fields of Fire. Toutefois, les critiques n’insistent pas assez sur ce qui fait l’intérêt des deux livres : l’approche. Copp est un professionnel trop fin pour poser comme vraie la version des anciens combattants, du simple fait que ceux-ci y étaient. C’est ici qu’un passé d’historien du social compte. Trop d’historiens militaires, et même les meilleurs, refusent d’admettre que l’histoire militaire n’est plus celle d’il y a trente ans. Il est pourtant devenu impossible de faire oeuvre sérieuse sans poser des questions, sans prendre en compte la masse, sans mettre en contexte, sans allonger les durées. Les livres de Copp sont une merveilleuse …

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