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Historien et avocat, François Gendron raconte l’histoire d’une saga judiciaire de près d’un quart de siècle ayant opposé la Société Saint-Jean-Baptiste et la sénatrice Céline Hervieux-Payette à la suite de la publication, dans Le Devoir du 4 décembre 1981, d’un placard enflammé de la SSJB dénonçant les députés libéraux du Québec ayant voté en faveur de la nouvelle constitution canadienne et les qualifiant de traîtres. Ayant entendu, entre autres témoins experts, le politologue Denis Monière et les historiens Jacques Lacoursière et Denis Vaugeois, les juges de la Cour d’appel du Québec retinrent le sens atténué du mot « traître », visant à stigmatiser les adversaires politiques dont on n’approuve pas les idées, davantage conforme à l’histoire du Québec et au contexte politique des années 1980 (et non le sens fort de collaborateur avec les nazis en usage dans la France de 1945, ce que d’autres experts ont fait valoir). D’ailleurs, tant les indépendantistes que les fédéralistes utilisent indistinctement le terme pour s’injurier réciproquement, ce qui constitue la norme de tolérance en usage au Québec et au Canada. Le rejet de la requête en appel par la Cour suprême du Canada en juin 2003 a mis un terme définitif à l’affaire Hervieux-Payette. Au centre de ce contentieux politique et idéologique opposant un nationalisme québécois à un nationalisme canadien, il y a la liberté de parole en tant que fondement des institutions et des principes démocratiques où, selon les mots de l’auteur, « la parole peut censurer le gouvernement, mais le gouvernement ne doit pas censurer la parole » (p. 46). Cela dit, en guise d’épilogue, François Gendron signale la cause Lafferty où un analyste financier a dû payer des dommages et intérêts aux ex-premiers ministres Jacques Parizeau et Lucien Bouchard qui avaient été comparés à Hitler ; comme quoi la liberté du citoyen, bien qu’elle soit garantie, comporte des limites et ne doit pas, même polémique, devenir outrancière.