Cette étude exhaustive des commissions scolaires protestantes du Québec a été écrite après que la Loi 180 eut aboli le système des écoles confessionnelles en 1998, et elle se lit comme un panégyrique. Les auteurs, Roderick MacLeod et Mary Anne Poutanen, dressent un portrait sympathique des commissions scolaires des communautés protestantes clairsemées dans la banlieue ou les quartiers de Montréal, les communautés agricoles des Cantons-de-l’Est, les villages de pêcheurs isolés dans la Gaspésie et les communautés migrantes du Grand Nord. L’ouvrage inclut également des chapitres distincts sur les commissions scolaires dissidentes, les écoles qui répondaient aux besoins des francophones protestants, la relation controversée avec la population juive de Montréal, le patriotisme qui a marqué les périodes de guerre, l’architecture des écoles, les origines du programme d’immersion française et l’aide sociale. Ce dernier sujet contient des renseignements particulièrement intéressants sur le mouvement « Home and School ». Pour cette étude, les auteurs ont fait une recherche approfondie, examinant les procès-verbaux de quelque 128 commissions scolaires réparties dans la province. Le point de vue présenté est donc celui des bureaux des commissions scolaires, une approche unique dans l’histoire de l’éducation au Canada. MacLeod et Poutanen se soucient peu de la théorie du contrôle social ou de la thèse de la formation de l’État défendue par Bruce Curtis. Leur hypothèse est la suivante : à l’extérieur de Québec et de Montréal, villes où le gouvernement nommait les commissaires jusqu’en 1972, on pouvait vraiment voir la démocratie locale en action à travers les dirigeants des commissions scolaires. À cet égard, une analyse des taux de participation des votants et de la composition sociale des commissions scolaires aurait été utile. Mais les auteurs supposent, assez logiquement, que les notables locaux jouaient un rôle prédominant. Mes propres recherches sur les Cantons-de-l’Est au xixe siècle indiquent que, contrairement aux réglementations étatiques (et à ce qui est énoncé à la page 64), la décentralisation allait au-delà de la commission scolaire pour atteindre le sous-district desservi par chaque école. Évidemment, le contrôle au niveau local comportait certains inconvénients, notamment pour les écoles situées dans des zones à faible assiette fiscale, qui recevaient moins d’argent, mais il garantissait que les communautés jouissant d’une longue tradition de bénévolat accepteraient ce nouveau système basé sur la fiscalité. Le regret que le processus croissant de centralisation bureaucratique ait conduit à une perte d’influence du milieu local est l’idée dominante qui sous-tend cette étude. Ce regret s’exprime de manière particulièrement vive quand il s’agit de la population anglophone, qui, en raison de la fermeture des petites écoles rendue nécessaire par la consolidation, vit son sens de la communauté miné, ce qui accéléra son exode hors de la province. Ainsi, il est ironique de constater que ce fut le Comité des écoles protestantes qui mit en oeuvre le processus de consolidation des années 1940. Tout aussi ironique est le retour du système scolaire québécois à ses pratiques initiales, dans un sens, lorsqu’il créa des conseils d’établissement pour chaque école, augmentant encore davantage la redondance de commissions scolaires de plus en plus centralisées et éloignées. Cependant, les grands complexes éducatifs impersonnels connus sous le nom d’écoles secondaires régionales subsistent (parfois à moitié vides) comme témoignages de l’arrogance technocratique de la Révolution tranquille. Cet ouvrage m’a rappelé des souvenirs d’enfance agréables, ceux de mes années passées dans les trois salles de l’Académie Inverness (photo page 264), mais aussi d’autres souvenirs, beaucoup moins agréables, lorsque j’enseignais dans une usine éducative qui regroupait 5000 élèves provenant de 60 km à la ronde. Je suis resté plus insensible aux regrets des auteurs par rapport à la mort de l’enseignement …
MACLEOD, Roderick et Mary Anne POUTANEN, A Meeting of the People. School Boards and Protestant Communities in Quebec, 1801-1998 (Montreal, McGill-Queen’s University Press, 2004), 507 p.[Notice]
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Jack I. Little
Département d’histoire
Université Simon Fraser