Dans ce livre important, James Pritchard examine la formation d’un monde atlantique français sur une période de six décennies. Ce monde, selon l’auteur, n’est pas le résultat d’une politique soigneusement élaborée et assidûment suivie, mais plutôt celui des efforts de migrants libres ou sous servitude. Ces efforts ont donné naissance non pas à un empire centralisateur formé de colonies reproduisant le modèle métropolitain, mais plutôt à un amalgame de colonies diverses possédant de nouvelles formes d’organisation dans tous les aspects de la vie. Le tout était non seulement inférieur à la somme de ses parties, il n’y avait aucun tout, que des parties. Selon Pritchard, ce résultat s’explique par deux séries de facteurs. D’une part, il provient des erreurs de la Métropole découlant de la nature même de l’absolutisme, des contraintes (financières, notamment) orientant le fonctionnement du gouvernement et de la politique étrangère tournée en permanence vers le continent et à laquelle les colonies étaient toujours subordonnées – et dont parfois elles étaient exclues, voire souvent sacrifiées. À l’aide de documents d’archives et d’études récentes, Pritchard dépeint les rois et les ministres comme incapables de développer et de mettre en application des politiques cohérentes visant l’établissement d’un empire d’outre-mer. Par moment, il est vrai, ils ont pris des mesures favorables à la colonisation, par exemple l’établissement de compagnies à monopole, l’envoi de colons, des lois, la nomination d’administrateurs. Loin d’être le résultat de plans soigneusement élaborés, ces mesures étaient improvisées. Elles constituaient souvent des expédients contradictoires destinés à satisfaire une demande immédiate de patronage, à répondre à une menace militaire imminente, à servir un intérêt économique national ou à augmenter les revenus des taxes. La Métropole affichait un manque d’intérêt à l’égard de ses colonies et, lorsqu’elle intervenait, c’était généralement pour le pire, particulièrement dans le domaine du développement et de l’intégration économique. Une autre attitude aurait permis de développer un empire florissant. D’autre part, les réalités coloniales ont fait obstacle à la création d’un empire français. Pritchard fait ressortir le caractère hétérogène de chacune des colonies françaises et la diversité de l’ensemble. Non seulement elles avaient entre elles des dissemblances géographiques et écologiques, mais elles avaient aussi développé des économies différentes, des structures sociales distinctes et des liens divers (souvent faibles) avec la Métropole. De plus, la distance énorme qui les séparait et leurs différentes orientations économiques et géo-politiques entravaient les communications et l’établissement de liens importants entre elles, tout en favorisant – en rendant même nécessaire – le développement d’importants échanges commerciaux avec les colonies britanniques et espagnoles. En raison des besoins et des environnements particuliers de leur colonie, de la négligence et de l’incompétence de la Métropole, les colons ont dû innover dans les pratiques et les structures de la nouvelle société. Ce sont eux, et non les administrateurs métropolitains, qui ont construit (et souvent défendu) l’Atlantique français en réagissant aux conditions locales. Pritchard conclut qu’en 1730, malgré soixante ans de mauvaises politiques de la part des autorités, l’initiative coloniale a permis de mettre en place les institutions de base et a imposé les types de fonctionnement des nouvelles sociétés qui se sont perpétués et qui ont peu évolué par la suite. Pritchard élabore sa thèse en deux parties d’inégale longueur, qui mettent toutes les deux l’accent sur la primauté de l’invention coloniale sur l’intervention métropolitaine dans la création et la défense de l’Atlantique français. La première et la plus longue des deux parties retrace l’élaboration des aménagements démographique, social, matériel, économique et politique ; la seconde examine les dimensions coloniales des conflits européens et des guerres contre les Indiens, les pirates et les colonies britanniques et …
PRITCHARD, James, In Search of Empire. The French in the Americas, 1670-1730 (Cambridge, Cambridge University Press, 2004), 484 p.[Notice]
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Robert S. Duplessis
Département d’histoire
Swarthmore College