Comptes rendus

RUDIN, Ronald, Founding Fathers. The Celebration of Champlain and Laval in the Streets of Quebec, 1878-1908 (Toronto, University of Toronto Press, 2003), 290 p.[Notice]

  • Harold Bérubé

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  • Harold Bérubé
    Études urbaines
    INRS–Urbanisation, Culture et Société

Le plus récent ouvrage de Ronald Rudin est consacré à l’étude de quatre « commemorative mega-events » ayant pour objet les figures de Mgr François de Laval et de Samuel de Champlain. En étudiant ces événements qui se sont produits entre 1878 et 1908, Rudin cherche à comprendre en quoi l’évolution de la société québécoise transparaît dans les fêtes étudiées et comment cette évolution affecte le répertoire commémoratif mis à la disposition des organisateurs de ces événements. Soulignant un problème central de l’étude de ce genre de spectacle, Rudin renonce à étudier la perception du spectateur pour se concentrer sur l’attitude et les objectifs de ceux qui les mettent sur pied. Fidèle à son ouvrage précédent, Faire de l’histoire au Québec (Septentrion, 1998), il se concentre sur la perspective et le rôle des francophones, laissant à leurs vis-à-vis anglophones une position plus périphérique. Un premier chapitre est consacré aux festivités entourant la découverte, l’exhibition et la remise en terre des restes de Mgr de Laval en 1877 et 1878. Le premier évêque catholique d’Amérique du Nord est ramené à l’avant-plan de la mémoire collective par le clergé, qui voit dans la découverte accidentelle de sa dépouille une bonne occasion de faire de lui un puissant symbole au service de l’idéologie ultramontaine. Les deux processions qui sont au coeur de ces commémorations sont apparentées par Rudin à celles de la Fête-Dieu, un rituel dont il explore brièvement les origines. Ces fêtes sont avant tout enracinées dans l’aspect religieux — donc strictement catholique — de la figure de Mgr de Laval. Les deux chapitres suivants documentent les efforts parallèles de différents partis en vue d’obtenir l’érection de monuments commémorant les founding fathers que sont Champlain et Laval. Ces efforts porteront éventuellement fruit : une statue fut érigée pour le premier en 1898 et une pour le second, dix ans plus tard. Toutefois, ces deux dates sont précédées de conflits et de négociations en ce qui a trait aux valeurs et symboles qui seront rattachés aux deux figures. Même si ses restes n’ont pas été retrouvés (malgré quelques fausses alertes), Champlain occupe une place importante, mais plus complexe, dans l’imaginaire historique des Canadiens français et anglais. Géographe, explorateur, administrateur et guerrier, généralement chrétien ou spécifiquement catholique, Champlain est une figure polysémique. Plus séculaires et ouvertes, les célébrations entourant le dévoilement de la statue qui lui est consacrée expriment bien cette diversité. Ici, les nationalismes s’associent ou s’opposent au religieux. Au contraire, les efforts menant au dévoilement plus tardif d’une statue à l’effigie de François de Laval sont marqués par une plus grande centralité du clergé, mais aussi par un financement plus difficile, émanant essentiellement de la communauté francophone. D’ailleurs, à partir de 1900, ces efforts vont progressivement prendre la forme d’une compétition entre les figures de Champlain et de Laval, cette dernière reflétant sans compro-mis certaines valeurs du nationalisme canadien-français, la première étant plus vulnérable à différentes formes de détournement comme l’illustreront les fêtes du tricentenaire de la fondation de Québec. Rudin souligne également comment, alors que le dévoilement du monument à Champlain en 1898 prend la forme d’une grande manifestation, celui du monument à Laval finit par servir de simple prologue aux célébrations auxquelles est consacré le dernier chapitre. Dans la dernière partie de son ouvrage, Rudin se tourne vers les célébrations commémoratives dédiées au tricentenaire de la ville de Québec. Dans ce cas plus que dans les autres, les festivités échappent au contrôle des élites religieuses et laïques francophones. On fait non seulement fi de la figure de Laval, mais aussi du catholicisme et du rôle de Champlain …