La pratique de l’histoire publique et la commémoration contemporaine : aperçu et enjeux[Notice]

  • Alexandra Mosquin,
  • Danielle Hamelin et
  • Catherine Cournoyer

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  • Alexandra Mosquin
    Parcs Canada

  • Danielle Hamelin
    Parcs Canada

  • Catherine Cournoyer
    Parcs Canada

Au cours des quinze dernières années, un intérêt croissant pour la pratique de l’histoire publique a marqué le milieu universitaire canadien. C’est du moins ce que laissent entendre la mise en place de cours et de programmes spécialisés en histoire publique, tout comme la production croissante d’articles et de monographies portant sur la commémoration historique et la conservation du patrimoine. Malgré cet engouement pour l’histoire publique, l’historien du domaine appartient à une espèce méconnue de la communauté historienne. Il participe pourtant à des colloques universitaires, publie à l’occasion dans des revues scientifiques et populaires et est souvent détenteur d’une maîtrise ou d’un doctorat. L’historien public évolue cependant dans un milieu bien différent du secteur universitaire puisque son travail est destiné à l’ensemble de la population. Par le fait même, il est souvent tiraillé entre la méthodologie et la connaissance historiographique acquises au cours de sa formation universitaire et les exigences des médias de l’histoire publique tels les expositions, les plaques commémoratives et les lieux historiques. À titre d’historiennes travaillant au sein de la Direction des lieux historiques nationaux de Parcs Canada depuis quelques années, nous avons été confrontées à divers débats qui déchirent parfois la communauté multidisciplinaire à la base de la pratique de l’histoire publique. Sortant des sentiers battus du monde universitaire, la pratique de l’histoire publique dans le cadre d’un programme de commémoration soulève des questions difficiles : comment définit-on l’importance historique ? Comment tranche-t-on quant à l’importance locale ou nationale d’un sujet historique ? Qu’est-ce qui fait d’un site un lieu historique significatif ? Ou encore, quelle est la place de l’histoire populaire et de la mémoire collective dans la pratique de l’histoire publique ? Dans les pages qui suivent, nous aborderons certaines de ces questions afin de donner au lecteur un bref aperçu des enjeux auxquels fait face l’historien travaillant dans le cadre d’un programme de commémoration historique. Lorsqu’il se joint à un organisme d’histoire publique, l’historien est confronté à une pratique de l’histoire différente de celle en vogue dans le milieu universitaire. Dans le cas de la Direction des lieux historiques nationaux du Canada, son travail est principalement destiné au soutien du programme de commémoration de la Commission des lieux et monuments historiques du Canada (CLMHC). Formée principalement d’historiens, de spécialistes de l’architecture, de géographes et d’experts en patrimoine, la CLMHC est le comité chargé de conseiller la ministre du Patrimoine canadien dans le choix de personnages, lieux et événements d’importance historique nationale. Ces commémorations mènent ensuite à l’érection d’une plaque de bronze bilingue, parfois à la conclusion d’une entente de partage des frais avec un tiers en vue de préserver ou d’interpréter un lieu ou, plus rarement, quand il s’agit d’un site ou d’un événement d’une rareté ou d’une importance exceptionnelles, à l’acquisition et à la mise en valeur d’un lieu historique national majeur. L’historien qui travaille au soutien du programme de commémoration rédige les rapports sur lesquels la CLMHC base en partie ses recommandations de désignation. Il n’a donc pas pour fonction principale de contribuer à l’avancement du savoir en faisant une contribution originale, mais plutôt celle d’offrir une synthèse de la connaissance sur un sujet proposé dans le but d’établir le bien-fondé d’une commémoration. Ces rapports se fondent généralement sur l’historiographie établie et offrent une analyse à partir de la question de base du processus de commémoration : le sujet proposé « […] a[t-il] eu une incidence marquante sur l’histoire du Canada ou constitue[t-il] une illustration ou un exemple important de l’histoire humaine du Canada  ? ». En d’autres mots, l’historien établit un pont entre le corpus de connaissances sur un sujet …

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