Cette collection comparative sur l’engagement politique des femmes provient de cinq années d’efforts conjoints d’universitaires suédoises et canadiennes, issues d’une variété de sciences sociales, de l’éducation à la géographie en passant par l’administration publique. Théoriquement, elles s’accordent sur une compréhension large et dynamique de la culture politique, celle de la « nouvelle théorie des mouvements sociaux ». Pour la Suède, elles peignent le portrait d’une culture politique inclusive, où les revendications liées aux différences sexuelles sont généralement le fait de groupes politiques organisés autour de solidarités de classe. S’y greffent une prédilection pour la négociation collective dans la revendication de nouveaux droits sociaux, une tendance à concevoir les problèmes de discrimination en termes d’égalité et de parité ; un secteur public où les organisations de travailleurs participent pleinement à la distribution de prestations sociales, ce qui tend à diminuer le rôle des mouvements de base ; une scène politique où les loyautés au parti, à la classe et au syndicat prennent le pas sur les organisations de femmes séparées. Au total, des institutions politiques et sociales bienveillantes envers les femmes (women-friendly), davantage ouvertes que leurs équivalentes canadiennes à une représentation égale des sexes dans leurs administrations. Vue de Suède apparaît une façon canadienne de s’organiser, le plus souvent en marge des institutions publiques, autour de mouvements plus proprement concernés par les femmes, eux-mêmes beaucoup plus sensibles aux questions des différences ethniques, en particulier en ce qui a trait au statut des immigrantes. S’y ajoutent une plus grande attention aux aspects législatifs de la discrimination, une tendance plus précoce et plus fréquente à concevoir les problèmes de discrimination en termes d’équité, et les solutions en termes de discrimination positive ; enfin, une scène publique où les stratégies relèvent davantage d’alliances que d’idéologies. L’ouvrage surprend à plusieurs reprises quand il propose des amendements à ces modèles attendus. Les groupes suédois travaillant en marge, ceux qui se sont concentrés sur les femmes en particulier, sont plus nombreux qu’on l’avait prédit, et leur nombre augmente ; l’attention aux différences entre les femmes s’accroît aussi. Par ailleurs, il existe des circonstances où le type d’institutions qu’on attend de la Suède peut prendre racine au Canada, comme certains programmes de garderies mis en place les deux dernières décennies. Cette force du recueil provient en grande partie du fait que la plupart des études portent sur des problèmes récents et qu’elles sont fondées sur des entrevues ou encore des documents actuels. Le simple rapprochement des chronologies mène à des questions nouvelles. L’identification de périodes communes invite à des explications plus larges, comme celle de la transformation, concurrente dans les deux pays. Des similarités se retrouvent aussi dans des domaines plus particuliers comme celui des refuges pour femmes battues. Certaines des différences seulement identifiées dans l’ouvrage appellent des études plus poussées : la plus grande distance en Suède entre les universitaires et les mouvements sociaux, et la plus grande méfiance que les militantes y affichent envers les professionnels à l’intérieur du mouvement des refuges, ou encore la plus grande proximité, au Canada, entre les militantes pour la reconnaissance de certaines maladies proprement féminines et les communautés médicales et pharmaceutiques. Dans de tels cas, comme le soulignait Theda Skocpol dans son travail de comparaison des États-providence, l’explication renvoie aux différences au sein de ce qu’elle appelle les « formations étatiques », qui requièrent une recherche dans l’histoire des pratiques et des discours reliés aux institutions de la vie publique. Trois textes de la collection, qui s’attachent davantage à un tel travail, retiendront l’attention des lecteurs de la présente revue. Le texte de Rianne Mahon, au sujet de …
BRISKIN, Linda et Mona ELIASSON, dir., Women’s Organizing and Public Policy in Canada and in Sweden (Montréal, McGill-Queen’s University Press, 1999), 408 p.[Notice]
…plus d’informations
Dominique Marshall
Département d’histoire
Université Carleton