Comptes rendus

MOOGK, Peter N., La Nouvelle France. The Making of French Canada — A Cultural History (East Lansing, Michigan State University Press, 2000), xx-340 p.[Notice]

  • Sylvie Dépatie

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  • Sylvie Dépatie
    Département d’histoire
    Université du Québec à Montréal

Comme l’indique le sous-titre de ce livre, Peter Moogk estime que plusieurs caractéristiques de la société canadienne-française (comprendre québécoise) du xxe siècle s’expliquent par des valeurs datant de l’époque de la Nouvelle-France. Cette idée est principalement défendue dans la conclusion du livre éloquemment intitulée « The apples do not fall far from the tree ». Lui précèdent neuf chapitres où l’auteur veut démontrer que les Canadiens et les Acadiens du xviie et du xviiie siècles vivaient dans une société bien différente de celle des colons britanniques d’Amérique du Nord. Il s’agit d’un livre hybride : à la fois synthèse destinée à un public non averti et juxtaposition de chapitres plus ou moins bien liés entre eux. La comparaison avec les colonies britanniques est en effet rapidement oubliée. Ce n’est peut-être pas le fruit du hasard : si une comparaison systématique avait été menée, il aurait fallu conclure que, sous certains aspects, dont le climat religieux et le système patriarcal, les deux entités avaient beaucoup en commun. À l’opposé, en omettant l’exercice, on laisse penser que tout ce qui est caractéristique de la Nouvelle-France ne l’est pas des colonies britanniques. Dans le premier chapitre, l’auteur définit « sa » Nouvelle-France : celle-ci va de Terre-Neuve à l’est jusqu’aux Illinois à l’ouest. Dans les faits, il s’attarde plutôt sur le Canada. L’Acadie est évoquée à deux ou trois reprises, alors que les exemples tirés de Louisbourg sont un peu plus nombreux. Le deuxième chapitre est consacré aux relations franco-indiennes. Fidèle à son approche, l’auteur y privilégie les aspects intellectuels, culturels et religieux du contact. Il en résulte un tableau nuancé des motivations et des agissements des deux groupes en présence. Dans le chapitre suivant, l’auteur montre comment l’État français a profité de l’absence d’institutions préalables pour instaurer au Canada une administration marquée à la fois « d’autoritarisme et de compassion », satisfaisant son idéal absolutiste. Il n’y pas d’institutions représentatives au Canada et l’État intervient fréquemment dans plusieurs domaines de la vie civile. À ce sujet, on peut se demander si Moogk n’est pas tombé dans le piège qu’il dénonçait naguère, soit d’exagérer la place et le poids de l’État en raison d’une utilisation peu critique de la correspondance officielle. Notons cependant qu’il émet des doutes sur l’efficacité de cet interventionnisme en disant que les lois n’étaient pas toujours observées, ni même appliquées. Ce deuxième chapitre sert aussi à présenter les grandes lignes de la Coutume de Paris et de son influence sur les mentalités. Les chapitres quatre et cinq sont consacrés au problème de la faiblesse de l’immigration. Plusieurs causes sont mentionnées : la mauvaise réputation dont les colons d’Amérique du Nord jouissaient en France, l’indifférence des marchands devant transporter des engagés, le coût et le péril du voyage ainsi que la mauvaise publicité faite par les Jésuites relatant le péril iroquois. À cela s’ajoute le fait que ces immigrants « malgré eux » comptaient bien rentrer un jour chez eux. Arrivés en majorité au xviie siècle, ces immigrants auraient réalisé leur homogénisation culturelle dès 1700. Malgré le désir de leurs parents, foncièrement conservateurs, de reproduire l’univers français en Amérique du Nord, les Canadiens et les Acadiens auraient rapidement développé des sociétés aux traits distinctifs. Cette évolution est présentée au chapitre 6, « Proud as a Canadian, Stubborn as an Acadian : The Emergence of New Peoples ». Le résultat est peu convaincant. À part d’ajouter deux épithètes pour les Canadiens (paresseux et insubordonnés), l’auteur ne dépasse pas les lieux communs des observateurs contemporains contre lesquels il met pourtant le lecteur en garde. D’ailleurs, le reste du …