Comptes rendus

JOHNSTON, A. J. B., Control and Order in French Colonial Louisbourg, 1713-1758 (East Lansing, Michigan State University Press 2001), 346 p.[Notice]

  • Allan Greer

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  • Allan Greer
    Département d’histoire
    Université de Toronto

Longtemps négligée par les historiens de l’Amérique française, l’Île Royale et sa capitale attirent actuellement l’attention de plusieurs chercheurs. L’aménagement du site de Louisbourg entrepris par Parcs Canada depuis les années 1960 a donné l’élan à la recherche à la fois archéologique et historique. Parmi les fruits de cette recherche, remarquons les ouvrages d’A. J. B. Johnston, auteur d’une monographie sur l’Église à Louisbourg (Life and Religion at Louisbourg, 1713-1758, 1996) et de la présente étude sur l’État et la société dans ce même milieu. Johnston a choisi pour thème ce qu’il appelle « l’ordre social », c’est-à-dire les mesures adoptées par l’administration coloniale pour faire face aux « désordres » d’une population composée en grande partie de marins, de soldats et de prostituées. Comme toute société, celle de la ville-forteresse/ville-portuaire engendrait des conflits et des tensions qui menaçaient la paix civile. Tout bon administrateur de l’empire de Louis XV devait savoir qu’il était indispensable de maintenir les bonnes moeurs, de conserver la hiérarchie sociale et de supprimer la violence des « classes dangereuses ». Fondé sur une recherche approfondie, principalement dans la correspondance générale de l’Île Royale et les fonds d’archives judiciaires, Control and Order nous offre une richesse d’indications sur la réglementation de la vie sociale louisbourgeoise. L’auteur considère une foule de sujets, y compris la géographie urbaine, la largeur et la disposition des rues, les monuments publics, tous soigneusement aménagés pour renforcer l’autorité. Il traite de la structure de l’appareil judiciaire (amirauté, baillage, conseil supérieur), des relations, parfois orageuses, entre gouverneur et commissaire-ordonnateur (analogue de l’intendant de la Nouvelle-France), de la réglementation des débits d’alcool, des relations entre les sexes et de toute une gamme de sujets. Johnston consacre un long chapitre à la garnison composée de troupes de la marine, françaises et suisses. Cette attention spéciale se justifie par le rôle important des soldats comme force de répression, source de main-d’oeuvre et, à l’occasion, comme source de turbulence. Sur tous ces points, l’auteur souligne la volonté des autorités coloniales — bons administrateurs bourbons de l’époque de l’absolutisme éclairé — de régler la vie civile autant que possible. Il est clair que A. J. B. Johnston possède une connaissance intime de l’histoire de Louisbourg et de ses sources. Son livre est farci de détails précis et d’anecdotes savoureuses. Le lecteur a l’impression de faire la visite de cette ville du xviiie siècle en présence du meilleur guide possible. Toutefois, au niveau de l’analyse historique, Control and Order pose quelques problèmes. On doit, d’abord, interroger le concept clé du « bon ordre » (« Order »). Dans son introduction, l’auteur se réclame de Norbert Elias, auteur de l’étude classique, La civilisation des moeurs, ouvrage centré sur la période de la Renaissance et dont les thèmes se rapprochent de façon indirecte de ceux abordés dans Order and Control. Il aurait mieux fait, me semble-t-il, de se référer à cet idéal cher au xviiie siècle, celui de « l’état bien policé ». « La police », dans le sens de la réglementation de la vie économique, des moeurs publiques et de l’aménagement urbain, forme, à la fin, le sujet de l’étude de A. J. B. Johnston. Il est regrettable qu’il n’ait pas invoqué l’historiographie sur la police en Europe de l’Ancien Régime pour mieux distinguer entre les éléments originaux dans l’administration de Louisbourg et ceux qui ressemblent à n’importe quelle ville de la période. Mais qu’est-ce que le bon ordre ? Tout au long de cet ouvrage l’auteur semble croire qu’il s’agit d’un terme neutre et objectif. Son point de vue correspond assez bien …