Comptes rendus

CHENNELLS, David, The Politics of Nationalism in Canada. Cultural Conflict Since 1760 (Toronto, University of Toronto Press, 2001), x-381 p.[Notice]

  • Steven Watt

…plus d’informations

  • Steven Watt
    Département d’histoire
    Université du Québec à Montréal

Ce livre de David Chennells est à la fois plus et moins ambitieux que son titre pourrait le laisser croire. Bien que disant traiter des politiques du nationalisme au Canada, l’ouvrage s’intéresse principalement à la question du nationalisme au Québec. Toutefois, des incursions au Manitoba et dans les Maritimes montrent que Chennells ne se limite pas au nationalisme franco-québécois. Et dans l’étude qu’il fait de l’Union, il s’attarde également aux manifestations du nationalisme britannique au Québec. Par ailleurs, l’auteur semble oublier que la discussion du nationalisme s’insère dans le récit plus général de l’histoire politique canadienne depuis la Conquête. Cette combinaison d’ambition et de modestie méthodologique donne un ouvrage souvent impressionnant dans ses parties, mais décevant dans son ensemble. La partie la plus captivante de l’ouvrage demeure la longue discussion théorique présentée en introduction. L’auteur y discute les différents concepts de nationalisme avant de définir celui qu’il entend adopter. Pour lui, le nationalisme relève des buts d’un mouvement politique avant même de refléter sa composition ou encore la manière dont il est perçu. Chennells précise d’emblée qu’il considère le nationalisme comme un phénomène néfaste, du moins selon la perspective libérale qu’il adopte. Il s’intéresse particulièrement au « nationalisme exclusif officiel », dans lequel s’affirme la volonté de privilégier — voire d’imposer — un mode de vie particulier à l’ensemble d’une population en se servant du pouvoir de l’État. Pour sa part, Chennells emprunte le modèle théorique de conflict regulation, qui confie à l’État et aux autorités gouvernementales la prise en charge des conflits qui risquent de surgir au sein des populations qu’ils gouvernent. Ainsi, dans le cas du nationalisme, l’État doit rester a-national, ou du moins fournir un contexte où les élites de différentes origines peuvent surmonter les divisions nationales qui excitent le peuple. Les héros de l’histoire, pour l’auteur, sont donc ceux parmi les élites qui résistent aux influences nationalistes, que ce soit le gouverneur Carleton défendant les droits des Canadiens français contre les marchands britanniques, ou encore René Lévesque protégeant ceux des minorités linguistiques au Québec contre les nationalistes radicaux du mouvement souverainiste. Les cinq chapitres qui forment le corps du livre traitent de périodes particulières de l’histoire canadienne au cours desquelles différents incidents sont étudiés dans le but de démontrer la capacité variable des gouvernements de contrôler les pulsions nationalistes des masses. À la suite de la Conquête, c’est l’ère de l’« imposed statescraft », qui implique la gestion coloniale par des gouverneurs jouissant d’une grande indépendance. Cette ère prend fin avec la violence des rébellions et leurs suites. L’union anglificatrice laisse sa place à l’« affiliative trusteeship », où les élites canadiennes de différentes origines se montrent souvent capables de s’entendre tout en maintenant une certaine indépendance vis-à-vis des électeurs. Cette tendance est surtout perceptible au sein du gouvernement central. L’avant-dernier chapitre retrace le développement du « nationalisme exclusif officiel » québécois au xxe siècle, période durant laquelle les législateurs québécois perdent leur indépendance et deviennent essentiellement des représentants de groupes ethniques particuliers. Enfin, l’échec des multiples tentatives de réconciliation constitutionnelle qui se sont succédé depuis les années 1970 démontrerait la difficulté d’en arriver à un accord entre les différents groupes culturels dans le contexte d’une importante participation populaire dans la vie politique. En appliquant ainsi sa perspective théorique aux divers événements historiques, l’auteur offre un aperçu fort intéressant de plusieurs débats historiographiques, qu’il soit question de la Conquête, des Rébellions de 1837, de la Confédération, du duplessisme ou de la Révolution tranquille. Pourtant, le livre cherche aussi à tirer des conclusions générales sur l’histoire canadienne. Plus qu’une série de vignettes décrivant diverses tentatives …