Résumés
RÉSUMÉ
Entre 1860 et 1900, l'émigration nette des Canadiens français vers la Nouvelle-Angleterre s'élève à environ 325 000. La très grande majorité fuient la misère, le chômage et cherchent à améliorer leur situation par un exil temporaire ou permanent.
Les images que les élites de l'époque nous renvoient des émigrants sont souvent très loin de cette réalité. Certes, des parlementaires, des clercs, des journalistes voient juste et analysent correctement les causes de l'exode. Ils nous semblent minoritaires. C'est plutôt comme des dévoyés et des missionnaires que l'on présente les émigrés aux États-Unis.
De 1860 à 1880, le mépris caractérise le discours des élites. Sans être exclusive cette image domine. Le goût du luxe, l'ivrognerie, la paresse, l'imprévoyance et le manque d'économie sont présentés comme les causes de l'émigration et du succès de la propagande des agents recruteurs américains et des exilés en visite dans les campagnes québécoises.
L'échec des campagnes de colonisation et de rapatriement, la présence de 208 000 Canadiens français en Nouvelle-Angleterre amènent une profonde transformation de la vision des choses et du discours des élites. En Nouvelle-Angleterre, les petites agglomérations dispersées, isolées, de 1860, sont devenues des centres parfois considérables où des communautés dynamiques recréent en terre américaine des Petits Canadas. Ne faut-il pas voir là un fait providentiel, se demandent certains? Nombreux seront ceux qui après avoir ridiculisé leurs compatriotes en route vers l'exil, verront en eux les « commissionnaires de Dieu », et même l'avant-garde d'une armée d'invasion lancée à la reconquête de la Nouvelle-France d'autrefois. Ce discours utopique, pas plus exclusif que le précédent, nous semble le fait d'une majorité.
Ce texte a pour but de décrire ces images successives, d'en expliquer la genèse et l'évolution.
ABSTRACT
Between 1860 and 1900, net emigration of French Canadians to New England totalled about 325,000. The great majority fled poverty and unemployment, and sought to improve their situation through temporary or permanent exile.
Perceptions of the emigrants held by the elites of that time were often very far from this reality. The parliamentarians, clergymen and journalists who did make realistic analyses were exceptions. Most judged the emigrants to be people gone astray, or saw them as missionaries.
From 1860 to 1880, the elites generally scorned the emigrants. If French Canadians emigrated, if they heeded the propaganda of the American recruiting agents and of "exiles" who returned to visit the Quebec countryside, it was because of their taste of luxury, their drunkenness, their laziness, their lack of foresight and of thrift.
The failure of the colonization and repatriation campaigns and the presence of 208,000 French Canadians in New England resulted in profound changes in attitudes. In New England, the tiny, isolated groups of emigrants had often become large centres in which dynamic communities re-created "Little Canadas" on American soil. Many saw this development as providential. After having ridiculized their exiled compatriots, they now viewed them as "commissioners of God", and even as the vanguard of an invading army seeking to reconstitute the New France of old. This Utopian image appears to have been shared by a majority.
This text seeks to describe successive images, and to explain their origin and their evolution.
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