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Les côtes à vasières ne sont certainement pas les plus accueillantes ni les plus faciles d’accès. Elles couvrent pourtant de grandes étendues un peu partout dans le monde, notamment sur la côte NE de l’Amérique latine (Guyanes-Surinam), de la Chine, de la Corée, de la France (baie d’Aiguillon, baie du mont Saint-Michel), de la Grande-Bretagne (baie de Wash, North Solent, Severn Estuary et Morecambe Bay), ainsi que des Pays-Bas et de l’Allemagne (secteur des îles de la Frise). Chez-nous, il existe de belles vasières dans les baies de Cobequid et de Chignecto (Maritimes), dans le secteur amont du moyen estuaire du Saint-Laurent, en Jamésie québécoise et ontarienne et dans la baie de Fox (SO de l’île de Baffin).
Suivant les régions morpho-climatiques, les vasières se transforment en marais intertidaux ou en mangroves, deux milieux naturels riches et importants du point de vue écologique.
Plusieurs ouvrages ont été consacrés à ces milieux au cours des trois dernières décennies. Le plus récent : Muddy coast of the World, qui vient de sortir des presses d’Elsevier Science, regroupe une vingtaine d’articles traitant de divers aspects des littoraux vaseux. Ces contributions sont issues d’un colloque international, tenu à Wilhamshaven (Allemagne) en 1997, sous les auspices du Scientific Committee on Ocean Research Working Group-106 (SCOR).
Cet ouvrage de belle facture devrait intéresser tous ceux qui s’intéressent aux littoraux. On y trouve entre autres une grande synthèse (une centaine de pages), appuyée par une bibliographie de 34 pages, sur la répartition géographique des littoraux vaseux, rédigée par B. W. Flemming, actuellement directeur de l’Institut maritime de Wilhemshaven.
Divers exemples de vasières dans le monde sont fournis, notamment pour la Chine, la Corée, la Nouvelle-Zélande, l’Australie, l’Inde, l’Amérique du Sud et du Nord, la Grande-Bretagne, les Pays-Bas et l’Allemagne. Ceux qui s’intéressent à la sédimentologie liront avec intérêt et profit les chapitres 16 à 19 portant respectivement sur la stratigraphie des dépôts intertidaux en Corée, sur la morpho-dynamique et l’évolution des marais (schorres) de West Solent (sud de l’Angleterre), sur la dynamique de deux milieux contrastés caractérisés par de vastes vasières : le Wash (Angleterre) et Jiansu (Chine), sur le rôle des glaces et le problème du bilan sédimentaire de la zone du bouchon vaseux du moyen estuaire du Saint-Laurent.
Plusieurs autres contributions méritent une attention particulière, notamment Definition, properties, and classification of muddy coasts (Wang, Healy et al.), Distinguishing accretion from erosion – dominated muddy coast (Kirby) et Tidal flat sand associated muddy coast of China (Wang et al.).
À noter aussi que Flemming (p. 101) propose une version légèrement modifiée de la classification des littoraux devenue classique de Davies (1964) revue par Hayes (1979), qui est basée sur l’amplitude de la marée. La classification proposée comprend les catégories suivantes : milieu microtidal (< 1 m), mésotidal inférieur (1 à 2 m), mésotidal supérieur (2 à 3,5 m), macrotidal inférieur (3,5 à 6 m) et macrotidal supérieur (plus de 6 m).
Bref, cet ouvrage de bonne qualité et de grand intérêt s’ajoute à la collection des livres consacrés aux littoraux meubles, en particulier ceux en matériel fin. Bien que la qualité des contributions soit inégale, les différences sont généralement moindres que dans la plupart des ouvrages collectifs. Un seul regret : un délai de publication trop long attribuable à divers facteurs. Malgré tout, les responsables ont accompli un beau et utile travail. Cet ouvrage, qui témoigne d’une partie des progrès accomplis récemment dans le domaine des littoraux vaseux, incitera sans doute plus de chercheurs à s’intéresser à ces milieux exotiques passionnants. Le prix de l’ouvrage (195 $ U.S.) le place dans la catégorie des grands crus. Malheureusement, peu d’étudiants et de professeurs-chercheurs pourront se l’offrir. Seules les bibliothèques les plus riches oseront l’acquérir.