La relance minière en France et en Europe à l’épreuve des critiques[Notice]

  • Sylvain Le Berre et
  • Sébastien Chailleux

En octobre 2012, à l’issue d’une réunion du Comité pour les métaux stratégiques (COMES), Arnaud Montebourg, ministre du Redressement productif de François Hollande, annonce le lancement d’une stratégie nationale de « renouveau minier ». Plusieurs décennies de déclin ont conduit à la fermeture des dernières mines métropolitaines au début des années 2000 et le ministre souhaite, comme dans d’autres secteurs industriels français, renverser la tendance et relocaliser les activités minières. L’ambition de cette stratégie est de rouvrir le sous-sol métropolitain aux investissements et à l’exploration minière, afin de donner de la France l’image d’« un pays dans lequel on peut exploiter des mines », pour « servir l’intérêt stratégique de la nation ». Si la France n’est pas le seul pays européen à s’engager dans cette stratégie, elle reste un cas particulier puisque, contrairement à certains de ses voisins, toute activité d’exploration minière a cessé depuis les années 1990 malgré l’existence d’un service géologique puissant (le Bureau de recherches géologiques et minières : BRGM) et de multinationales minières françaises (Eramet, Orano et Imerys, notamment). Pour autant, près d’une décennie après cette annonce, force est de constater son échec relatif puisqu’aucune mine n’a été rouverte en France métropolitaine. En effet, ce « renouveau minier » a été l’objet de nombreuses critiques puisant aussi bien dans les répertoires argumentaires militants que dans les pratiques des compagnies minières. Malgré des dispositifs de contournement et de gouvernement de ces critiques, il semble aujourd’hui indéniable que cette relance minière n’a pas été en mesure d’intégrer les nouvelles dimensions qui rendraient possible la réouverture de mines en Europe en général et en France en particulier. Au-delà de l’objectif affiché de sécurisation des approvisionnements, la relance minière est vite apparue comme une démarche spéculative à rebours des planifications locales, des contraintes environnementales et des velléités participatives. L’objectif de ce numéro spécial est d’explorer la construction de cette relance minière et les conflits qu’elle a engendrés afin de comprendre les raisons de cet échec. Comment s’est structuré le discours de la relance minière ? Quels sont les acteurs qui le définissent et le propagent ? Dans quelles arènes évoluent-ils ? Quels effets a ce discours dans le forum public ? Comment comprendre la dynamique des controverses dans les arènes d’expertise et de débat public sur cette stratégie de relance de l’exploitation des ressources minérales en Europe et en France ? Comment saisir enfin les reconfigurations politiques et le renouvellement des formes de mobilisation à l’oeuvre dans les critiques et les contestations territoriales des projets d’exploration et d’exploitation, en particulier dans le cas français ? Cette introduction vise à présenter trois éléments constitutifs de la relance minière européenne qui se retrouvent dans les différentes contributions du présent numéro : l’impératif stratégique, la nécessité des transitions énergétique et numérique, le concept de mine responsable. Nous revenons ensuite sur le panorama des conflits déclenchés par la relance minière afin de situer le contexte général de l’épreuve critique rencontrée par le renouveau minier et le discours de la mine responsable qui forme le coeur des contributions proposées dans ce numéro. Nous concluons en présentant les articles composant le numéro spécial. Le déploiement, tant au niveau européen qu’au niveau national, de cette stratégie de sécurisation des approvisionnements et de relocalisation des activités minières en Europe répond à un contexte de compétition géopolitique et d’impératif stratégique des États européens, et s’appuie sur un discours, de la part des acteurs industriels comme des acteurs publics, sur le caractère « critique » et « stratégique » de ces ressources pour les industries européennes. La valeur des ressources minérales – et donc leur exploration, puis leur exploitation …

Parties annexes