Revue Gouvernance
Governance Review
Volume 17, numéro 1, 2020 Varia
Sommaire (5 articles)
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Méthodologies en Administration publique : analyse comparative de la recherche au Canada et en Australie
Étienne Charbonneau, Catherine Zekri, Mariana Castellanos, Serguei M. Kimvi, Emmanuel Saël, D. Abel Pli, Luc Ainsley et H. Victor Adandé
p. 1–24
RésuméFR :
Plusieurs études relèvent une diversification des méthodes en Administration publique contemporaine. Cette étude fait un état des lieux systématique et comparé, sur une décennie, des méthodes de recherche publiées dans deux revues nationales en administration publique. Les recherches publiées en Administration publique au Canada, ainsi qu’en Australie, semblent en décalage sur la communauté mondiale en Administration publique au plan méthodologique. Notre revue systématique révèle toutefois peu de différences entre les deux revues : les entrevues et analyses qualitatives de contenu sont courantes dans les deux échantillons, mais les techniques quantitatives utilisées demeurent élémentaires. Il s’agit d’une particularité qui n’est pas partagée avec la recherche en science politique canadienne.
EN :
Several studies reveal a diversification of methods in contemporaneous Public Administration. This study takes systematic stock of and compares the research methods used over one decade of published research in two national journals in Public Administration. Research papers published in Canada, as well as in Australia, have apparently not followed methodological developments in the wider Public Administration community. Our systematic review revealed minor differences between these two communities : interviews and qualitative content analysis are popular in both samples, whereas quantitative methods remain basic. This particularity is not shared by Canadian political science research.
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Managing Morality and Building “Balance”: Depoliticisation as Management in Canada’s Federal Response to R. v. Morgentaler
Rebecca Vachon
p. 25–44
RésuméEN :
In 1988, Canada’s federal Parliament faced the challenge of addressing the legal status of abortion after the Supreme Court of Canada, in R. v. Morgentaler, struck down existing restrictions. In the resulting legal void, the Progressive Conservative (PC) federal government found itself under pressure to act. Examining parliamentary debates and recently released cabinet documents from the period of January 1988 to May 1990, this paper asks how the federal government managed the abortion issue following R. v. Morgentaler, including creating and defending legislation as a policy solution. This paper identifies politicising and depoliticising procedures (i.e., legislation and motions) that framed the issue in a way that that allowed the government to take action on the abortion issue while maintaining distance as it crafted and defended legislation. This paper reconstructs the frames that presented government legislation (Bill C-43) as “balanced” and uses the theoretical concepts of politicisation and depoliticisation to show how the frames alternately pushed and pulled the government towards and away from the abortion issue. These frames worked by deferring responsibility to other levels of government and the private sphere, as well as by invoking fatalism by highlighting the intransigency of abortion, the constraints that limit government action, and the necessity of pursuing only the government’s proposed solution. Although the frames serve to justify the frame of a “balanced” solution, their inherent contradictions and tensions point to fractures within the narrative of Bill C-43 as a “balanced” solution and may help explain the legislation’s failure.
FR :
En 1988, le Parlement du Canada a dû relever le défi de régler le statut juridique de l’avortement après que la Cour suprême du Canada (CSC) ait annulé les restrictions existantes dans l’affaire R. c. Morgentaler. Dans le vide juridique qui en a découlé, le gouvernement fédéral progressiste-conservateur (PC) s’est retrouvé sous pression d’agir.
En étudiant les débats parlementaires et les documents du Cabinet de janvier 1988 à mai 1990, cet article explore comment le gouvernement de l’époque a géré la question de l’avortement, notamment en créant et en défendant un projet de loi comme solution politique. Cet article reconstruit les cadrages qui sous-tendent le discours selon lequel le projet de loi gouvernemental était « équilibré ». Ce document identifie les procédures de politisation et de dépolitisation (c’est-à-dire les projets de lois, les motions) et les cadrages (c’est-à-dire le langage et le discours) qui ont permis au gouvernement d’agir sur la question de l’avortement tout en gardant ses distances lors de l’élaboration et de la défense de la mesure législative. Ces cadrages fonctionnent en renvoyant la responsabilité à d’autres ordres de gouvernement et à la sphère privée, ainsi qu’en appelant au fatalisme par la mise en évidence de la nature rigide de l’avortement, des contraintes qui limitent l’action gouvernementale et de la nécessité de ne poursuivre que la solution proposée par le gouvernement. Les contradictions et tensions inhérentes aux cadrages indiquent des failles dans le discours selon lequel le projet de loi C-43 était une solution « équilibré » et peuvent aider à expliquer l’échec de la solution politique.
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The Museum Community and Community Museum Governance
Robin Nelson
p. 45–66
RésuméEN :
Ontario has more than 500 museums, varying in type, size, and expressed need. They have different relationships to both government policy and the associations that represent them. Yet, research on museum governance often focuses on provincial or national organizations, neglecting community museums (i.e., smaller institutions with local or regional roots). Due to their limited resources, community museums rely on the work of spokespeople to advocate for their interests. Within Ontario museum governance, these spokespeople use the term “museum community” to indicate consensus on a course of action. According to a sociology of translation perspective, when a spokesperson speaks for others, they must first silence those in whose name they speak. As such, this paper considers how those governing the sector construct the “museum community” as actors in support of particular action. It asks who and what forms the museum community? Which voices are given a platform as museum advisors and which associations represent the so-called community? The paper concludes that municipal museums have historically had a privileged position within museum associations’ articulation of community, while provincial museum advisors have more successfully included the voices of small historical society museums. As the museum advisor’s resources have become more limited, the Ontario Museum Association (OMA) has taken a more active role in assembling those voices. However, the association has limited financial resources. As such, there continues to be a stratification of museums in museum governance.
FR :
L’Ontario compte plus de 500 musées de types, de tailles et de besoins différents. Ils ont des relations différentes à la fois avec les politiques gouvernementales et avec les associations qui les représentent. Cependant, la recherche sur la gouvernance des musées se concentre souvent sur les problèmes des organisations provinciales ou nationales, en négligeant les musées communautaires, c’est-à-dire les petites institutions ayant des racines locales ou régionales. En raison de leurs ressources limitées, les musées communautaires comptent sur le travail des porte-parole pour défendre leurs intérêts. Dans la gouvernance des musées de l’Ontario, ces porte-parole utilisent le terme « communauté muséale » pour indiquer un consensus sur une ligne de conduite. Selon une perspective sociologique de la traduction, lorsqu’un porte-parole parle au nom des autres, il doit d’abord faire taire ceux au nom desquels il parle. Cette recherche examine la manière dont les dirigeants du secteur construisent la « communauté muséale » en tant qu’acteur en soutien d’une action particulière, en s’intéressant à qui et quoi forme la communauté muséale et quelles voix ont une tribune en tant que conseillers de musée et associations représentant la soi-disant communauté. L’article conclut que les musées municipaux ont toujours occupé une place privilégiée dans l’articulation de la communauté par les associations de musées, tandis que les conseillers des musées provinciaux ont mieux réussi à faire entendre la voix des petits musées consacrés à la société historique. Alors que les ressources du conseiller en musée sont de plus en plus limitées, l’Association des musées de l’Ontario (OMA) joue un rôle plus actif dans la formation de ces voix. Cependant, l’association dispose de ressources financières limitées. À ce titre, il existe toujours une stratification des musées dans la gouvernance des musées.
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L’indépendance des auditeurs internes dans l’administration publique du Québec
Eriole Zita Nonki Tadida et Pierre-Marc Daigneault
p. 67–87
RésuméFR :
L’audit interne est une fonction contributive à la performance gouvernementale. Pour atteindre son objectif qui est de donner une assurance raisonnable quant à la maîtrise des risques d’une organisation, les normes internationales et les textes régissant la fonction exigent qu’elle soit objective et indépendante. Cet article présente un état des lieux de l’indépendance des auditeurs internes dans l’administration publique du Québec et une analyse de ses implications. Les données de l’étude proviennent d’un portrait de la fonction d’audit interne dans les ministères et organismes réalisé par le Secrétariat du Conseil du trésor. Selon nos résultats, si les règles d’indépendance perçue sont bien établies dans l’administration publique québécoise, l’indépendance réelle des auditeurs internes pourrait être renforcée, et le comité d’audit pourrait jouer un rôle important en ce sens.
EN :
Internal audit is a contributive function to government performance. To achieve its objective of providing reasonable assurance of an organization’s risk management, international standards and the texts governing the function require that it must be objective and independent. This article reviews the independence of internal auditors in the Québec public administration and presents an analysis of its implications. The data for this study come from a descriptive study of the internal audit function in departments and agencies produced by the Treasury Board Secretariat. According to our results, if the rules of perceived independence are well established in Quebec’s public administration, the real independence of internal auditors could be strengthened and, the audit committee could play an important role in that respect.
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Les organismes centraux fédéraux du Canada comme constructions sociales : représentations des analystes centraux
Marc-Antoine Therrien
p. 88–110
RésuméFR :
L’article explore les représentations des analystes évoluant au sein des organismes centraux. De prime abord perçus comme mystérieux, puissants et irréfutables, les organismes centraux apparaissent, par le biais des récits de l’expérience des participants, comme des organisations fédérales uniques, du fait de leur horizontalité et d’un certain contournement de la logique bureaucratique. Contrairement à leurs interlocuteurs dans les ministères d’exécution, les analystes centraux interagissent avec des « clients ministériels » plus expérimentés et hiérarchiquement plus élevés qu’eux. L’influence disproportionnée qu’ils exercent sur ces derniers est paradoxale dans la mesure où ce sont souvent de jeunes analystes, fraîchement recrutés de l’université, qui se retrouvent à exercer les responsabilités importantes qui incombent aux acteurs des organismes centraux. La dimension humaine de l’expérience au centre suggère, dès le recrutement des analystes, des milieux de travail très exigeants, où les injonctions au dépassement de soi et à l’atteinte des résultats à tout prix induisent du stress pour les analystes, qui sont appelés à interagir régulièrement avec les dirigeants et les acteurs politiques clés du gouvernement fédéral. Le recours à la phénoménologie herméneutique et un appareillage méthodologique approprié à la recherche qualitative permettent de poser un regard neuf sur les organismes centraux en mettant l’accent sur l’expérience intersubjective des analystes et de leurs interlocuteurs. En accord avec la perspective de la construction sociale, selon laquelle le monde social, et par extension les organisations, est issu des interactions entre les individus producteurs de sens et de signification, l’expérience des analystes permet de mieux comprendre les organismes centraux en tant que systèmes sociaux spécifiques.
EN :
The article explores how analysts working within central agencies perceive their own organization. At first glance perceived as mysterious, powerful and irrefutable, central agencies appear, through the accounts of the participants’ experience, as unique federal organizations, due to their horizontality and a certain circumvention of the bureaucratic logic. Unlike their counterparts in line departments, central agency analysts interact with more experienced and hierarchically superior “departmental clients”. The disproportionate influence they exert on the latter is paradoxical insofar as it is often young analysts, freshly recruited from university programs, who find themselves exercising these important central agency responsibilities. The human dimension of the experience at the center suggests, right from recruiting stages, very demanding work environments, where injunctions for surpassing oneself and achieving results at all costs induce stress for analysts, who are called upon to interact regularly with senior leaders and key political players in the federal government. The use of hermeneutical phenomenology and an appropriate methodological apparatus for qualitative research allow us to take a fresh look at central agencies by emphasizing the intersubjective experience of analysts and their interlocutors. In accordance with the social construction perspective, according to which the social world, and by extension organizations, stems from the interactions between individuals who are sense makers and meaning producers, the analysts’ experience makes it possible to understand central agencies as specific social systems.