
Revue Gouvernance
Governance Review
Volume 9, numéro 1, 2012
Sommaire (5 articles)
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Lettre des éditeurs / Letter from the Editors
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Roemer 20 Years Later: When a Classical Health-System Typology Meets Market-Oriented Reforms
Melanie Bourque et Jean-Simon Farrah
RésuméEN :
In 1990, Roemer came up with a very influential health system typology. From his vast study, emerged three types of health care systems: nationalized, mandated and entrepreneurial. Health care systems are not static; slow changes and reforms somewhat alter values and goals on which those systems were initially established. It is fair to say, then, that over the last two decades, health care reformers have adopted a market-oriented governance model that blends new public management (NPM) and managed competition reforms in the provision of health care services to transform supply- and demand-side actors into “responsibilized” customers, payers or providers. These transformations beg the question as to whether we are witnessing a radical redefinition of health care systems through the implementation of market-oriented governance. We propose to add the evolution of market-oriented health reforms in five case studies to Milton Roemer’s typology of health systems. In light of our findings, we will wrap up the analysis with an assessment of the usefulness of Roemer’s classification for social scientists to grasp the evolution of health systems over the past 20 years, and more importantly, to analyze the current state of these health care systems after years of market-oriented reforms.
FR :
En 1990 Milton J. Roemer a proposé une typologie des systèmes de santé qui eut une influence importante. Cette grille d’analyse propose d’étudier les systèmes de santé à partir de trois grands modèles : les systèmes nationalisés, mandatés et entrepreneuriaux. Ceux-ci sont toutefois en constante évolution. Des changements incrémentaux ainsi que des réformes plus importantes influencent les valeurs et les objectifs qui les avaient inspirés lors de leur mise en oeuvre. Ainsi, depuis deux décennies on peut affirmer que les systèmes de santé ont emprunté les valeurs associées à la nouvelle gestion publique ainsi qu’à la gouvernance de marché dans le but de responsabiliser les consommateurs et les producteurs de soins. Ces transformations importantes posent la question de la redéfinition des systèmes de santé. Autrement-dit, sommes-nous témoins de changements radicaux des soins de santé nationaux qui nécessitent une nouvelle grille d’analyse ? Cet article propose une analyse des dernières réformes des systèmes de santé de cinq pays à la lumière de la typologie de Roemer tout en prenant en compte les éléments liés à l’implantation de la nouvelle gestion publique et de la gouvernance de marché qui ont influencé leur évolution. Dans le cadre de cette analyse nous tenterons d’évaluer la pertinence de la typologie de Roemer pour analyser les systèmes de santé actuels et, de façon plus importante, nous analyserons les systèmes après plusieurs années d’imposition de réformes orientées vers le marché.
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La gouvernance comme modalité de gestion ou mot-valise en Afrique : analyse de contenu de discours en milieu universitaire au Burundi
Pie Ndengutse, Pierre Salengros et Michel Sylin
RésuméFR :
L’objectif de cet article est de montrer qu’au-delà de la littérature managériale, la notion de gouvernance relève des perceptions, ainsi que des représentations de la situation économique et socioculturelle qu’ont les acteurs d’une organisation à un moment donné. Dans cette recherche, la polysémie de ce concept est remise en question au travers de discours d’étudiants du Burundi, pour en comprendre la portée et les enjeux. Les résultats de l’analyse de contenu des discours permettent de montrer que le monde lexical relatif à la gouvernance qui émerge du discours de ces étudiants conduit à la décrire plus selon la situation socioéconomique et politique de leur pays. En d’autres termes, le discours se réfère davantage à l’environnement social, économique, et politique de l’organisation d’appartenance, plutôt qu’aux caractéristiques de la gouvernance soutenues notamment par la littérature, et/ou le discours managérial. Cette description singulière de la gouvernance repose en fait la question du discours sur ce concept. En effet, le discours managérial a tendance à omettre les particularités socioculturelles dans ce qu’il avance comme définitions ou descriptions de la gouvernance. Il faut encore noter que ce discours managérial sur la gouvernance semble avoir un effet instituant le discours scientifique en la matière, et par là même, les dispositifs légaux.
EN :
This article aims to show that, beyond the managerial literature, the notion of governance is subject to various economic and socio-cultural perceptions and representations that organizational actors hold at a specific time. In this research work, we question the polysemy of this concept through the discourse of Burundian students in order to explore its range and stakes. The content analysis of these discourses revealed that the lexical field related to governance, emerging from those students’ discourses, describes mainly the political and socio-economic situation of the country. In other words, this discourse refers more to a political, economic or social context than to specific characteristics associated with the notion of governance, as described in the literature and/or through managerial discourse. This unusual description of governance allows us to question the discourse built around the concept. Indeed, when trying to define or describe the notion of governance, the managerial discourse tends to neglect the particular nature of socio-cultural factors. And this managerial discourse about governance is often the authority when it comes to defining the scientific discourse on the matter and to influencing legal mechanisms.
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La gouvernance locale à l’épreuve de la mouvance territoriale : à propos de l’objet de la gouvernance locale
Gérard Divay et Serge Belley
RésuméFR :
Cet article veut jeter un nouvel éclairage sur la gouvernance locale, à partir d’un questionnement sur son objet, ce qu’elle est censée orienter. La gouvernance locale vise à façonner, de manière délibérée, interactive et holistique, l’évolution du milieu local. Mais cette gouvernance délibérée peut s’épuiser dans une errance volontariste si elle ne reconnaît pas la gouvernance immanente à la mouvance territoriale, celle qui anime le fonctionnement du milieu local comme sous-système adaptatif complexe et qui se manifeste à travers la multitude des décisions stratégiques de tous les acteurs (simples citoyens tout comme élites locales). Le renforcement de la capacité de la gouvernance délibérée à maximiser son emprise sur la gouvernance immanente suppose un cadre d’analyse adapté à la complexité locale. L’article en propose un, qui met en évidence l’influence de tous les acteurs sur les différentes dimensions du milieu local et leur dynamique, à travers divers registres d’action.
EN :
This article tries to shed new light on local governance by questioning what it is supposed to steer. Local governance intends to mould the local milieu, by a deliberate and holistic coordination of local leaders. But this deliberate governance can prove to be a wishful exercise if it does not take into account the immanent territorial governance which drives the evolution of the local milieu as a sub-complex, adaptive system, through the multitude of strategic decisions of all stakeholders (citizens as well as local elites). To strengthen the capacity of deliberate governance to maximize its hold on immanent governance, it is necessary to develop an analytical framework appropriate to the local complexity. The proposed framework highlights the influence of all the local actors on the evolution of the various dimensions of the local milieu, through their actions on different registers.
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Gouvernance et incertitude de la téléphonie mobile : le cas de la Belgique
Caroline Deblander, Nathalie Schiffino et Louis Eeckhoudt
RésuméFR :
L’article analyse les choix de gouvernance opérés en Belgique quant au développement de la téléphonie mobile. Cette technologie connaît un succès économique et social avéré. Les effets à long terme, sur la santé et l’environnement, de la propagation des ondes électromagnétiques restent pourtant largement inconnus. Face à cette incertitude, les autorités publiques régulent le secteur en faisant intervenir une pluralité d’acteurs en réseaux (experts scientifiques, opérateurs, associations et citoyens). En théorie, elles peuvent appliquer trois principes : la prudence, la prévention et la précaution. En pratique, cette dernière s’impose comme une logique dominante. Reposant sur une approche interdisciplinaire, l’article adopte un angle d’analyse très spécifique. En effet, il mobilise des définitions économiques (univers risqué et « unique prior » versus univers incertain et « multiple prior »), pour montrer une partie de la complexité de la régulation politique. La difficulté de celle-ci réside notamment dans l’ambivalence de notre société prompte à s’alarmer des risques subis et collectifs (en l’occurrence, les antennes-relais) et tolérante aux risques individuels et choisis (dans le cas présent, les téléphones portables). Cette contribution est donc originale à deux égards. Premièrement, elle croise des connaissances des sciences économiques et des sciences politiques sur le risque pour décrire et expliquer la gouvernance de la mobilophonie. La seconde originalité réside dans le cas lui-même. En effet, la Belgique a adopté des normes plus restrictives que celles qui sont préconisées par les organisations internationales. Qui plus est, elle ne l’a pas fait principalement à l’échelon national, mais bien au niveau des Régions dans le cadre de nouveaux transferts de compétences entre l’État fédéral et les entités décentralisées, ces dernières interprétant différemment les principes de prudence, prévention et précaution.
EN :
This paper analyzes the Belgian governance of mobile phones. The economic and social success of mobile phones is obvious. Nevertheless, long term effects of electromagnetic fields on health and environment remain largely unknown. In such uncertain circumstances, public authorities regulate the sector by mobilizing a plurality of actors and their networks (scientific experts, firms, organizations and citizens). Theoretically, three principles are available for public authorities to regulate the sector: caution, prevention and precaution. In fact, precaution prevails. The focus of this paper is peculiar in the sense that it is based on an interdisciplinary approach. Indeed, the article takes the economic definitions of risk and unique prior versus uncertainty and multiple prior as a point of departure to show the complexity of political regulation. The difficulty of the regulation partly relies on the ambivalence of our society, notably in the sector of mobile phones. On the one hand, we are prompt to react against collective and unintentional risks (i.e., base stations) and, on the other hand, we are tolerant regarding individual and voluntary risks (here, the phones themselves). Originality can be found in two ways in this contribution. First, the governance in the sector is described and explained through economics and political science, crossing their perspectives. Second, the Belgian case study is original in itself. Much more restrictive norms than the ones recommended by international organizations have been adopted. Moreover, regulation has not been adopted at national level but at regional ones in the context of an increasing transfer of competencies from the federal state to the decentralized entities and different interpretations of the principles of caution, prevention and precaution.