Revue Gouvernance
Governance Review
Volume 2, numéro 1, 2005
Sommaire (5 articles)
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Letter from the Editor
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La croissance technologique et la privatisation passive des systèmes publics de santé : le cas du Québec
Dalie Giroux et Anne-Marie Hallé
RésuméFR :
La mondialisation des marchés et la normalisation intensive des échanges commerciaux qui la rend possible exigent que plusieurs secteurs d’activité ne dépendent plus fondamentalement des politiques internes des États. On observe notamment que l’internationalisation du commerce des technologies médicales et de l’industrie pharmaceutique, avec le potentiel accru de capitalisation que cela implique, influe de façon décisive sur les politiques de la santé au Canada et au Québec. On assiste dans ce cas à une redéfinition majeure du complexe de gouverne contemporain. Dans un premier temps, nous offrirons une description macroéconomique des activités de l’industrie des technologies médicales. Ensuite, nous décrirons la relation entre le secteur public et le secteur privé dans le cadre du système de services de santé et de services sociaux québécois. À partir de là, un constat selon lequel les logiques propres de l’industrie et des systèmes de santé publics, qui sont par définition étrangères l’une à l’autre, produisent un modèle de gestion dont le fondement est le profit lié à une marchandise pour lequel la demande est inépuisable, et qui définit la solidarité sociale en termes de stratégie industrielle. C’est à la lumière des termes de ce constat que nous proposons pour conclure une lecture critique du projet de Politique du médicament du Ministère de la Santé et des Services sociaux, dont les termes illustrent parfaitement la logique d’imbrication des sphères privée et public.
EN :
Markets globalization, including normalization of trade exchanges which makes it possible, require many sectors to lessen their dependence on domestic regulations. We can notice, for example, that the internationalization of medical technologies trade and the pharmaceutical industry, accompanied by the high capitalization potential that it entails, has a decisive influence on health policies in Canada and Quebec. We witness, in this case, a major redefinition of contemporary governance mechanisms. Firstly, we provide a macroeconomical description of the activities of the industry of medical technologies. Secondly, we will explain the relation between the public and the private sectors within the scope of the Quebecois health and social services system. In this way, we will find that the inherent characteristics of industry and public health systems (which are, by definition, different one from the other) bring out a management mode based on profit from an inexhaustible demand, and which define social solidarity in terms of industrial strategy. It is in the light of this finding that we conclude with a critical reading of the project Politique du médicament du Ministère de la Santé et des Services sociaux, which perfectly exemplifies the logic of interweaving between private and public spheres.
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Globalization and social protests: where and how? The case of Canada and France
Pascale Dufour
RésuméEN :
Although, in these times it could be considered a good “marketing” strategy to discuss globalization, it is increasingly difficult to choose how to address it, given the abundance of literature that has been produced concerning this subject. In this paper, we do not seek to address economic globalization or the objective trends of globalization that occur in the economic sphere. Moreover, we do not analyze globalization as an external factor that can contribute to national economic development, nor as a hegemonic economic force preventing societal development. In other words, the term globalization, as used, is not a causal factor. Instead, this paper attempts to apprehend the relationship between globalization as a new space of social protest (a space of action, as well as an issue of discourses) in two countries : Canada and France. We observe that the fight for global justice is embedded in national contexts, each of which uniquely translates the global problematic. The role of the state is particularly central to an understanding of this variation. In the same way, globalization, as a space of debates and conflicts, affects the form of national social protest, modifying both its frame and scale.
FR :
Même si parler de la mondialisation peut être considéré maintenant une bonne stratégie de « marketing », c’est de plus en plus difficile de choisir comment aborder ce sujet, étant donné la littérature abondante qui y est consacrée. Dans cet article, nous ne chercherons pas à aborder la mondialisation économique ou les tendances objectives de la mondialisation qui se produisent dans la sphère économique. De même, nous n’analyserons pas non plus la mondialisation comme un facteur externe qui peut contribuer au développement économique national, ni comme une force économique hégémonique qui peut empêcher le développement social. Autrement dit, le terme de mondialisation, tel qu’il est utilisé ici, n’est pas un facteur causal. Cet article essaie plutôt d’appréhender la relation entre la mondialisation en tant que nouvel espace de protestation sociale (un espace d’action et de discours) dans deux pays : le Canada et la France. On observe que la lutte pour la justice globale s’inscrit dans des contextes nationaux, chacun de ceux-ci interprétant à sa manière la problématique globale. Le rôle de l’État est particulièrement central pour la compréhension de cette variation. De la même manière, la mondialisation, en tant qu’espace de débats et de conflits, influence la forme de protestation sociale au niveau national, en modifiant tant son cadre que sa portée.
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Policy as planned? The implementation of welfare-to-work programs in Manitoba and Ontario
Mark A. Schaan
RésuméEN :
New fiscal pressures, rising neo-conservatism, and a general desire to reinterpret social rights and responsibilities have led to the emergence of welfare-to-work policies in Canada and internationally. This paper seeks to understand welfare-to-work and, most importantly, its implementation. The paper begins with a look at the rich literature on the emergence of welfare-to-work, making an important distinction between “insertion” models and “workfare” models. In either format, welfare-to-work indicates a marked shift away from social rights towards an emphasis on personal obligation and responsibility. While the “new welfare” has received considerable attention, the implementation of such policies is a neglected area. This paper argues that studying implementation is crucial to the outcomes of policy reform : policy is, effectively, remade on the ground level. Understanding the importance of street-level bureaucracy, the paper questions whether the shift in welfare is replicated in implementation and how it varies across systems and models. Utilizing qualitative data from two months of non-participant observation and over 40 interviews with welfare-to-work participants and workers in Manitoba and Ontario, the paper argues that the interactions between workers and clients can greatly alter the focus and nature of significant pieces of welfare-to-work policies. The paper argues that discretion at the implementation level, mitigated by time, information and attitude, is crucial in understanding the impact of policy. It concludes by discussing the implications of the findings on the importance of discretion. The implications include positing a role for street-level bureaucrats in devising policy to ensure effective implementation and also questioning to what degree we can understand welfare reform in the past two decades without significant implementation data.
FR :
Les nouvelles pressions fiscales, la montée du néo-conservatisme et le désir général de réinterpréter les droits et les responsabilités sociaux ont conduit à la réforme des politiques d’aide sociale au Canada et au niveau international. Cet article se propose de comprendre la réforme de l’aide sociale, à travers sa mise en oeuvre par les fonctionnaires de première ligne. L’article commence par une revue de la littérature sur l’émergence des nouvelles formes d’aide sociale, tout en faisant une distinction entre les modèles « d’insertion » et les modèles dits de « workfare ». Ainsi, la réforme de l’aide sociale indique un déplacement d’accent des droits sociaux vers l’obligation et la responsabilité personnelles. Tandis que la « nouvelle aide sociale » a reçu une attention considérable, la mise en oeuvre de telles politiques demeure encore un domaine négligé. Cet article avance que l’étude de leur mise en oeuvre est cruciale pour les résultats de la réforme de cette politique : la politique est en réalité réélaborée sur le terrain. En comprenant l’importance du pouvoir discrétionnaire des fonctionnaires de première ligne, l’article questionne la manière dont le changement dans l’aide sociale se traduit sur le terrain, ainsi que la manière dont il varie à travers les systèmes et les modèles. En utilisant les données qualitatives provenant de deux mois d’observation non participante et de plus de 40 entretiens de recherche avec des participants à l’aide sociale et des fonctionnaires de première ligne au Manitoba et en Ontario, l’article suggère que les interactions entre les travailleurs et les clients peuvent altérer significativement le but et la nature de certaines politiques d’aide sociale. L’article insiste sur ce que le pouvoir discrétionnaire des fonctionnaires de première ligne lors de la phase de mise en oeuvre, pondérée par le temps, l’information et l’attitude, est cruciale pour comprendre l’impact réel de la politique. En terminant, l’article considère les conséquences de ces conclusions sur le pouvoir discrétionnaire, notamment l’idée d’accroître le rôle des fonctionnaires de première ligne dans l’élaboration de la politique pour assurer une mise en oeuvre efficace.
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Performance measurement in the Government of Alberta
Kimberley Speers
RésuméEN :
Despite the proposed positive aspects of performance measurement, there have been numerous concerns raised about the limitations of being able to measure in a public sector environment. While some people tend to raise more technical concerns, others raised more philosophical concerns about the legitimacy and authenticity of the performance measurement process, given the measures are publicly reported in the government’s business plans and annual reports. In this sense, the legitimacy of performance measurement is threatened because the measures, targets, and results are perceived to be “massaged and manipulated” by management, a central agency, or a communications department. In other words, high-risk measures, such as those that fluctuate, are difficult to attribute, never meet their target, and have a low citizen satisfaction rating, are unlikely to get or remain in a business plan. The third challenge to measuring performance in a government setting is that the external performance measures and targets are linked to department, deputy minister and individual performance plans. This final challenge threatens the validity of the performance measurement framework in the sense that civil servants are likely to choose performance measures and targets that are easy to measure, are stable, and the targets are met or surpassed each fiscal year. It is this subjectivity and the technical challenges of performance measurement that lead to the questioning of the legitimacy and authenticity of reporting on performance in a public sector setting. This subjectivity of both performance and results contributes to the paradox of public reporting. On the one hand, a government can be praised for being transparent in its plans; on the other hand, it can be criticized for publishing politically safe and strategic information for fear of retaliation from the media, opposition parties, and disgruntled citizens. It is this paradox that will be explored in the article under the realm of bureaucratic propaganda.
FR :
En dépit des aspects positifs de l’évaluation de la performance, de nombreuses inquiétudes ont été soulevées concernant les limites de la capacité d’évaluation dans le secteur public. Tandis que certains essayent de poser des questions plus techniques, d’autres posent des questions plus philosophiques concernant la légitimité et l’authenticité du processus d’évaluation de la performance, étant donné que les mesures sont présentées publiquement dans les plans d’affaires et les rapports annuels du gouvernement. En ce sens, la légitimité de l’évaluation de la performance est menacée parce que les mesures, les buts et les résultats sont perçus comme étant manipulés par la direction, par une agence centrale ou par le département de communications. Autrement dit, les mesures complexes, comme celles qui varient, qui sont difficiles à appliquer, qui n’arrivent jamais à leur fin et qui sont considérées par les citoyens faiblement satisfaisantes, ont peu de chances d’être incluses ou de rester dans le plan d’affaires. Un autre défi pour l’évaluation de la performance au niveau du gouvernement est que les mesures et les cibles externes de la performance sont encore reliées au département ou aux plans des députés, de même qu’aux plans individuels de performance. Le défi final menace la validité du cadre d’évaluation de la performance dans le sens que les fonctionnaires choisissent plutôt des mesures et des cibles qui sont faciles à évaluer, qui sont stables, afin d’atteindre ou dépasser les cibles de chaque année fiscale. C’est cette subjectivité et les défis techniques de l’évaluation de la performance qui conduisent à la mise en question de la légitimité et de l’authenticité des rapports concernant la performance dans le secteur public. Cette subjectivité tant de la performance que des résultats contribue au paradoxe des documents publics, à savoir : d’un côté, un gouvernement félicité pour la transparence de ses plans d’action; de l’autre côté, un gouvernement critiqué pour ne rendre publiques que les informations stratégiques et sans danger politique, afin d’éviter les critiques des médias, des partis d’opposition ou des citoyens mécontents. C’est ce paradoxe qui va être exploré dans cet article, à travers le prisme de la propagande bureaucratique.