Résumés
Résumé
Le Canada fut un des nombreux pays où les Juifs européens fuyant les persécutions nazies cherchèrent asile dans les années 1930 et 1940. Un processus pour restreindre l’immigration était entamé depuis déjà plusieurs années et, à l’instar de plusieurs pays, le Canada n’adapta guère ses politiques d’immigration en fonction de ces circonstances tragiques. Les historiens ont cherché à comprendre les raisons de la fermeture du Canada aux réfugiés juifs et dans quelle mesure l’antisémitisme exerça une influence décisive sur cette situation. Si la Grande Dépression et la montée d’un sentiment d’hostilité envers les immigrants furent évoquées, plusieurs chercheurs ont conclu, également, à un manque d’empathie de la population et des hommes politiques pour les persécutions subies par les Juifs. Certains auteurs ont aussi fait référence au climat politique international tendu et radicalisé, marqué par l’ascension des idéologies comme le communisme et le fascisme. L’antisémitisme en vint ainsi à être considéré comme le principal facteur expliquant les politiques canadiennes d’immigration. Plus encore, on prêta au Québec une importante influence sur ces politiques et les Canadiens français furent désignés comme étant au mieux hostiles aux Juifs, sinon carrément antisémites. Alors que les opinions de nombreux acteurs furent étudiées dans ce contexte, le discours des responsables politiques eux-mêmes et spécialement les débats reconstitués de l’Assemblée législative du Québec furent peu explorés, en raison de leur récente disponibilité. Quels furent les propos et les positions des hommes politiques québécois à qui on attribua souvent un antisémitisme de facto ? Dans cet article, nous nous intéressons au discours des responsables politiques québécois sur les réfugiés juifs entre 1938 et 1945. À la lumière d’une mise en contexte du particularisme québécois et à l’aide d’une grille d’analyse du racisme et de sa terminologie, l’analyse de ces discours nous révèle un portrait plus complexe que l’historiographie ne l’a parfois laissé entendre.
Abstract
Canada was one of many countries where European Jews fleeing Nazi persecution sought asylum in the 1930s and 1940s. In previous years, new restrictions on immigration had been introduced and, like many countries during the period, Canada opted not adjust its policies in light of the tragic circumstances of European Jews. Historians have sought to understand the reasons for Canada’s reluctance to welcome Jewish refugees, and whether anti-Semitism was a decisive influence. The Great Depression and increased hostility toward immigrants have been cited, but scholars have also pointed to a lack of empathy toward the persecution faced by Jews on the part of both politicians and the general population. Some have also noted a tense and radicalized international political climate, marked by the rise of communist and fascist ideologies, as a factor. In this way, anti-Semitism has come to be regarded as the key explanation for Canada’s restrictive immigration policies. In addition, Quebec has been portrayed as having had an important influence on these policies, with French Canadians being depicted as hostile to the Jews, if not outright anti-Semites. While the opinions of many important actors have been studied, the words of the province’s politicians have not been closely examined, in large part because the reconstituted debates of the Legislative Assembly of Quebec have only recently become available. What did Quebec politicians, who are often automatically cast as anti-Semitic, actually say and what positions did they take ? To answer this question, the article explores the discourse of Quebec politicians on Jewish refugees between 1938 and 1945. In light of the unique features of the Quebec context and with the help of a matrix for the analysis of racism and its terminology, a study of this discourse reveals a more complex picture than the historiography has sometimes painted.