Recensions

Carole Yerochewski, Quand travailler enferme dans la pauvreté et la précarité. Travailleuses et travailleurs pauvres au Québec et dans le monde, Québec, Presses de l’Université du Québec, 2014[Notice]

  • Guy Fréchet

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  • Guy Fréchet
    Université Laval

« Travailler ne met plus à l’abri de la pauvreté », comme on peut le lire au dos du livre et en introduction du premier chapitre. Pour étayer le phénomène de la pauvreté en emploi et en mesurer l’ampleur au Québec, le Groupe interuniversitaire et interdisciplinaire de recherche sur l’emploi, la pauvreté et la protection sociale (GIREPS) a mandaté l’auteure, Carole Yerochewski, afin de concevoir et de rédiger un ouvrage synthèse sur le sujet. Les divers chapitres portent sur les enjeux de définition et l’évolution du contexte général à l’intérieur duquel s’inscrit le phénomène des travailleurs pauvres. L’ouvrage propose de recourir à une définition extensive de la notion de travailleur, proposée par Sophie Ponthieux en France. Cette définition a été opérationnalisée avec le concept de « travailleur ou travailleuse pauvre en revenu d’activité », où le travail a pu totaliser un mois sur une période d’appartenance à la population active de six mois. Le revenu comprend alors le revenu d’un travail salarié ou d’un travail autonome, ainsi que les versements de l’assurance-emploi et des accidents du travail. Au départ, il n’existe pas de statistiques sur les travailleurs pauvres, cela demeure une construction statistique qui repose sur des choix nécessairement arbitraires. Dans une série de textes sur le sujet des travailleurs pauvres il y a quelques années, Dominique Fleury et Myriam Fortin ont suggéré de considérer comme travailleurs pauvres les personnes âgées de 18 à 64 ans qui ont fourni une relative intensité de travail selon le critère de 910 heures (six mois de travail dans l’année). Il ne s’agit pas d’étudiants à temps plein et ces personnes se retrouvent dans des ménages qui ont un faible revenu familial selon la mesure du panier de consommation. Les chercheuses ont ainsi apporté une distinction essentielle entre travailleurs à « faibles gains » et travailleurs à « faible revenu ». La proposition de Fleury et Fortin demeure celle qui a sans doute été la plus convaincante à ce jour : des travailleurs peuvent être à faibles gains sans nécessairement appartenir à un ménage à faible revenu. Yerochewski, ici, cite ces travaux, mais ne semble pas avoir intégré leurs enseignements dans son ouvrage. Dans le cadre de son chapitre sur les enjeux de définition, l’auteure se réfère aux deux définitions de Ponthieux : Ainsi, la définition qui veut que le travailleur ou la travailleuse ait occupé un emploi pendant sept mois dans l’année est très apparentée à celle de Fleury et Fortin, qui proposent six mois par année (une définition encore plus restrictive), alors que celle du six mois d’appartenance à la population active, incluant un mois en emploi dans l’année, demeure quelque peu problématique dans notre contexte. Elle ne correspond pas à la réalité québécoise, comme on la connaît notamment avec le travail saisonnier, qui caractérise un certain pan de l’économie et qui prend appui sur une période d’emploi sensiblement plus longue. Elle englobe des réalités particulièrement précaires, bien sûr, mais très à la marge du monde des travailleurs pauvres. Qu’apprend-on, en effet, sur la réalité des travailleurs pauvres avec les quelques rares données sur le sujet que l’auteure présente ? Les tableaux 1.1 et 1.2 sont les plus explicites sur la réalité des travailleurs pauvres au Québec : leur taux, selon la définition de 910 heures (six mois), aurait été de 3,6 % en 2009, alors que, selon la définition extensive, il aurait été de 5,1 %. Parmi les ménages pauvres (selon les seuils de faible revenu après impôt), la proportion de ménages comportant au moins une personne qui répond aux définitions aurait été de 46 % selon celle des 910 heures …

Parties annexes