Recensions

Jean-Denis Gendron, La modernisation de l’accent québécois. De l’accent traditionnel au nouvel accent, 1841-1960. Esquisse historique, Québec, Presses de l’Université Laval, 2014[Notice]

  • Luc Ostiguy

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  • Luc Ostiguy
    Université du Québec à Trois-Rivières

L’essai de Jean-Denis Gendron, La modernisation de l’accent québécois. De l’accent traditionnel au nouvel accent : 1841-1960. Esquisse historique, se présente comme un retour sur les efforts qui, à partir de 1841, ont été consentis par des éducateurs pour corriger la prononciation des Québécois. La période considérée par l’auteur commence en 1841 avec l’ouvrage correctif de Thomas Maguire, Manuel des difficultés plus communes de la langue française, adapté au jeune âge, et suivi d’un recueil de locutions vicieuses, et se termine au début des années 1960 avec la parution de son propre ouvrage correctif, Phonétique orthophonique à l’usage des Canadiens français : orthophonie, exercices de correction, textes de lecture (PUL, 1965). Sur ce plan, l’ouvrage a le mérite de rappeler à la mémoire du lecteur les personnages qui, chacun en leur temps, ont cherché à moderniser la prononciation traditionnelle des Québécois en faisant la promotion d’une prononciation « soignée » dans le but avoué de la rapprocher de celle de l’élite française de la même époque, ainsi que leurs ouvrages correctifs, qui ont servi d’outils aux enseignants pour perfectionner la diction de ceux qui constituaient ou allaient constituer l’élite québécoise. Outre Maguire et Gendron déjà évoqués, il y a eu Jérôme Demers, Thomas-Étienne Hamel, Pierre-Minier Lagacé, Adjutor Rivard, Joseph Dumais, Eugène Lassalle, Georges Landreau, Théophile Hudon, Yvonne Duckett-Audet et Robert Dubuc. L’essai se présente aussi comme une « image » des voyelles et des consonnes et de leur diction qui caractérisaient la prononciation traditionnelle des Québécois, ainsi que celle de son mode d’élocution dans son ensemble (rythme syllabique et intonation) : une image que l’auteur construit à partir de ses connaissances et des remarques des pédagogues et de leurs contenus d’enseignement (chapitres 5 et 6). Pourquoi la prononciation des Québécois devait-elle être « modernisée »? En quoi était-elle si différente de celle des Parisiens, si on se rappelle l’origine toute parisienne de la prononciation du français québécois, dont la plupart des historiens de la langue conviennent ? Dans son essai, Gendron reprend l’idée qu’il a exposée dans son précédent ouvrage, D’où vient l’accent des Québécois ? Et celui des Parisiens ?, paru en 2007 chez le même éditeur, dans lequel il fait valoir que la prononciation de la société parisienne avait diamétralement changé au moment de la Révolution française, début d’une période marquée par une rupture des relations entre le Canada et la France qui a duré jusqu’à la fin des guerres napoléoniennes. Gendron, s’inspirant des thèses de l’historien de la langue Alexis François, fait valoir que les Parisiens connaissaient, au xviie et au xviiie siècle, deux types de prononciation. Il y avait, d’une part, celle de la conversation mondaine chez les courtisans, du discours privé si on peut dire, qui se voulait naturelle et qui était, apparemment, voisine de celle du peuple de Paris. Il y avait, d’autre part, la prononciation cultivée pour le discours public (exposé, plaidoirie, théâtre), calquée en partie sur l’écrit en ce qu’elle faisait entendre bien des lettres qui demeuraient muettes dans la conversation privée et caractérisée par une articulation plus énergique, précise : c’était cette seconde façon de prononcer les sons et les syllabes qui était enseignée dans les collèges, qui est devenue, au cours du xviiie siècle, celle de la grande bourgeoisie française qui fréquentait les écoles et qui s’est imposée comme norme à Paris à partir de 1789 avec l’accession au pouvoir de cette bourgeoisie. Selon Jean-Denis Gendron, la prononciation entendue en Nouvelle-France aurait été essentiellement celle de la conversation mondaine des courtisans, voulue naturelle et spontanée. La distinction de style entre discours privé et discours …