Résumés
Résumé
Durant les années 1960, à l’instar des gouvernements français et québécois, l’Union nationale des étudiants de France (UNEF), établie en 1907, et l’Union générale des étudiants du Québec (UGEQ), créée en 1964, ont entretenu des relations institutionnelles. L’objectif de cet article est d’en préciser la nature et les effets sur l’orientation du syndicat étudiant québécois. Rappelons que la France a été longtemps perçue par les Québécois – et l’est encore pour certains – comme la référence culturelle, la mère patrie, le pays vers lequel se tourner pour obtenir secours et soutien. L’histoire et la langue communes ont permis aux deux entités, bien que séparées depuis la Conquête britannique, de tisser à partir des années 1960 des relations plus étroites, notamment en matière de culture et d’éducation. Dans le tourbillon étudiant des années 1960, l’UNEF a-t-elle joué le rôle de « grand frère », de modèle pour l’UGEQ ; a-t-elle, par son discours et sa pratique, influencé l’UGEQ ou l’organisation étudiante québécoise ; ou a-t-elle plutôt mené sa contestation de manière autonome ? Pour parvenir à jeter un peu de lumière sur cet aspect méconnu du mouvement étudiant international, nous allons faire état de l’évolution des deux organisations étudiantes, identifier les points de rencontre, les moments de contacts, et analyser leur nature et leur portée afin d’évaluer dans quelle mesure ces relations ont pu ou non influencer leurs parcours respectifs sur le plan du discours et de la pratique. L’UGEQ s’est rapidement positionnée sur la scène internationale afin d’obtenir la crédibilité qu’elle souhaitait. L’union québécoise s’est largement inspirée de l’UNEF en développant sa position internationale et a cherché sans succès un appui tangible de l’UNEF.
Abstract
During the 1960s, following the example of the governments of France and Quebec, the Union nationale des Étudiants français (UNEF), established in 1907, and the Union générale des étudiants du Québec (UGEQ), created in 1964, established an institutional relationship. This article studies the nature and the effects of this relationship in a decade marked by student protest. France had long been viewed by Quebeckers – as it continues to be by some – as a cultural reference point, a mother country capable of providing assistance, defence and support. From the beginning of the 20th century, a shared history and a common language had allowed France and Quebec to re-initiate contact ; following the Second World War, occasional links were established ; and, starting in the 1960s, close relationships were developed, especially in the domains of culture and education. Amid the turbulence of the 1960s, did the French student movement play the role of mentor, model or beacon to the UGEQ ? Did its discourse or actions influence the UGEQ or the Quebec student movement ? Or did the latter pursue its program of protest in an autonomous fashion. To shed light on this largely overlooked aspect of the international student protest movement of the period, the article follows the evolution of both student organizations in order to identify where and when they came into contact. It also analyzes the nature and extent of their activities in order to evaluate the extent to which these relations influenced (or did not influence) the organizations’ respective development in terms of both discourse and practice. The UGEQ quickly positioned itself on the international scene to obtain the credibility it sought. The Quebec organization drew inspiration from the UNEF in developing its international policies and desperately sought out the support of its French counterpart.
Corps de l’article
En 2008 a été célébré le quarantième anniversaire des événements de Mai 68 en France. À cette occasion, une centaine d’études ont été publiées, d’autres rééditées, cherchant à parfaire, voire quelquefois à réviser, notre compréhension du phénomène[2]. Cette « revisitation » des « années 68 »[3] – ainsi qualifiées en raison des nombreuses expériences concomitantes qui ont marqué à la fois la France, le Québec et un grand nombre de pays d’Europe, d’Asie, d’Afrique et des Amériques – offrait l’occasion d’aborder une facette jusqu’ici négligée par les chercheurs qui ont étudié ce mouvement de contestation étudiante des années 1960 : sa dimension internationale.
Jusqu’à tout récemment, le mouvement étudiant a surtout été analysé sur une base nationale, sans que l’on cherche à examiner les relations qui avaient pu se tisser entre les différentes organisations nationales[4]. Certaines études ont effleuré le sujet. En 1988, David Caute publiait une étude qui examinait divers mouvements nationaux pour en préciser les similitudes. Il concluait que les mouvements étudiants des années 1960 avaient été le produit d’une « rébellion des enfants des catégories sociales les plus favorisées, lors d’une période de prospérité matérielle et de tolérance culturelle sans précédent, précisant que la guerre du Viêt Nam avait constitué la principale cause de la mobilisation internationale[5] » [notre traduction]. Quelques années plus tard, les historiennes Marie-Christine Granjon et Marianne Debouzy publiaient des études qui analysaient les relations entre les mouvements français et américain dans les années 1960. Elles concluaient « qu’il n’y avait pas eu de rapports entre ces deux mouvements étudiants avant mai 1968[6] ».
Geneviève Dreyfus-Armand s’intéressait en 2000 à « l’espace et le temps des mouvements de contestation » et mettait au centre de son analyse les mouvements qui, « de Berkeley à Tokyo, de Berlin à Paris ou de Turin à Stockholm », avaient marqué les années 1960 et 1970. Elle soutenait que si « les processus déclenchés dans les pays de l’Est européen ou dans un régime dictatorial comme l’Espagne ou encore en Amérique Latine [sic] se déroulent dans des formes et des conditions très différentes, ils participent pourtant d’une même remise en cause du statu quo politique et social[7] ». En 2003, Jeremi Suri publiait une étude qui remettait les événements des années 1960 dans le contexte international de la Guerre froide et examinait les liens entre la diplomatie internationale et la protestation sociale internationale[8]. Plus récemment, des chercheurs français, sous la direction, entre autres, de Bernard Pudal, publiaient un recueil intitulé Mai-Juin 68, qui proposait notamment une grille d’analyse pour tenter de mettre en lumière les corrélations possibles entre les différents mouvements étudiants des années 1960[9]. Les auteurs mettaient toutefois en garde contre les difficultés inhérentes à toute volonté de schématiser ou d’enfermer ces mouvements dans un modèle explicatif commode et en appelaient à une concertation internationale des chercheurs sur la question. Enfin, Loyer et Sirinelli publiaient un dossier dans lequel ils démontraient qu’il existait chez les différents mouvements étudiants nationaux un esprit commun qui se serait harnaché à une réalité locale précise[10].
Au Québec, l’internationalisation du mouvement étudiant québécois des années 1960 et les relations qu’il a tissées avec d’autres mouvements étudiants nationaux, notamment avec le mouvement français, avaient très tôt intéressé les contemporains. Certains politiciens et journalistes québécois avaient réagi à l’annonce de la visite au Québec de Jacques Sauvageot, le vice-président de l’Union nationale des étudiants de France (UNEF) et l’un des leaders du Mai 68 français, prévue en août 1968 à l’invitation de Claude Charron, alors vice-président aux affaires internationales de l’Union générale des étudiants du Québec (UGEQ). Ils avaient alors soutenu que « ce révolutionnaire français s’en [venait] “monter” nos étudiants » et que la « France [voulait] exporter sa révolution[11] ». À l’opposé, Louis Falardeau, alors secrétaire général de l’UGEQ, soutenait que le mouvement de contestation au Québec avait débuté en février 1968 lors de grèves déclenchées à l’Université de Montréal et avec la parution d’un pamphlet rédigé par des étudiantes et des étudiants de sociologie, portant le titre évocateur L’Université ou fabrique de ronds de cuir, et non en mai 1968, et que le mouvement n’avait pas eu à se tourner vers la France pour trouver son dynamisme[12]. Il ajoutait toutefois que « la similitude des problèmes posés aux étudiants français et québécois [faisait] que ces derniers [voudraient] certes se servir de l’expérience des premiers sans pour autant imiter servilement leur action[13] ». Pour sa part, Michel Doré, dans un article publié dans Socialisme 68, soutenait que le mouvement étudiant des années 1960 constituait une vraie internationale étudiante, tout en précisant que « [s]’il y a des rapprochements (que nous pouvons faire) entre les différentes manifestations de cette nouvelle internationale, il serait erroné d’assimiler complètement les révoltes de Berlin à celles de Belgrade et aux autres[14] ». Le sociologue Marcel Fournier concluait dans un article en 1989 que « [p]ersonne n’échappe au mimétisme. Même si la contestation n’a pas l’ampleur qu’elle a en France, la signification que l’on lui donne n’est pas très différente d’un bord ou de l’autre de l’Atlantique[15] ». Enfin, en 2008, Jean-Phillipe Warren reprenait à son compte le constat de Falardeau en 1968 et soutenait que la gauche américaine avait constitué un pôle d’influence majeur dans le discours et la pratique étudiante québécoise des années 1960[16].
Ce survol historiographique révèle que, jusqu’ici, les spécialistes se sont peu penchés sur les relations entre les diverses unions nationales lors des années 1960. Si les auteurs s’entendent pour soutenir que la lutte contre la discrimination aux États-Unis, la guerre au Vietnam et le processus de décolonisation en Asie et en Afrique ont joué un rôle de catalyseur dans le processus de conscientisation et de mobilisation de la jeunesse internationale, créant alors un élan et des affinités idéologiques, ils soutiennent en revanche que des différences marquées liées aux situations nationales particulières ont fait surgir des distinctions. Mais, surtout, ils restent vagues sur les modalités des influences qui pourraient en rendre compte et sont généralement muets sur les relations bilatérales qui ont pu se créer entre les diverses organisations étudiantes nationales.
L’objectif de cet article est de vérifier si, à l’instar des gouvernements français et québécois durant les années 1960, l’Union nationale des étudiants de France, établie en 1907, et l’Union générale des étudiants du Québec, créée en 1964, ont entretenu des relations institutionnelles durant cette décennie et, si oui, d’en préciser la nature et les effets. Rappelons que la France a été longtemps perçue par les Québécois – et continue de l’être pour certains – comme la référence culturelle, la mère patrie, le pays vers lequel se tourner pour obtenir secours et soutien. L’histoire et la langue communes ont permis aux deux entités, séparées depuis la Conquête britannique, de tisser à partir des années 1960 des relations plus étroites, notamment en matière de culture et d’éducation[17]. Dans le tourbillon étudiant des années 1960, l’UNEF a-t-elle joué le rôle de « grand frère », de modèle pour l’UGEQ ? A-t-elle, par son discours et sa pratique, influencé l’UGEQ ou l’organisation étudiante québécoise a-t-elle plutôt mené sa contestation de manière autonome ?
Pour parvenir à jeter un peu de lumière sur cet aspect méconnu du mouvement étudiant international, nous allons faire état de l’évolution des deux organisations étudiantes, identifier les points de rencontre, les moments de contacts, et analyser leur nature et leur portée afin d’évaluer dans quelle mesure ces relations ont pu ou non influencer leurs parcours respectifs sur le plan du discours et de la pratique.
L’UNEF
Lorsque l’UGEQ est créée à l’automne de 1964, l’UNEF a déjà près de 60 ans d’existence[18]. L’Union nationale des étudiants de France, la première union nationale d’étudiants, est constituée le 4 mai 1907 à Lille. Elle regroupe alors quelques associations générales d’étudiants établies dans différentes universités. Dirigée par un bureau national chargé d’appliquer les décisions prises en congrès, l’Union se donne comme objectif de stimuler la solidarité entre les unions régionales, de faire valoir auprès des autorités les revendications adoptées lors de congrès annuels et d’améliorer la situation matérielle des étudiants[19]. Dans ce contexte, et ce, jusqu’à la fin de la Deuxième Guerre mondiale, l’UNEF défend les intérêts des étudiants en adoptant une approche corporatiste, nationale et dite apolitique, occupant ses énergies à étendre son influence au pays et à revendiquer de meilleures conditions d’étude pour ses membres[20].
À la fin de la Deuxième Guerre mondiale, l’Europe libérée est portée par un vent de dynamisme et de renouveau qui touche aussi le monde étudiant. Lors du congrès annuel de l’UNEF tenu en avril 1946 à Grenoble, la question de l’apolitisme de l’UNEF est soulevée. Durant la guerre, des associations étudiantes avaient refusé de prendre position à l’égard du gouvernement de Pétain. Lors de ce congrès, les délégués partisans d’une plus grande participation étudiante aux débats sociaux parviennent à faire adopter une nouvelle charte, la Charte de Grenoble, qui redéfinit le statut de l’étudiant. Il était jusque-là considéré comme un être privilégié, bourgeois et agissant en marge de la société. Le contenu de la charte rompt avec cette conception pour considérer dorénavant l’étudiant comme un jeune travailleur intellectuel, ayant des droits, mais aussi des devoirs comme jeune, comme travailleur et comme intellectuel : le droit au travail, mais aussi le devoir de mieux s’impliquer dans la société globale, de défendre la liberté et le droit à la sécurité sociale étudiante[21]. Il s’agit d’un changement majeur pour l’UNEF qui, tout en continuant de défendre les intérêts des étudiants, aspire maintenant à mener son action dans le cadre d’un syndicalisme étudiant revendicateur et socialement engagé. Dorénavant, se plaît-on à dire, il n’y a plus de problèmes étudiants, il n’y a que des aspects étudiants aux problèmes généraux[22].
La Charte de Grenoble devient le document de référence pour toute organisation étudiante nationale progressiste désireuse d’adopter comme approche le syndicalisme étudiant militant. Et son auteur, l’UNEF, incarne désormais aux yeux des étudiants réformistes du monde le modèle à imiter. Cette situation n’est pas sans conséquence pour l’UNEF, qui est alors perçue et se perçoit elle-même comme l’avant-garde du mouvement étudiant contemporain, le chef de file du mouvement syndicaliste et progressiste.
Vers une internationale étudiante
Dans le climat d’après-guerre marqué par l’espoir d’une paix durable basée sur une coopération internationale renouvelée et une volonté commune de prévenir la résurgence du fascisme, le monde étudiant émet le souhait de se regrouper sur une base internationale afin de raffermir les liens entre les différentes organisations nationales. À l’initiative de l’UNEF et des unions nationales étudiantes britannique et hollandaise, plus de 60 unions étudiantes nationales sont conviées à une rencontre le 27 août 1946 à Prague en Tchécoslovaquie. Elles s’entendent pour créer l’Union internationale des étudiants (UIE), une organisation qui se dit apolitique, qui vise à regrouper l’ensemble des unions nationales et qui veut offrir un forum international permettant de meilleurs échanges entre les unions membres[23].
Toutefois, dès sa création, des tensions apparaissent au sein de l’UIE entre les unions nationales communistes, qui avaient dès le départ influencé les premières décisions de la centrale, et les unions nationales dites « occidentales » – et notamment l’UNEF –, qui souhaitaient que l’organisation s’en tienne à ses objectifs premiers. Ces tensions latentes s’accentuent au moment du « coup de Prague » de 1948, alors que les dirigeants de l’UIE soutiennent l’intervention soviétique. Aux yeux des unions occidentales et de l’UNEF, cette décision est inacceptable et illustre parfaitement l’autoritarisme qui caractérise la direction de l’UIE depuis sa création. En signe de protestation, plusieurs unions nationales occidentales, dont l’UNEF, se retirent, conservant toutefois un statut d’observateurs leur permettant de participer aux congrès[24]. En 1950, près de 20 unions nationales dissidentes de l’UIE, dont l’UNEF, la United States National Student Association (USNSA) et les unions nationales britannique et scandinave, se donnent rendez-vous à Stockholm, en Suède, pour faire le point sur le litige qui les oppose à l’UIE et espèrent que les critiques qui seront émises pourront amener une plus grande ouverture de la part de la centrale. Les organisateurs de cette conférence venaient ainsi de créer la CIE, la Conférence internationale des étudiants, qui allait tenir régulièrement ce type de rencontre et, par la suite, devenir une deuxième centrale étudiante internationale, venant concurrencer l’UIE dans le recrutement d’unions nationales. Même si plusieurs unions présentes lors de la création de la CIE ont maintenu sous diverses formes leur adhésion à l’UIE[25], il demeure qu’à partir de 1950, le mouvement étudiant international est divisé idéologiquement entre l’UIE, défendant les positions prises par l’URSS, et la CIE, appuyant les politiques américaines[26]. La réalité internationale, marquée par la Guerre froide, rattrapait ainsi le mouvement étudiant international. Le rêve de solidarité étudiante internationale porté par l’UNEF en 1946 avait, quatre ans plus tard, du plomb dans l’aile.
L’UNEF et l’ouverture à l’international
Après Grenoble, l’UNEF s’ouvre à l’international en créant une commission extérieure à qui est confié un mandat à deux volets. Le premier a pour objectif d’encourager les discussions entre unions nationales européennes concernant les conditions de vie et d’étude de leurs membres. Le second est résolument plus politique et s’inscrit dans une volonté de mieux informer ses membres sur la situation étudiante internationale et de prendre position sur des problèmes politiques en fonction des grands principes qui animent l’UNEF depuis 1946, soit la lutte contre l’impérialisme et le colonialisme et le soutien à la paix et au désarmement.
Jusqu’à la fin des années 1950, les conditions d’étude et le volet universitaire de la commission extérieure dominent les discussions lors des congrès. Toutefois, le volet international politique prend de plus en plus de place au moment de la guerre d’Algérie qui, à partir de 1954, interpelle l’UNEF. Celle-ci, alors dirigée par les « majos » traditionalistes, refuse de prendre position, de crainte de créer des tensions supplémentaires internes, et considère que l’Algérie doit demeurer française[27]. Néanmoins, sous l’influence des « minos » qui deviennent majoritaires au bureau national en 1956[28], l’UNEF reconnaît en 1960 l’Union générale des étudiants musulmans d’Algérie (UGEMA) et appuie le principe de l’autodétermination. En 1962, l’UNEF organise une manifestation en soutien aux Algériens dans les rues de Paris, mais l’événement se termine de façon tragique par la mort de huit manifestants qui périssent étouffés après avoir été poussés par les forces policières dans les escaliers du métro Charonne. Cette tragédie et la fin de la guerre en Algérie contribuent à démobiliser les étudiants français sur des questions coloniales et internationales. Il demeure néanmoins que l’engagement de l’UNEF sur la question coloniale marque un tournant, amenant l’association à s’ouvrir davantage à la réalité internationale[29].
Lors des congrès annuels de l’UNEF de 1959 à Grenoble et de 1960 à Lyon, les questions internationales ne sont pas au centre des préoccupations[30]. Les délégués discutent surtout de problèmes universitaires : qualité des résidences et de la nourriture dans les cantines, participation aux instances universitaires, organisation de festivals culturels, coopération internationale, accueil des étudiants étrangers et leurs difficultés financières, relations avec des organisations internationales telles que l’UNESCO, l’Entraide universitaire mondiale (EUM), ainsi que de l’Office de tourisme universitaire (OTU). La réalité internationale n’est toutefois pas totalement évacuée. Lors du congrès de 1959, les délégués votent une motion demandant au bureau national de l’UNEF d’assumer avec plus de vigueur son rôle de leader à l’échelle internationale, notamment en regard des associations étudiantes qui ne peuvent compter sur une union nationale. Les délégués demeurent attachés à l’idée que l’UNEF doit agir en « grand frère », en porte-parole des sans-voix, des groupes d’étudiants peu organisés, et qu’elle se doit de les représenter auprès des instances internationales. Le contenu de cette motion fait écho à la mission dont l’UNEF s’est elle-même investie, soit d’agir comme chef de file du mouvement étudiant international. Déjà voit-on se profiler ce qui deviendra tout au cours des années 1960 une préoccupation constante de l’UNEF.
En 1962, la question de l’Algérie rattrape l’UNEF. L’Union, qui avait pris position en faveur de l’autodétermination, est réprimandée par le gouvernement français, qui l’oblige, sous la menace de se voir retirer le soutien financier gouvernemental, à signer une charte d’apolitisme. Dans cette tourmente, un groupe d’étudiants plus traditionnels se détachent de l’UNEF pour créer la Fédération nationale des étudiants de France (FNEF), plus près du gouvernement en ce qui concerne la question coloniale.
Le départ des traditionnels donne plus de latitude aux progressistes à l’UNEF et se traduit par un intérêt croissant de la part de la direction envers les affaires de politique internationale. Au congrès de Reims en 1962, bien que les questions étudiantes retiennent encore largement l’attention des délégués[31], des discussions portent sur l’unité du mouvement étudiant international. L’UNEF réaffirme qu’elle a un rôle à jouer, voire qu’elle est la seule à avoir les habiletés et le leadership nécessaires pour réconcilier les deux centrales. En contrepartie, la direction adresse des critiques sévères à l’endroit des deux centrales et à leurs méthodes de travail partisanes. L’UNEF avoue toutefois que les incompatibilités sont plus grandes avec l’UIE[32] et propose aux délégués d’entreprendre un examen du type de relations qu’elle maintient avec ces centrales, soit le statut d’observateur au sein de l’UIE depuis 1949 et de membre à part entière de la CIE depuis 1950. Après discussions, le bureau national propose paradoxalement de maintenir le statu quo, une proposition qui est entérinée par les membres. Cette décision n’est pas sans lien avec le voeu des délégués que l’UNEF maintienne de bonnes relations avec les deux organisations, non seulement pour tendre vers l’unité mondiale étudiante tant souhaitée, mais aussi parce que les congrès que les centrales organisent périodiquement offrent une occasion unique à toutes les unions nationales membres ou observateurs de se rencontrer et d’échanger[33]. Notons que lors de ce congrès de 1962, les délégués votent une motion en appui à la USNSA et au SNCC (Student Non-Violent Coordinating Committee) dans leur lutte pour mettre fin à la ségrégation raciale aux États-Unis[34].
Au congrès de 1963 à Dijon, l’UNEF recentre ses revendications vers de meilleures conditions de travail universitaire et adopte la « ligne syndicale », plus radicale, le fameux « tournant de Dijon[35] », sans toutefois négliger la situation étudiante internationale. On constate une volonté plus ferme de la part de l’UNEF de se positionner à l’échelle internationale, de préciser ses objectifs et de voir à ce que ses relations avec les centrales internationales soient conformes à ses positions concernant l’unité étudiante. Le rapport de la commission, maintenant rebaptisée « internationale », fait état de nombreux problèmes politiques qui secouent le monde et propose des dizaines de motions, soit pour soutenir des mouvements de libération nationale, dénoncer les dictatures ou soutenir le mouvement des droits civils aux États-Unis[36].
Ce n’est véritablement qu’avec le 53e congrès de l’organisation en 1964 à Toulouse que l’UNEF démontre un intérêt soutenu pour les questions internationales[37]. L’unité du monde étudiant et le positionnement des centrales internationales sont à nouveau au coeur des discussions. Le bureau national, à la suite des demandes faites par les membres lors des derniers congrès, présente les conclusions d’une réflexion quant à l’affiliation de l’UNEF aux centrales internationales. La scène internationale, indique-t-il, est en pleine transformation politique et les centrales internationales sont appelées à prendre position. À la lumière de ces orientations, l’UNEF croit utile de réévaluer, cette fois plus sérieusement qu’en 1962, la nature de ses affiliations. Le bureau national souligne que
compte tenu des différences qui sont apparues entre l’UNEF et la CIE quant à la volonté de concourir à l’unité étudiante internationale – la CIE semble maintenant, selon l’UNEF, se refermer sur elle-même et accepter que le monde étudiant soit et reste divisé – que ces différences sont moins apparentes entre l’UNEF et l’UIE, dont l’attitude a changé depuis le dernier congrès de l’UIE à Sofia en 1964 où elle a fait preuve d’ouverture en accueillant de nombreuses associations générales africaines, asiatiques et latino-américaines, le bureau national demande aux délégués qu’il le mandate pour que l’UNEF demande à l’UIE de modifier son statut afin de devenir membre en bonne et due forme[38].
Les délégués entérinent cette motion. La direction de l’UNEF croit toujours qu’elle a un rôle central à jouer dans le processus visant l’unité du monde étudiant. Elle fait d’ailleurs de cette question sa priorité. Une entrevue accordée par Pierre Guiponi, le délégué international de l’UNEF, à Daniel Latouche et publiée dans Le Quartier latin en décembre 1964 le confirme. Guiponi soutenait que « [l]e premier souci de l’UNEF dans l’élaboration de sa politique internationale c’est celui de la réunification du mouvement étudiant à l’échelle du globe[39] ».
L’UNEF affirme durant ce congrès, de manière plus insistante cette fois-ci, son désir de promouvoir un vrai syndicalisme étudiant, critique et militant, et sa volonté de s’impliquer plus avant dans les mouvements pour la paix et le désarmement, et de dénoncer plus vigoureusement le racisme aux États-Unis et le colonialisme et l’impérialisme partout où ils se manifestent. Les délégués renouvellent d’ailleurs à la USNA et au SNCC leur soutien dans leur lutte pour la déségrégation aux États-Unis. Ils sont également appelés à voter une série de motions dont les objectifs s’inscrivent plus étroitement dans le cadre du syndicalisme politique engagé. Ces motions sont variées et hétéroclites, allant de la dénonciation de l’apartheid en Afrique du Sud et de l’autoritarisme du Portugal dans ses colonies africaines, à la dénonciation du « plan McNamara » au Vietnam et à la condamnation de l’agression américaine[40].
À Bordeaux en 1965, au-delà des sérieuses divisions politiques qui commencent à poindre au sein de l’UNEF[41], les questions internationales sont cette fois au coeur des discussions. Les délégués sont irrités devant la timidité avec laquelle la CIE condamne le colonialisme et l’impérialisme. En revanche, ils ont le sentiment que l’UIE démontre une plus grande ouverture d’esprit, notamment en acceptant l’adhésion d’unions du tiers monde[42]. Dans ce contexte, ils mandatent le bureau national pour qu’il prenne des mesures afin de modifier son statut de membre au sein de la CIE pour celui de simple observateur. Il s’agit d’un renversement de situation, puisqu’en l’espace de deux ans, l’UNEF s’est rapprochée de l’UIE pour se détacher de la CIE[43]. Enfin, l’UNEF réaffirme son appui au Vietnam et déclare la semaine du 18 au 25 novembre 1965 la semaine universitaire contre la guerre du Vietnam[44].
La radicalisation du discours étudiant qui se manifeste à l’UNEF depuis 1963 se précise aux assises tenues à Grenoble en 1966. Non seulement l’UNEF emprunte maintenant la rhétorique marxiste pour critiquer la société et condamner l’université, mais les délégués ont également recours à ce type d’analyse pour aborder les questions internationales. Les délégués se réjouissent des effets positifs de l’établissement d’une ligne directrice plus claire et revendicatrice sur le plan international. De nombreuses motions sont votées à propos des colonies portugaises, de l’Iran, de l’Afrique du Sud, de l’Algérie, du Maroc et de l’Amérique latine. On est témoin également d’une intensification de la dénonciation de la part de l’UNEF de la guerre du Vietnam[45]. Les délégués tiennent à exprimer leur complète solidarité avec le peuple vietnamien et exigent la cessation immédiate de l’agression américaine et le retrait des troupes américaines[46].
Au cours de ce congrès de 1966, la commission internationale fait également état des conclusions du congrès de la CIE tenu à Nairobi au mois d’août 1966. Son porte-parole annonce que l’Union générale des étudiants du Québec et l’UNEF ont obtenu le statut d’observateurs[47]. L’Amérique du Nord, souligne-t-il, est maintenant beaucoup mieux représentée au sein de la CIE avec trois unions, soit l’UGEQ, la Canadian Union Student et la USNSA. Il indique également que, sur la question du Vietnam, l’UNEF, de concert avec l’UGEQ et quelques autres unions nationales, a réussi à faire accepter par ses membres que la CIE fasse parvenir un télégramme au président américain Lyndon B. Johnson, lui « demandant d’arrêter immédiatement les bombardements scandaleux contre le [sic] RDVN et de retirer sans condition toutes les troupes et matériel du Vietnam[48] ».
Au début de 1967, le monde étudiant est en émoi. Le résultat d’une enquête menée par des journalistes de la revue de gauche américaine Ramparts révèle que la USNSA, membre de la CIE, aurait accepté un soutien financier annuel de l’ordre de 200 000 $ d’un organisme apparemment indépendant, mais qui, en fait, recevait une partie de ses fonds de la Central Intelligence Agency (CIA) américaine. En échange, l’union américaine informait l’agence sur la nature des discussions menées lors des congrès de l’UIE et tentait d’enrayer l’influence communiste[49]. Cette nouvelle ébranle le mouvement étudiant. Dès février 1967, l’UNEF fait parvenir une lettre au secrétaire général de la CIE, Ram L. Lakhina, lui « demandant de tenir le plus rapidement possible une réunion afin de faire la lumière sur cette affaire, à défaut de quoi l’UNEF se verra dans l’obligation de rompre ses relations avec la CIE[50] ».
Au congrès national de l’UNEF tenu en 1967 à Lyon, les conséquences de la réforme Fouchet du système d’éducation, mise en place depuis 1964, et les problèmes financiers sérieux auxquels est confrontée l’UNEF sont discutés. L’UNEF est aussi aux prises avec des divisions politiques de plus en plus profondes qui l’affaiblissent davantage et font naître des groupuscules radicaux[51]. Mais l’affaire CIE-CIA retient l’attention. Le bureau national informe les délégués d’une lettre qu’il a fait parvenir au président de la USNSA indiquant qu’à la lumière du scandale révélé, il se trouvait dans l’obligation de rompre les relations avec l’union étudiante américaine[52].
Faisant suite à la volonté exprimée au congrès de Grenoble de 1966, le Bureau national présente un rapport imposant sur la situation au Vietnam[53]. À la suite de discussions, les membres s’entendent pour faire des 19, 20 et 21 février 1968 les « Journées Vietnam » en France[54]. Quelques mois auparavant, l’UIE avait lancé un mot d’ordre invitant toutes les unions nationales membres à faire de la semaine du 10 novembre 1967 la semaine de solidarité avec le Vietnam. L’UNEF, elle, avait indiqué qu’elle n’était « pas prête » et avait alors refusé d’y participer[55].
Le vice-président de la commission internationale présente également son rapport à la suite du 9e congrès de l’UIE, tenu en mars et en avril 1967 à Oulan-Bator en Mongolie[56]. Il annonce l’admission de l’UGEQ à l’UIE comme observateur, une nouvelle qui semble le réjouir, considérant le syndicat québécois comme un allié idéologique au sein de l’UIE : « C’est la première union d’Amérique du Nord à adhérer à l’UIE. C’est une union syndicaliste qui regroupe 40 000 membres et est très proche de l’UNEF[57] ». Le rapport souligne également que
le représentant de l’UGEQ[58] a fait très bonne impression lors du discours qu’il a prononcé, et particulièrement lorsqu’il a plaidé en faveur de l’indépendance québécoise, et ce, à la stupéfaction des délégués latino-américains qui ne croyaient pas avoir de tels alliés au coeur de l’Amérique du Nord[59].
Il informe également les délégués que « le Québec de même que l’Irlande, la Belgique flamande et francophone, la Grèce, l’Espagne et la France font partie de ce qui est convenu d’appeler le “courant syndicaliste” de l’UIE et que ces unions travaillent de concert afin de faire avancer l’approche syndicaliste au sein de l’organisation[60] ».
En septembre 1967, en marge des révélations du magazine Ramparts, le président de la commission internationale de l’UNEF avise la CIE que le bureau national considère que la centrale a été trop complaisante à l’égard des justifications données par la direction de la USNSA quant à la provenance des fonds et, qu’en conséquence, l’UNEF suspend toutes ses relations avec la centrale jusqu’au prochain congrès de la CIE, où elle espère obtenir des explications sur la position de la CIE à l’égard de ce scandale[61].
Cependant, le scandale CIE-CIA devient secondaire quand éclatent en mars 1968 à Nanterre les premières manifestations étudiantes, qui culminent avec le déclenchement de grèves et l’érection de barricades en mai et en juin à Paris. Depuis le congrès de 1965, on l’a vu, l’UNEF a du plomb dans l’aile. Pour la frange plus militante des délégués, l’UNEF est perçue comme une organisation lourde qui limite l’action étudiante. Ainsi s’animent des groupuscules d’obédiences diverses – situationnistes, anarchistes, syndicalistes, trotskistes et socialistes – qui remettent en question l’Union et son organisation. Pour eux, le temps des discours est terminé, il faut passer à l’action. Ce militantisme bouscule l’UNEF qui perd ses éléments les plus militants. Le président Michel Perraud, pour un, démissionne en mars 1968, propulsant le vice-président Jacques Sauvageot à la tête d’une organisation moribonde, sans vraie direction. Il réussit à engager tant bien que mal l’UNEF dans le mouvement de grèves et de manifestations qui marque le pays en 1968[62], mais l’UNEF n’est plus que l’ombre d’elle-même[63].
Après mai-juin, des assises sont tenues par les membres de l’UNEF en juillet 1968 à Grenoble. Le rapport de ces assises, assez laconique, indique que l’UNEF considère les événements de mai 1968 comme « des gains importants et irréversibles pour le mouvement étudiant français[64] ». On propose une nouvelle charte. Puis, au congrès annuel tenu à Marseille en décembre 1968[65], les délégués cherchent en vain à recréer un climat favorable à la mobilisation étudiante. L’UNEF vit une période difficile et ne renouera avec la stabilité qu’au début des années 1970.
La naissance de l’Union générale des étudiants du Québec
Entre-temps, de l’autre côté de l’Atlantique, dans la foulée de la Révolution tranquille, le mouvement étudiant québécois subit une profonde mutation[66]. Le mouvement étudiant abandonne le corporatisme qui l’avait caractérisé et oriente son action vers un syndicalisme étudiant, critique, revendicateur et nationaliste. Déjà en 1961, l’Association générale des étudiants de l’Université de Montréal (AGEUM) avait adopté la Charte de Grenoble, marquant ainsi sa volonté de s’orienter dans cette direction. Dans un contexte marqué par la résurgence d’un fort sentiment nationaliste, les dirigeants des associations étudiantes québécoises, à l’instigation des membres militants de la Presse étudiante nationale[67], entreprennent des démarches pour se désaffilier de la centrale canadienne, la Canadian Union Student, et créer une organisation étudiante francophone, nationaliste et ouverte à la réalité internationale[68].
Un comité[69] est mis sur pied et convoque les dirigeants des diverses associations étudiantes à un congrès qui se tiendra à Montréal du 12 au 15 novembre 1964 et au cours duquel sera officiellement fondée l’Union générale des étudiants du Québec, la première organisation étudiante nationale au Québec. Cette naissance est bien accueillie ; l’UNEF fait partie des unions nationales qui font parvenir à l’UGEQ un télégramme de félicitations et de bons voeux de succès[70].
La charte que se donnent les délégués définit d’abord l’UGEQ comme le syndicat étudiant québécois ; il se veut laïque, démocratique et rejette toute affiliation politique. S’inspirant de l’UNEF, l’UGEQ adopte la Charte de Grenoble. Daniel Latouche, un étudiant qui joue un rôle majeur dans l’internationalisation de l’Union, explique dans un article publié dans Le Quartier latin[71] en décembre 1964 le contexte de son adoption et son importance pour le monde étudiant :
Au mois d’avril 1946, le Congrès de Grenoble réunit des étudiants ayant combattu dans leur résistance ou ayant vécu la triste expérience des camps de concentration. L’atmosphère de la libération et l’expérience acquise durant la guerre aidèrent à développer une nouvelle mentalité chez le monde étudiant qui lui ouvrit les yeux aux problèmes de la nation. Et c’est l’apparition de la fameuse Charte de Grenoble qui allait constituer le point tournant du mouvement étudiant français et qui allait servir de modèle au syndicalisme étudiant de plusieurs autres nations (dont celui du Québec avec l’UGEQ).
L’UGEQ adopte le syndicalisme étudiant comme principe directeur et se donne comme objectif de stimuler chez l’étudiant une prise de conscience de ses responsabilités sociales et politiques. Enfin, elle fait de la participation étudiante aux affaires académiques, de la démocratisation de l’éducation par la gratuité scolaire et de la création de nouvelles institutions publiques ses principales revendications[72].
L’ouverture à l’international
Cette charte accorde une importance considérable à la question internationale. L’UGEQ préconise une pensée et une action qui, partant d’un nationalisme sain et positif, se tournent vers les problèmes internationaux dans l’espoir de contribuer à l’établissement d’un ordre nouveau de collaboration sans distinction de race, de langue ou de croyance[73]. L’Union favorise l’établissement de la paix dans le monde et souhaite y parvenir par l’abolition de toute forme d’impérialisme, de colonialisme et de discrimination. Elle se définit donc à la fois comme une organisation syndicale au service des étudiants et de la nation québécoise et comme une association pacifiste, humaniste, anti-impérialiste et tiers-mondiste. La question de l’adhésion aux deux grandes centrales est discutée lors du congrès. Les délégués jugent que l’UIE et la CIE sont trop partisanes pour que l’UGEQ y adhère comme membre et préfèrent accorder à l’exécutif le mandat d’entreprendre des démarches afin d’obtenir un statut d’observateur[74]. Les délégués acceptent également de créer un bureau des affaires internationales, dont ils confient la direction à Daniel Latouche qui deviendra, au congrès suivant, le premier vice-président aux affaires internationales[75]. Il reçoit le mandat de rédiger un livre blanc sur l’internationalisation de l’UGEQ[76], comprenant une analyse de la situation internationale et les principes de base permettant de mieux définir la personnalité et le rôle que l’UGEQ jouera sur la scène internationale[77].
Ce livre blanc est le fruit d’une longue réflexion basée sur une connaissance de la réalité internationale et du monde étudiant. On en retrouve d’ailleurs les grands axes dans deux articles que Latouche publie dans Le Quartier latin[78] un an avant la tenue du congrès de fondation, en novembre 1964. Entériné au congrès de 1965, ce document souligne que les intérêts des étudiants sont mal servis par une internationale étudiante divisée sur des bases idéologiques. Il rappelle que l’unité du mouvement étudiant est essentielle pour parvenir à changer la réalité internationale et assurer la paix et le développement. Mais le document va plus loin. Il affirme qu’au sein des pays dont les unions étudiantes font partie des centrales internationales, le Québec jouit d’une position toute particulière qui lui permet de prétendre jouer un rôle de premier plan dans le processus menant à l’unité étudiante. Le document souligne que le Québec, en raison de son évolution historique et économique, peut à la fois être classé parmi les pays développés et parmi les pays exploités. Cette situation paradoxale lui permet de comprendre aussi bien la situation des pays capitalistes que celle des pays exploités du tiers monde et, de ce fait, d’être en position de faire le pont entre les diverses unions afin de tendre vers l’unité étudiante internationale. Le Québec, poursuit le document, se situe au carrefour des pôles sociopolitiques et idéologiques internationaux et l’UGEQ, sa composante étudiante, doit profiter de cette situation unique pour relever l’important défi qu’elle se lance elle-même, soit « de tenter par tous les moyens d’unifier le monde étudiant[79] ». C’est là, soutient le document, la vocation internationale de l’UGEQ[80].
Dans sa conclusion, Latouche soutient que, dans la perspective où l’unité mondiale devient impossible, « il n’en est pas de même pour une collaboration sur une échelle beaucoup plus restreinte entre des (UNEs) (unions nationales étudiantes) particulières. On pourrait alors envisager une collaboration entre les différentes UNEs francophones[81] ». Cette position apparaît paradoxale, puisqu’elle implique une nouvelle division du monde étudiant, cette fois-ci sur une base linguistique[82].
La vision de la réalité internationale et l’orientation politique du livre blanc de Latouche rappellent celles définies par l’UNEF depuis Grenoble. Non seulement l’UGEQ adopte la ligne syndicale, mais elle est fort critique envers les deux organisations internationales et se pose en organisation en mesure de contribuer à l’atteinte de l’objectif ultime, soit l’unification du mouvement étudiant international[83].
Dès la fin du congrès de 1965 tenu à Québec, l’UGEQ entame des démarches afin d’adhérer aux centrales internationales[84]. Au début de 1966, elle est admise comme observateur à l’UIE et à la CIE[85]. L’UGEQ en tire une immense fierté. Daniel Latouche affirme dans une entrevue accordée à Louis Fournier du Quartier latin que « cette reconnaissance internationale est tout simplement fantastique » et que « les étudiants québécois sont maintenant insérés dans le grand courant des communications étudiantes internationales[86] ». Un des objectifs de l’UGEQ était donc atteint. L’UGEQ s’insérait non seulement dans la réalité internationale, mais, compte tenu de la jeunesse de l’Union, se donnait rapidement une crédibilité nationale par une reconnaissance internationale.
Les relations avec l’UNEF
Si un des objectifs immédiats de l’UGEQ est d’obtenir une reconnaissance internationale, l’Union compte sur son adhésion aux centrales pour établir des relations bilatérales avec d’autres unions nationales et, pour des raisons linguistiques et historiques, particulièrement avec l’UNEF[87].
Les premiers contacts entre le mouvement étudiant français et l’UGEQ sont marqués par un fort paternalisme de la part de l’UNEF. Dans un article publié dans Le Quartier latin en décembre 1964, Daniel Latouche livre ses impressions sur la renommée de l’UNEF et sur les rapports qu’elle entretient avec les autres unions nationales et l’UGEQ[88] :
les syndicalistes étudiants du monde entier ne jurent ordinairement que par l’UNEF […] À force de se faire dire qu’ils sont les pères du syndicalisme étudiant à travers le monde, les dirigeants de l’UNEF ont fini par le croire à tel point que maintenant ils ne peuvent vous dire deux mots sans vous faire sentir qu’après tout vous n’êtes que « leur fils spirituel » et que vous devez respect et obéissance. Vous leur dites que vous êtes étudiant canadien-français et tout de suite on vous classifie comme faisant partie de « ceux qui sont venus après », les syndicalistes de seconde zone. […] L’UNEF doit cesser de jouer les De Gaulle… !
Afin de se signaler à l’échelle nationale et, éventuellement, internationale, l’UGEQ fait des gestes concrets pour éveiller et mobiliser les étudiants sur des questions d’ordre international et attirer l’attention internationale sur son militantisme. Au début de 1965, dans le contexte des émeutes raciales qui secouent la société américaine, l’exécutif de l’UGEQ décide d’organiser le 23 mars une manifestation à Montréal en soutien aux « Noirs » américains. La manifestation, qui prend la forme d’un sit-in pacifique devant le consulat américain et qui rassemble entre 2 000 et 4 000 étudiants[89], s’avère un grand succès. Comme Richard Guay de l’UGEQ le souligne au journaliste de La Presse Gilles Gariépy, « c’est la première fois que les étudiants membres de syndicats étudiants québécois intervenaient en faveur d’une cause d’ordre international[90] ». Cette vaste mobilisation étudiante et la forte solidarité pour la justice raciale qui se manifeste alors chez les étudiants consacrent, selon plusieurs observateurs, la réelle naissance de l’UGEQ[91].
L’année suivante, en février 1966, l’UGEQ organise avec divers autres mouvements une manifestation monstre devant le consulat américain à Montréal contre la guerre du Vietnam. Interviewé par un journaliste, Latouche, vice-président à l’international, souligne que « cette manifestation revêt au moins autant d’importance que celle qui avait eu lieu en 1965 devant ce même consulat en signe d’appui aux Noirs américains dans leur lutte pour leur libération[92] ».
En 1967, l’UGEQ, ayant été admise à l’UIE, participe pour la première fois au 9e congrès de la centrale internationale, tenu en mars à Oulan-Bator en Mongolie[93]. L’UGEQ y délègue deux représentants, Paul Bourbeau et André Saicans, qui séjournent d’abord à Paris où des rencontres avec des membres de l’UNEF sont planifiées[94]. Si on ignore la teneur précise des discussions, on sait par contre que ce congrès a permis à l’UGEQ de faire connaître ses positions et qu’elle a cherché à séduire l’UNEF, qui a vu en l’union québécoise une alliée au sein de l’UIE[95].
Les révélations concernant les relations entre la CIA-USNSA-CIE au début de 1967 secouent l’UGEQ qui ne tardera pas à réagir en adoptant dès son congrès de février 1968 une résolution indiquant qu’elle se retire de la CIE[96], mettant un terme à une collaboration qui durait depuis deux ans seulement.
L’UGEQ, à titre de nouveau membre observateur, se plie de bon gré, contrairement à l’UNEF, à la décision prise par le bureau chef de l’UIE de faire de la semaine du 10 novembre 1967 la semaine internationale des étudiants vietnamiens, sous le thème « Solidarité avec le Vietnam »[97]. En tout, 23 manifestations ont lieu dans 12 villes du Québec[98]. À l’Université de Montréal et à la Sir George Williams University, à Montréal, de même qu’à l’Université Laval à Québec, les teach-in attirent entre 400 et 1 000 personnes qui se réunissent pour écouter des professeurs d’université critiquer l’implication américaine au Vietnam[99]. À Québec, des étudiants entreprennent une grève de la faim de 24 heures alors qu’une trentaine d’autres marchent pacifiquement devant le consulat américain[100].
À Montréal, l’UGEQ organise une manifestation devant le consulat américain[101]. Entre 1 500 et 2 000 étudiants répondent à l’appel. Les étudiants déambulent en scandant « Johnson assassin », « On veut la paix » et « Le Vietnam aux Vietnamiens[102] ». Cette manifestation, qui se termine devant le consulat américain par une altercation entre manifestants et policiers[103], constitue un moment fort dans l’histoire de l’UGEQ. Jusque-là, aucune manifestation organisée par l’UGEQ sur une question relevant de la réalité internationale n’avait mobilisé un nombre aussi considérable de participants dans de si nombreuses régions du Québec.
L’UGEQ et Mai 68
Le Mai français suscite des réactions au Québec et chez l’exécutif de l’UGEQ. Dès le 11 mai, l’UGEQ fait parvenir à l’UNEF un télégramme d’appui dans lequel l’union québécoise souligne que « la lutte des étudiants français concernant la réforme de l’enseignement supérieur ressemble à celle que mène l’UGEQ[104] ». Si la direction de l’UGEQ comprend bien les vrais enjeux des révoltes françaises, elle se garde bien de les évoquer, préférant mettre en évidence les similitudes dans les revendications de nature académique. En guise de soutien aux étudiants français, l’UGEQ organise le 7 juin une manifestation de solidarité devant le consulat français à Montréal. Cette manifestation est boudée et rallie à peine 150 étudiants. La révolte française n’interpelle pas particulièrement les étudiants québécois[105] ou, à tout le moins, ne les mobilise pas au même niveau que d’autres événements marquants sur la scène internationale.
Durant l’été 1968, l’UGEQ prépare l’organisation d’une « semaine syndicale » qui aurait lieu au mois d’août, réunissant tous les dirigeants étudiants pour faire le point sur la situation étudiante[106]. Pour l’occasion, elle annonce la venue de Jacques Sauvageot, un des dirigeants de Mai 68 en France et vice-président de l’UNEF. Claude Charron, alors vice-président aux affaires internationales, s’était rendu à Paris durant l’été pour rencontrer des membres de l’UNEF et avait lancé des invitations. Une rumeur circulait également, laissant entendre que Daniel Cohn Bendit, l’une des figures de proue de Mai 68 en France, serait également présent. Mais l’UNEF, on l’a vu, traverse une période difficile depuis 1965 et Mai 68 révèle davantage ses divisions internes. Elle a d’autres priorités que de venir stimuler des étudiants étrangers et Sauvageot décide de ne pas venir au Québec. C’est plutôt Pierre Dubé, un étudiant représentant des Jeunesses communistes révolutionnaires, mouvement particulièrement actif lors des grèves de Mai en France, mais peu connu du milieu étudiant québécois, qui prend la parole le 25 août 1968 devant les étudiants[107].
Charron revient à la charge. Il fait parvenir une lettre personnelle à Jacques Sauvageot le 22 août pour l’inviter à nouveau à venir s’adresser aux étudiants québécois, cette fois-ci, au mois de septembre. En voici des extraits[108] :
J’ai moi-même suggéré que l’UGEQ invite le vice-président de l’UNEF car l’apport de ta visite peut-être [sic] énorme. Bien sur [sic], il faut compter sur le fait que la présence d’une « célébrité » aura pour résultat (immédiat et lointain) de rajouter de l’huile sur le feu. Mais il y a l’apport énorme d’une « clarification » de l’idéologie à la base du mouvement étudiant international. Nous sommes convaincus d’entrer dans ce mouvement de la même façon que tous nos camarades du monde entier, mais il reste que le rapprochement fait par un leader étranger aura ici un effet de consécration, de détonateur. […] Il me faut te rappeler ici l’énorme influence qu’a [sic] sur notre mouvement les luttes que vous avez menées chez vous, un océan plus loin. N’oubliez jamais d’inscrire ce fait dans le bilan positif des événements de mai. […] Ta visite est un élément très important dans notre stratégie.
Cette lettre traduit bien l’importance stratégique que l’UGEQ accorde à la visite de Sauvageot au Québec. Elle espère pouvoir hausser sa crédibilité nationale et internationale en comptant sur l’appui de celui dont le nom est étroitement associé à Mai 68. Charron souligne l’influence de ces événements sur le Québec et compte sur l’UNEF pour faire avancer l’agenda politique de l’Union. À la fin du mois d’août 1968, l’UGEQ fait parvenir un télégramme à Jacques Sauvageot lui demandant de l’information concernant les événements de Mai, ce qui est révélateur du niveau de connaissance des leaders québécois sur Mai 68. Elle dit aussi attendre la réponse de Sauvageot à l’invitation qui lui a été faite afin de venir s’adresser aux étudiants québécois le 15 septembre 1968[109]. L’UGEQ n’en démord pas : elle veut Sauvageot. En guise de réponse, Sauvageot indique qu’il fera parvenir la documentation désirée. Il précise toutefois que, compte tenu des événements de la rentrée universitaire en France, le voyage au Québec sera difficilement possible pour septembre et propose de reporter cette visite[110]. C’est la déception à l’UGEQ. Le soutien français tant attendu ne viendra pas.
L’année universitaire de 1968 au Québec s’amorce avec le déclenchement en octobre d’un large mouvement de grèves qui touchent 15 des 23 cégeps récemment créés et quelques départements universitaires. Les grévistes sont l’objet de répression de la part des administrations collégiales et réintègrent leurs institutions au début de décembre. Dépassée par les événements, l’UGEQ est par la suite aux prises avec de profondes divisions politiques et des défections[111]. En janvier 1969, le Mouvement syndical politique, animé par des militants radicaux de l’UGEQ, est créé. Les associations étudiantes de l’Université de Montréal et de l’Université Laval se sabordent en mars 1969, geste imité par l’exécutif de l’UGEQ quelques jours plus tard lors du congrès tenu du 12 au 16 mars à l’Université Laval. L’Union générale des étudiants du Québec est officiellement dissoute en juin. Si bien qu’au début de 1969, l’UGEQ, comme l’UNEF, est moribonde ; toutes deux sont marquées par des tensions internes profondes qui mènent au sabordage de l’UGEQ et à la dislocation de l’UNEF.
En février 1969, en pleine tourmente ugéquienne, Michel Pichette, un Québécois qui étudie à Paris et milite au sein de l’Association générale des étudiants du Québec en France (AGEQEF)[112], fait parvenir une lettre à Louis Falardeau, alors secrétaire général de l’UGEQ[113]. Pichette entretient des relations étroites avec les leaders étudiants québécois et ceux du mouvement étudiant français. Il est donc bien informé des enjeux immédiats du syndicalisme étudiant international. L’analyse qu’il livre éclaire de manière toute particulière la situation de l’UGEQ, son avenir et la façon dont l’UNEF perçoit l’UGEQ.
Dans l’ensemble, Pichette confirme l’analyse de Latouche, à savoir que l’UNEF affecte une attitude complaisante à l’endroit des étudiants québécois et estime qu’il est peu probable que l’UGEQ, malgré toute sa bonne volonté, puisse tisser des liens étroits avec l’UNEF. Pour Pichette, il faut faire une croix sur la France : « L’avenir du mouvement québécois n’est plus en Europe mais bien en Amérique[114] ». Pichette souligne que les représentants de la gauche, de France comme d’ailleurs, lui font souvent remarquer qu’ils seront prêts à collaborer avec l’UGEQ le jour où celle-ci, chez elle, en Amérique, parviendra à vivre la solidarité et la révolution. « Bref, ce qu’on nous dit c’est d’agir chez nous et qu’à ce titre, seulement, on peut espérer de la part de ces mouvements une sympathie conduisant à la solidarité ».
Dans le contexte de désorganisation qui marque l’UGEQ au début de 1969, Pichette soutient qu’il est primordial de maintenir l’union en vie, mais de la transformer en « mouvement social » ancré dans la base. En cela, Pichette rejoint l’approche du Mouvement syndical politique qui s’est détaché de l’UGEQ au début de 1969. « La politique internationale doit plus que jamais être présente dans son action (pas besoin d’insister sur notre esprit de clocher, et sur la nécessité d’adjoindre la dimension internationale au nationalisme ». Pichette souligne que l’UGEQ doit axer
sa politique et ses actions internationales sur la réalité nord-américaine et sud-américaine. C’est dans cet axe, dit-il, que nous avons nos racines, beaucoup plus qu’en Europe et c’est dans cet axe que nous devons entreprendre la critique révolutionnaire et l’action. Enfin, c’est au bout du compte là que se situe notre monde[115].
Pichette conclue en indiquant « qu’il est temps qu’on se mouille les fesses. […] Nous sommes du bon bord !, mais “nos amis” ne savent pas trop qui nous sommes. Nous avons développé une charmante politique internationale à la prix-nobel-de-la-paix-et-à-la-canadienne[116] ». L’UGEQ est dissoute quelques mois plus tard.
Conclusion
Au début de 1969, soit quelques mois seulement après la fin du mouvement de grèves étudiantes de l’automne, Pierre Bédard et Claude Charron, toujours membres de l’exécutif de l’UGEQ, indiquent dans un document[117] :
À des gens qui ne sont pas familiers des mouvements de contestations [sic], ceci peut apparaître comme une application québécoise d’un mouvement international. Pour nous, cette affirmation n’est que partiellement vraie : le mouvement de contestation universitaire au Québec se réfère à des motifs et à une situation sociale et historique qui n’ont aucun équivalent dans le monde.
Ces deux leaders voyaient juste. Le mouvement étudiant québécois des années 1960 s’est d’abord ancré dans sa propre réalité sociopolitique et culturelle. Ses prises de position, qu’elles relèvent des conditions d’étude ou de la réalité internationale, s’inscrivent dans la réalité proprement québécoise. L’UGEQ, syndicaliste, nationaliste et indépendantiste, choisit ses combats, particulièrement sur le plan international, ses principales manifestations ayant pour objectif de dénoncer le colonialisme, la ségrégation et l’impérialisme ailleurs dans le but de mieux conscientiser les étudiants québécois sur leurs propres conditions[118].
Cette déclaration des leaders étudiants passe toutefois sous silence l’immense influence qu’a exercée le mouvement étudiant français. En fait, l’UGEQ n’a pas agi différemment de la majorité des unions étudiantes occidentales. L’UNEF, en adoptant la Charte de Grenoble, devient le leader du mouvement étudiant progressiste et le modèle à imiter. Elle promeut l’unité étudiante internationale et assume son leadership d’une belle façon en contribuant directement à la création de l’UIE en 1946. L’UNEF est par contre une de celles qui soutient la création de la CIE en 1950, contribuant, paradoxalement, à s’écarter de son objectif premier, soit celui d’unifier le mouvement étudiant et d’en être le principal artisan.
Dans ce contexte, la dynamique UIE-CIE et la nature des relations que devrait tisser l’UNEF avec ces centrales accaparent une bonne partie des débats concernant l’international. L’UNEF doit aussi faire face à l’interne à des tensions – le lot de bien des organisations étudiantes de l’époque – entre les « anciens » et les « modernes », entre les corporatistes et les réformistes progressistes. Ces divisions créent une instabilité dans la direction, ce qui constitue une autre caractéristique du mouvement étudiant de l’époque.
Bien qu’elle s’engage à l’échelle internationale, l’UNEF demeure profondément européocentriste, si ce n’est « unefocentriste ». Si elle participe régulièrement à des colloques européens sur les affaires étudiantes, elle entretient peu de relations bilatérales directes avec les unions nord-américaines. Certes, les dirigeants de ces organisations sont amenés à l’occasion à rencontrer des représentants étudiants nord-américains, mais il n’y a aucune indication de relations directes ou épistolaires soutenues entre l’UNEF et les unions nationales hors Europe. C’est essentiellement par les congrès des grandes centrales internationales que l’UNEF entre en contact avec les unions nationales nord-américaines. Lors de ces congrès, l’UNEF est convaincue que, par sa notoriété et son leadership mondial, elle peut influencer l’orientation des grandes centrales en jouant sur la qualité de son adhésion, ici s’éloignant de l’une, là se rapprochant de l’autre, cherchant par ce jeu à user de son pouvoir pour influencer leurs décisions et parvenir à ses fins. Mais l’UNEF conserve jalousement toute son autonomie et refuse de se faire dicter ses actions par les centrales auxquelles elle a adhéré.
Pour l’UGEQ, nouvelle venue dans le monde étudiant, l’UNEF constitue la référence. Dès sa création, l’union québécoise s’insère dans le courant syndicaliste et cherche à se faire reconnaître à l’échelle internationale. Elle adopte la Charte de Grenoble et adhère rapidement aux centrales internationales. Cette reconnaissance lui apparaît essentielle, non seulement pour se donner la crédibilité dont toute jeune organisation a besoin, mais également pour pouvoir participer aux forums organisés par les centrales internationales afin de créer des contacts avec les autres unions nationales et de faire connaître la réalité singulière du Québec à l’intérieur de l’ensemble canadien.
Dans ce contexte, il apparaît normal que, pour des raisons stratégiques d’abord mais aussi en raison d’affinités lointaines que l’on cherche à raviver, l’UGEQ tente de tisser des liens avec le leader étudiant sur la scène internationale. Mais elle fait plus. Latouche, le grand architecte de la politique internationale de l’UGEQ, s’inspire largement pour la rédaction du livre blanc des orientations et des prises de position que s’est données l’UNEF depuis 1946. Il reprend pour le compte de l’union québécoise les grands thèmes unéfiens, soit la volonté d’atteindre l’unité internationale étudiante, une critique constante par rapport aux deux centrales internationales, et la mise de l’avant du rôle que l’union croit pouvoir jouer dans le processus d’unification étudiante.
Certes, dès la création de l’UGEQ, l’UNEF montre un certain intérêt pour l’union québécoise. L’UNEF joue alors son rôle de leader qui se réjouit de l’arrivée d’un nouveau membre. Mais le processus d’apprivoisement est semé d’embûches. Dès le départ, les relations sont teintées d’un paternalisme complaisant qui irrite sérieusement les leaders de l’UGEQ. L’UNEF voit dans l’UGEQ une organisation syndicaliste certes, progressiste, assurément, et nourrie de bonnes intentions, mais, aux yeux de l’UNEF, l’UGEQ représente une union néophyte qui n’est pas encore parvenue à faire les gestes concrets que les Français attendent pour donner leur imprimatur.
L’UGEQ réussit néanmoins à attirer l’attention de l’UNEF qui y voit un allié pour donner plus de poids à la frange syndicaliste qu’elle dirige. L’UGEQ établit alors des relations cordiales avec l’UNEF et même, sur certains dossiers, des complicités conjoncturelles, lors du congrès de la CIE en 1966 sur le Vietnam et lors du seul congrès de l’UIE où les deux unions sont présentes, à Oulan-Bator en 1967, où les deux unions travaillent à la préparation de motions progressistes à mettre aux voix. Mais la collaboration semble s’arrêter là.
Chez elle, l’UGEQ cherche à se distinguer sur des sujets internationaux. Elle organise des manifestations de protestation contre la ségrégation raciale en 1965 et la guerre du Vietnam en 1966. Les étudiants québécois ont largement participé aux manifestations contre la ségrégation et la guerre du Vietnam, mais beaucoup moins à la manifestation en appui aux étudiants français de Mai 68. Que doit-on en conclure ? On peut émettre l’hypothèse que les étudiants québécois se sont plus facilement mobilisés autour certaines questions que d’autres parce qu’elles leur apparaissaient plus près de leur réalité nord-américaine, qu’elles touchaient leur américanité. Ils avaient alors le sentiment que leur mobilisation pouvait changer les choses.
Par contre, quand l’UGEQ cherche un soutien et désire accroître sa crédibilité, elle se tourne vers la France qui exerce encore une fascination chez bon nombre de leaders étudiants. Le réflexe est là. Les liens sont encore présents, à travers une langue commune et le soutien de la France à l’évolution récente du Québec. Mais pour l’UNEF, paternaliste, complaisante et tournée sur elle-même, l’UGEQ n’est pas une priorité et le soutien tant espéré ne lui sera jamais accordé.
Parties annexes
Note biographique
Jean Lamarre est professeur titulaire au Département d’histoire du Collège militaire royal du Canada. Il est spécialiste de l’histoire américaine et enseigne l’histoire des États-Unis, du Canada et du Québec. Il s’est toujours intéressé aux relations entre le Québec et les États-Unis, ce qui a donné lieu à la publication de nombreux articles et livres, dont notamment, en 2000, Les Canadiens français du Michigan. Leur contribution dans le développement de la vallée de la Saginaw et de la péninsule de Keweenaw, 1840-1914, ouvrage qui fut publié en anglais aux États-Unis en 2003. En 2006, il publie une étude originale, Les Canadiens français et la guerre civile américaine (1861-1865). Une autre dimension de leur migration vers les États-Unis et, en 2009, il publie D’Avignon. Médecin, Patriote et Nordiste, basé sur la correspondance d’un leader des Rébellions de 1837-1838 enrôlé dans les armées du Nord lors de la guerre de Sécession. En parallèle, il s’intéresse aux mouvements étudiants français, américains et québécois des années 1960 et aux relations bilatérales qu’ils ont établies. Il a publié en 2008 « Au service des étudiants et de la nation : l’internationalisation de l’Union générale des étudiants du Québec, 1964-1969 » dans le Bulletin d’histoire politique et poursuit ses recherches sur les relations étudiantes entre le mouvement américain et québécois dans les années 1960. Il prépare un essai traitant du triangle États-Unis-France-Québec en regard des relations étudiantes au cours des années 1960.
Notes
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[1]
Nous tenons à remercier le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada pour avoir soutenu financièrement nos recherches. Nous tenons aussi à remercier Jacques Portes, Robert Comeau et Ivan Carel pour leurs commentaires et suggestions. Enfin, nous tenons à saluer l’excellent travail d’Ivan Carel, de Gilles McMillan et de Philippe Petitpas à titre d’assistants de recherche. Ce titre fait référence à la fameuse formule « Non-ingérence, non-indifférence », formulée en 1977 par le ministre français Alain Peyrefitte, après la première élection du Parti québécois. Cette formule laissait entendre que la France serait un partenaire du Québec s’il décidait d’emprunter la voie de l’indépendance.
-
[2]
Voir entre autres : Dominique Damamme et al. (dir.), Mai-Juin 68, Paris, Éditions de l’Atelier, 2008 ; Patrick Combes, Mai 68, les écrivains, la littérature, Paris, L’Harmattan, 2008 ; Antoine Artous et Didier Epsztain (dir.), La France des années 68, Paris, Syllepse, 2008 ; et François de Massot, La grève générale : mai-juin 1968, Paris, L’Harmattan, 2008.
-
[3]
Qualifiées ainsi par le politologue français Bernard Lacroix en raison des nombreuses expériences concomitantes qui ont marqué de nombreux pays.
-
[4]
Des études ont été réalisées sur les organisations étudiantes nationales de France, des États-Unis et du Québec. Voir entre autres : Didier Fischer, L’histoire des étudiants en France, de 1945 à nos jours, Paris, Flammarion, 2000 ; Eugene G. Schwartz (dir.), American Students Organize. Founding the National Student Association after World War II, New York, ACE-Praeger, 2006 et Jean-Philippe Warren, Une douce anarchie. Les années 68 au Québec, Montréal, Boréal, 2008.
-
[5]
David Caute, Sixty-Eight : The Year of the Barricades, New York, Harper & Row, 1988.
-
[6]
Marie-Christine Granjon, L’Amérique de la contestation. Les années 60 aux États-Unis, Paris, Presses de la fondation nationale des sciences politiques, 1985 ; et Marianne Debouzy, « Les rapports entre mouvements américains et mouvements français », Communication lors d’un séminaire sur 68 de l’Institut d’histoire du temps présent, 1996.
-
[7]
Geneviève Dreyfus-Armand, Robert Franck et al (dir.), Les années 68. Le temps de la contestation, Paris, IHTP-CNRS/Complexe, 2000, p. 26.
-
[8]
Jeremi Suri, Power and Protest. Global Revolution and the Rise of Detente, Boston, Havard University Press, 2003.
-
[9]
Dominique Damamme et al. (dir.), Mai-Juin 68, Paris, Éditions de l’Atelier, 2008.
-
[10]
Voir : l’introduction du dossier « Mai 68 dans le monde. Le jeu d’échelles » dirigé par Emmanuel Loyer et Jean-François Sirinelli publié par la revue Histoire@politique (no 6, 2008). Notons aussi : Patrick Dramé et Jean Lamarre (dir.), 1968. Des sociétés en crise : une perspective globale. Societies in Crisis : A Global Perpective, Québec, Presses de l’Université Laval, 2009.
-
[11]
Louis Falardeau, « Le pouvoir étudiant en France et au Québec », Socialisme 68, octobre/ novembre/décembre 1968, p. 80.
-
[12]
Ibid., p. 84.
-
[13]
Ibidem.
-
[14]
Michel Doré, « Naissance du mouvement étudiant aux États-Unis », Socialisme 68, no 15, octobre/ novembre/décembre 1968, p. 91.
-
[15]
Marcel Fournier, « Mai 1968 et après », Possibles, vol. 13, nos 1-2, hiver 1989, p. 179.
-
[16]
Jean-Philippe Warren, Une douce anarchie…, op. cit.
-
[17]
Serge Joyal et Paul-André Linteau (dir.), France-Canada-Québec. 400 ans de relations d’exception, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, 2008, chapitre 11.
-
[18]
Selon les statuts de 1907, l’union nationale créée porte le nom de l’Union nationale des associations étudiantes de France, soit UNAEF. Pour une étude exhaustive de l’union française, voir : Didier Fischer, L’histoire des étudiants de France de 1945 à nos jours, Paris, Flammarion, 2000.
-
[19]
. Jean-Philippe Legois et al., 100 ans de mouvements étudiants, Paris, Éditions Syllepse, 2007, p. 39.
-
[20]
Pour plus de précisions sur l’histoire de l’UNEF de 1907 à 1946, voir les articles de Pierre Moulinier, d’Alain Monchablon et de Didier Fisher dans Jean-Philippe Legois et al., 100 ans de mouvements étudiants, op. cit.
-
[21]
Voir l’article 1 de la Charte de Grenoble, 35e Congrès de l’UNEF, 20 avril 1946.
-
[22]
Alain Monchablon, « L’apogée du mouvement syndical (1944-1962) », Jean-Philippe Leogois et al., 100 ans de mouvements étudiants…, op. cit., p. 73.
-
[23]
Notons qu’une organisation, l’International Council of Student, avait été créée en 1941 par l’Union nationale des étudiants britanniques. Elle est disparue durant la guerre en 1944.
-
[24]
Alain Monchablon, Histoire de l’UNEF, Paris, Presses Universitaires de France, 1983, p. 30.
-
[25]
Les unions nationales pouvaient adhérer à l’UIE comme membres à part entière ou comme observateurs. Ces deux types d’adhésion conféraient aux unions membres le droit de participer aux congrès.
-
[26]
Daniel Latouche, Le livre blanc sur l’internationalisation de l’UGEQ, Montréal, s.é., 1965, p. 35. Selon Latouche, « la nature de ces unions internationales est plus complexe qu’il y paraît à première vue, les positions idéologiques de chacune ne sont pas si tranchées ».
-
[27]
Alain Monchablon, Histoire de l’UNEF…, op. cit., p. 50.
-
[28]
Alain Monchablon, « L’apogée d’un mouvement syndical »…, op. cit., p. 75-76.
-
[29]
Dominique Damamme et al., Mai Juin 68…, op. cit., p. 442.
-
[30]
Bibliothèque de documentation internationale contemporaine (BDIC), Université de Paris X-Nanterre, Archives de l’UGEQ, 4 delta 1151-1, 1959 et 1960, Procès-verbaux des Congrès de Grenoble en 1959 et de Lyon en 1960. Ci-après BDIC Archives de l’UNEF.
-
[31]
Alain Monchablon, Histoire de l’UNEF…, op. cit., p. 136.
-
[32]
BDIC, Archives de l’UNEF, 4 delta 1151 1962. Congrès de l’UNEF à Reims de 1962.
-
[33]
Ibidem.
-
[34]
BDIC, Archives de l’UNEF, 4 delta 1151 1962 Rapport du congrès de l’UNEF à Reims de 1962, p. 61.
-
[35]
Pour plus de précisions concernant ce tournant vers la « gauche », voir : Alain Monchablon, Histoire de l’UNEF…, op. cit., p. 140-146.
-
[36]
BDIC, Archives de l’UNEF, 4 delta 1151 1963. Rapport de la commission internationale du 52e congrès à Dijon.
-
[37]
BDIC, Archives de l’UNEF, 4 delta 1151 1964. Rapport de la commission internationale du 53e congrès à Toulouse.
-
[38]
BDIC, Archives de l’UNEF, 4 delta 1151-1-1963, 52e congrès Dijon.
-
[39]
Entrevue réalisée par Daniel Latouche avec Pierre Guiponi, délégué international de l’UNEF : Daniel Latouche, « Le syndicalisme étudiant en France », Le Quartier latin, 9 décembre 1964, no 25, p. 10. Ce désir de l’UNEF de vouloir servir de pont entre l’UIE et la CIE est clairement signalé dans le rapport du comité exécutif de l’UIE lors de la réunion annuelle du comité exécutif qui a lieu du 10 au 21 février 1964 à Budapest (BDIC, Archives de l’UNEF, 4 delta 1151. Activités internationales. Rapport du comité exécutif de l’UIE 10-21 février 1964, Budapest, p. 3).
-
[40]
Les motions sont très nombreuses et touchent de nombreuses réalités : les délégués votent des motions pour dénoncer la faim dans le monde, condamner la répression du gouvernement irakien à l’endroit des étudiants, font parvenir un télégramme aux autorités pour dénoncer les injustices au Maroc, un autre pour condamner les interventions impérialistes à Chypre (BDIC, Archives de l’UNEF, 4 delta 1151-1 1964, Congrès de l’UNEF, Procès-verbal du congrès de Toulouse).
-
[41]
Alain Monchablon, Histoire de l’UNEF…, op. cit., p. 165.
-
[42]
BDIC, Archives de l’UNEF, 4 delta 1151-1 1965, 54e Congrès de l’UNEF, Bordeaux.
-
[43]
L’UNEF souligne que l’UIE est de loin la centrale la plus représentative avec 82 unions membres dont 60 % proviennent du tiers monde (BDIC, Archives de l’UNEF, 4 delta 1151-1 1965, Rapport de la commission internationale, Congrès de l’UNEF 1965).
-
[44]
BDIC, Archives de l’UNEF, 4 delta 1151-2-1 1965.
-
[45]
BDIC, Archives de l’UNEF, 4 delta 1159-1 1966, activités de l’UNEF,.
-
[46]
BDIC, Archives de l’UNEF, 4 delta 1159-1 1966.
-
[47]
BDIC, Archives de l’UNEF, 4 delta 1151-2 1966-1967, Rapport du congrès de la CIE, Nairobi, 17-27 août 1966.
-
[48]
Ibidem.
-
[49]
Louis Gendreau, « Au congrès de l’UGEQ ; Rencontre avec le président de l’UIE », Le Quartier latin, 23 février 1967, no 38, p. 5.
-
[50]
BDIC, Archives de l’UNEF, 4 delta 1151-2-1 1967, Activités internationales.
-
[51]
Alain Monchablon, Histoire de l’UNEF…, op. cit., p. 186.
-
[52]
BDIC, Archives de l’UNEF, 4 delta 1151 1967.
-
[53]
J.-L. Peninou, J.-M. Bouguereau et J.-J. Hoccard, Vietnam. Ce rapport exhaustif sur la situation au Vietnam compte 56 pages et inclut des analyses, tableaux et statistiques (BDIC, Archives de l’UNEF, 4 delta 1151 1967 Congrès de l’UNEF).
-
[54]
BDIC, Archives de l’UNEF, 4 delta 1159-1-1968-1970.
-
[55]
BDIC, Archives de l’UNEF, 4 delta 1151-2, Lettre de Jean Marcel Bouguereau, président de l’UNEF, à Bob Gottlieb, secrétaire du SDS (Student for a Democratic Society) à New York, non datée, probablement septembre ou octobre 1967.
-
[56]
L’UIE a tenu plusieurs congrès internationaux : en 1950 à Prague, en 1953 à Varsovie, en 1956 à Prague, en 1958 à Pékin, en 1960 à Bagdad, en 1962 à Leningrad, en 1964 à Sofia et en 1967 à Oulan Bator.
-
[57]
BDIC, Archives de l’UNEF, 4 delta 1151-2, Commission internationale. Rapport de l’UNEF sur le congrès de l’UIE à Oulan-Bator, 1967, p. 20.
-
[58]
Paul Bourbeau et André Saicans représentent l’UGEQ à ce congrès.
-
[59]
BDIC, Archives de l’UNEF, 4 delta 1151-2, Commission internationale. Rapport de l’UNEF sur le congrès de l’UIE à Oulan-Bator, 1967, p. 20.
-
[60]
Ibidem.
-
[61]
BDIC, Archives de l’UNEF, 4 delta 1151 1967, lettre datée du 12 septembre 1967.
-
[62]
Alain Monchablon, Jean-Philippe Legois et al., 100 ans de mouvements étudiants…, op. cit., 2007, p. 207.
-
[63]
Ibid., p. 189-190.
-
[64]
BDIC, Archives de l’UNEF, 4 delta 1151-1 1968 Assises nationales UNEF Grenoble, juillet 1968.
-
[65]
BDIC, Archives de l’UNEF, 4 delta 1151-1 1968, Congrès UNEF Marseille, 1968.
-
[66]
Quelques études ont été réalisées sur le mouvement étudiant québécois dans les années 1960. Voir notamment : Pierre Bélanger, Le mouvement étudiant québécois : son passé, ses revendications et ses luttes, (1960-1983), Montréal, ANEQ, 1984 ; et le numéro spécial de la revue Recherches sociographiques de 1972 qui regroupe plusieurs articles consacrés à différents aspects du mouvement étudiant des années 1960. Le Bulletin d’histoire politique a publié un numéro spécial sur le mouvement étudiant dans lequel nous avons publié un article qui traitait spécifiquement de l’internationalisation de l’UGEQ : Jean Lamarre, « Au service des étudiants et de la nation : l’internationalisation de l’Union générale des étudiants du Québec, 1964-1969 », Bulletin d’histoire politique, vol. 16, no 2, hiver 2008, p. 53-73.
-
[67]
La Presse étudiante nationale (PEN) s’occupe depuis le début des années 1960 de représenter les membres des diverses associations étudiantes du Québec à l’échelle internationale. La PEN entretient des relations avec l’UIE et la CIE et échange son bulletin avec les grands médias d’information d’étudiants à l’étranger. Voir Madeleine Gauthier, « Le mouvement étudiants des années soixante comme aspect du mythe de la Révolution tranquille au Québec », Raymond Hudon et Bernard Fournier, Jeunesses et politiques, Sainte-Foy, Presses de l’Université Laval, 1994, p. 238.
-
[68]
Claude Charron et Pierre Bédard, Les étudiants québécois. La contestation permanente, s.l., s.e., 1969, p. 12. Notons que la création prochaine du ministère de l’Éducation du Québec et le refus de la CUS de lutter en faveur de la gratuité universitaire amènent également les étudiants québécois à remettre en cause leur affiliation.
-
[69]
Serge Joyal en est le président. Y sont représentés : l’AGEUM, l’AGEL, l’OGEESQ, la FAGECCQ, l’AEI et la FNQ. Bernard Landry, à titre de président de l’Association générale des étudiants de l’Université de Montréal, est membre de ce comité.
-
[70]
Le Carabin, 8 décembre 1964, p. 4.
-
[71]
Daniel Latouche, « Le syndicalisme étudiant en France : historique du mouvement », Le Quartier latin, 1er décembre 1964, no 23, p. 5.
-
[72]
Paul R. Bélanger et Louis Maheu, « Pratique politique étudiante au Québec », Recherches sociographiques, vol. 13, no 3, 1972, p. 327.
-
[73]
Archives de l’Université de Montréal, Fonds P 168. Boîte 4058, chemise « UGEQ, documents de fondation, 1er Congrès » Charte de l’UGEQ. Ci-après Archives de l’UGEQ.
-
[74]
Lors du congrès de fondation, un des délégués étudiants, Richard Guay, laisse entendre dans son discours de présentation la possibilité que naisse une troisième association étudiante internationale en marge des deux grandes centrales enlignées et à laquelle l’UGEQ pourrait adhérer. Le Devoir, 16 novembre 1964, p. 1 et 7. Il fait alors référence à la proposition émanant de l’AGEL en 1962 proposant une réflexion sur la création d’une centrale étudiante internationale francophone.
-
[75]
Les vice-présidents aux affaires internationales sont Daniel Latouche, de septembre 1965 à septembre 1966, lorsqu’il démissionne ; André Saicans, du 10 octobre 1966 au 15 juillet 1967, lorsqu’il démissionne ; Victor Rabinovitch, du 1er juillet 1967 à février 1968 ; puis Claude Charron, de février 1968 à la dissolution de l’UGEQ au printemps 1969.
-
[76]
Archives de l’UGEQ, Boîte 4058, chemise « UGEQ, documents de fondation, 1er Congrès ». Daniel Latouche, Livre blanc sur l’internationalisation de l’UGEQ, Montréal, s.l., s.e., s.d. (1965) s.p.. La pagination originale est absente. Le document compte 97 pages et l’avant-dernière page est manquante. Nous avons paginé le document à partir de la page couverture.
-
[77]
Daniel Latouche rédige seul ce livre blanc. Échanges avec Daniel Latouche, décembre 2006.
-
[78]
Le journal des étudiants de l’Université de Montréal.
-
[79]
Daniel Latouche, Livre blanc, op. cit., p. 56.
-
[80]
Ibid.
-
[81]
Daniel Latouche, « Vers une communauté étudiante internationale », Le Quartier latin, 13 octobre 1964, no 8, p. 6 et 20 octobre 1964, no 11, p. 9.
-
[82]
Cette idée avait à l’origine été proposée par l’AGEL en 1962 lors du congrès de la CIE tenu à Québec et elle n’avait pas suscité un grand enthousiaste chez les membres de l’UNEF .
-
[83]
Voir Jean Lamarre, « Au service des étudiants », op. cit., p. 53-73.
-
[84]
En 1965, un des vice-présidents de l’UIE est invité à Montréal pour rencontrer des représentants de l’UGEQ. Quelques semaines plus tard, l’UIE invite Daniel Latouche, vice-président aux affaires internationales de l’UGEQ, au siège social de l’UIE à Prague pour poursuivre les discussions. De son côté, la CIE invite Latouche à participer à titre de conférencier à un séminaire d’étude internationale qui a lieu du 13 juillet au 24 août 1965 à Berg en Dal, en Hollande. Archives de l’UGEQ, boîte 4057.
-
[85]
Archives de l’UGEQ, boîte 4055, Congrès février 1967. L’UIE accepte l’adhésion de l’UGEQ en février 1967 ; la CIE, en août 1966.
-
[86]
Louis Fournier, « L’UGEQ à Prague », Le Quartier latin, 25 janvier 1966, no 25, p. 1.
-
[87]
Des contacts avaient été établis en 1962 alors que l’Association générale des étudiants de l’Université Laval (AGEL), qui faisait alors partie de la Fédération nationale des étudiants universitaires du Canada (FNEUC) et de la CIE, avait fait circuler auprès des membres de la centrale internationale un document préparatoire à son congrès annuel qui devait se tenir à l’Université Laval au cours des mois de juin et de juillet 1962. L’AGEL proposait la création d’une Association internationale des étudiants de langue française (AIELF). L’association étudiante semblait insatisfaite de la qualité du leadership de la CIE, puisqu’elle proposait aux unions francophones de la CIE de créer une nouvelle centrale internationale basée sur la langue, l’Association internationale des étudiants de langue française (AIELF). L’AGEL demandait aux unions nationales francophones de se pencher sur cette proposition et d’émettre des commentaires afin de déposer cette proposition pour discussion à la réunion internationale de Québec. Au congrès de la CIE, les réactions ne furent pas favorables. L’UNEF refusa de se prononcer avant de connaître la nature de sa représentativité au sein de cette nouvelle instance. La réaction de l’UNEF n’étonne pas. Certes, l’UNEF aurait sans doute été à la tête de cette nouvelle union internationale francophone, mais cette proposition allait à l’encontre du discours tenu depuis longtemps par l’UNEF qui déplorait la division du monde étudiant et désirait jouer un rôle de premier plan dans son unification. Une telle organisation aurait morcelé davantage le mouvement étudiant, ce qui n’avait tout simplement aucun sens aux yeux de l’UNEF (BDIC, Archives de l’UNEF, notes manuscrites, Congrès de la CIE, 1962, 4 delta 1151-2-1).
-
[88]
Daniel Latouche, « Le mythe de l’UNEF », Le Quartier latin, 9 décembre 1964, no 25, p. 11.
-
[89]
Le Devoir, 24 mars 1965, p. 1. La Presse dénombre 1 500 participants, Le Devoir, 2 000, l’UGEQ, 3 000 et la Canadian Press, 4 000.
-
[90]
La Presse, 24 mars 1965, p. 7.
-
[91]
Pierre Bélanger, Le mouvement étudiant, section 1965-1967, non paginé.
-
[92]
PEN, « L’UGEQ, la gauche et les mouvements pacifistes y seront : manifestation contre la guerre au Vietnam », Le Quartier latin, 10 février 1966, no 29, p. 1.
-
[93]
B.L., « Le syndicalisme étudiant québécois sur la carte du monde », Le Quartier latin, 28 septembre 1967, no 4, p. 10-11.
-
[94]
Pauline Gagnon, « Deux membres de l’UGEQ au congrès de l’U.I.E. », Le Quartier latin, 29 février 1967, no 39, p. 3.
-
[95]
L’UGEQ et l’UNEF sont sur la même longueur d’onde sur certains dossiers discutés lors de la réunion de la UIE en 1967.
-
[96]
Archives de l’UGEQ, boîte 4053, Procès verbal du 3e congrès annuel, Montréal, 21 au 25 février 1968.
-
[97]
Archives de l’UGEQ, boîte 4055, procès-verbal de réunion tenue à Saint-Liguori, 14 septembre 1967. Dès la fin du mois de septembre 1967, à l’invitation de l’UGEQ, trois étudiants vietnamiens séjournent au Québec pour raffermir les liens entre les étudiants québécois et vietnamiens. Ces derniers félicitent les membres de l’UGEQ pour leur indéfectible soutien. Ils doivent toutefois retourner au Vietnam au début d’octobre, sans pouvoir assister à la manifestation qui se prépare en appui à leur cause. (La Semaine de l’UGEQ, vol. II, no 2, septembre 1967 ; La Semaine de l’UGEQ, vol. II, no 4, 6-12 octobre 1967.)
-
[98]
Le Devoir, 18 novembre 1967, p. 1.
-
[99]
Les conférenciers invités à l’Université de Montréal sont Robert Garry, Luc Racine et Michel Brûlé de l’Université de Montréal, Léandre Bergeron et André Gunder Frank de la Sir George Williams University et Michel Van Schendel. Le Devoir, 18 novembre 1967, p. 7.
-
[100]
La Presse, 17 novembre 1967, p. 1 ; Le Soleil, 18 novembre 1967, p. 13.
-
[101]
Le journal La Presse indique que 1 500 étudiants ont participé à la manifestation. La Presse, 18 novembre 1967, p. 1.
-
[102]
Le Devoir, 20 novembre 1967, p. 2.
-
[103]
Ibid.
-
[104]
Archives de l’UGEQ, boîte 4054, procès-verbal d’une réunion tenue au Collège des Jésuites, 11 mai 1968.
-
[105]
Archives de l’UGEQ, boîte 4059, chemise UGEQ-UIE-CIE. Les élites étudiantes réagissent également lors du « coup de Prague » en août 1968 et organisent une manifestation devant le consulat soviétique qui réunit toutefois à peine 250 participants. Le Devoir, 22 août 1968, p. 2 et p. 25.
-
[106]
Cette semaine syndicale a lieu du 26 au 30 août 1968 à Sainte-Anne de Bellevue.
-
[107]
Le Devoir, 5 août 1968, p. 3.
-
[108]
BDIC, Archives de l’UNEF, Correspondance 1968, 4 delta 1159-1.
-
[109]
BDIC, Archives de l’UNEF, 4e delta 1159-1968. Télégramme de l’UGEQ à l’UNEF, non daté. Nous présumons qu’il a été envoyé fin août 1968. « En préparation rentrée 26 août Demandons documentation événements de mai stop. Assurons frais de transport stop. Attendons également réponse Sauvageot pour visite 15 sept stop. Fraternellement UGEQ ».
-
[110]
BDIC, Archives de l’UNEF, 4 delta 1159-1968, Notes manuscrites de télégramme de J. Sauvageot à être envoyées à l’UGEQ, non datées. « Vue préparation rentrée, voyage difficilement possible pour septembre. Envisager pour plus tard. Documents suivront. J. Sauvageot ».
-
[111]
Notamment, la mise sur pied du Mouvement syndical politique, le MSP, qui prône l’action.
-
[112]
Notons que l’Association générale des étudiants québécois en France a été créée en 1966 sous la direction de Bernard Landry, alors à Paris pour parfaire ses études. Sa création est intimement liée à l’augmentation considérable du nombre d’étudiants québécois à Paris depuis 1965 au moment où des programmes intergouvernementaux sont mis en place pour faciliter les échanges. L’AGEQEF et l’UNEF semblent entretenir des relations plus ou moins soutenues à cette époque. Cette association est dissoute en 1976 (Samy Mesli, « La coopération franco-québécoise dans le domaine de l’éducation, de 1965 à nos jours », thèse de doctorat (histoire) Université du Québec à Montréal, 2006, p. 376-378).
-
[113]
Archives de l’UGEQ, boîte 4056, 1er divers, Lettre de Michel Pichette à Louis Falardeau, 18 février 1969.
-
[114]
Ibidem.
-
[115]
Ibidem.
-
[116]
Ibidem.
-
[117]
Claude Charron et Pierre Bédard, Les étudiants québécois. La contestation permanente, op. cit., p. 17.
-
[118]
Voir Jean Lamarre, « Au service des étudiants et de la nation : l’internationalisation de l’Union générale des étudiants du Québec, 1964-1969 », op.cit., p. 53-73.