Recensions

Micheline Labelle, Racisme et antiracisme au Québec. Discours et déclinaisons, Québec, Presses de l’Université du Québec, 2011[Notice]

  • Mireille McLaughlin

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  • Mireille McLaughlin
    Université d’Ottawa

Plusieurs débats existent au sein des études sur les questions de racisme : parler de la catégorisation sociale en termes de catégories raciales reproduit-il les idéologies raciales que l’on tente de combattre ? Au contraire, ces processus de catégorisation sont-ils si intégrés dans l’organisation sociale et la distribution inégale des ressources qu’il importe de faire des catégories raciales des principes centraux des travaux de recherche et des politiques publiques ? Des débats subsistent autour de la définition du racisme, de ces acteurs tout comme de la définition de l’antiracisme et des actions nécessaires pour contrer la discrimination raciale. Dans son livre, Micheline Labelle quitte les débats théoriques pour porter son attention sur l’appréhension de ces questions tant dans la conception des politiques publiques québécoises et canadiennes que dans le discours des associations qui veillent à la protection des droits humains. L’objectif que se donne la sociologue est clair : rendre compte des enjeux antidiscriminatoires des politiques publiques qui gouvernent la vision citoyenne du Québec. Pour ce faire, elle analyse un vaste corpus de politiques publiques contemporaines, tant québécoises que canadiennes, ainsi que des rapports d’associations représentatives qui oeuvrent dans le champ de la justice sociale. Dans chacun des documents, Micheline Labelle porte attention aux questions suivantes : Qui, selon les acteurs sociaux, est raciste ? Qui sont les cibles du racisme ? Quelles sont les conséquences du racisme ? Comment y définit-on le racisme et l’antiracisme ? Finalement, qui, et par quel moyen, peut contrer le racisme ? Cette grille analytique permettra à l’auteure de poser un regard critique sur les discours racistes et antiracistes qui opèrent aujourd’hui au Québec. Elle permet aussi de constater des écarts entre la conception étatique du racisme et de l’antiracisme et celle du milieu communautaire. Labelle remarque, par exemple, que là où le secteur public reste « circonspect sur les rapports de pouvoir qui sous-tendent les manifestations du racisme », les associations du secteur communautaire adoptent une approche des plus intersectionnelles, faisant souvent les liens entre passé colonial, politique étatique, statut et intégration économique et discrimination raciale. Par son analyse, Labelle arrive à la fois à dénoncer la reproduction systémique du racisme, ses assises traditionnelles et l’émergence du néoracisme (racisme où la supériorité d’un groupe sur un autre s’appuie sur des critères « culturels ») tout en construisant une critique productive des approches antiracistes contemporaines. Ainsi, dans son analyse des discours sur le racisme et l’antiracisme, elle dénonce le manque de reconnaissance de la discrimination envers les Autochtones, l’absence d’une réflexion sur le racisme latéral (entre groupes minoritaires), les difficultés que rencontrent les gouvernements et les acteurs communautaires à distinguer entre le multiculturalisme, l’interculturalisme et l’antiracisme. Sa critique la plus forte, cependant, est menée dans le champ de l’antiracisme, où elle s’oppose à l’école des Whiteness studies et du Critical Race Theory (CRT). Pour le CRT, le fait de nommer les catégories raciales, de rendre visible le caractère systémique des inégalités est le meilleur moyen de combattre le racisme. Il s’agit, pour les tenants de cette théorie, d’utiliser un discours contre lui-même. Pour ces derniers, le racisme reste un discours organisateur de la société canadienne et nord-américaine et le critère de « race » doit donc être maintenu dans les analyses sociales. Labelle, pour sa part, cherche un espace en dehors du discours racialisant, espace qui permettrait de dépasser les processus de catégorisation en cours qui assurent la reproduction des inégalités sociales à caractère racialisé. Sur le plan théorique, cette approche est productive : elle permet de rendre compte du fait que le racisme n’est pas que l’effet d’une domination unidirectionnelle, mais peut se …