Résumés
Résumé
Ressources halieutiques, minières et forestières ont historiquement rythmé l’économie et le développement de plusieurs régions du Québec. Les conditions de leur exploitation évoluent cependant selon les contextes historiques, sociaux et géographiques. Dans cette perspective, des ressources émergent alors que d’autres disparaissent. Dès lors, un défi important est de faire cohabiter, dans un même territoire, les divers projets liés à ces ressources, traditionnelles aussi bien que récentes. La filière de l’énergie éolienne illustre bien ce défi. La mise en valeur de ce qui apparaît pour certains comme une « nouvelle » ressource énergétique provoque des tensions, souvent fortes, dans des communautés susceptibles d’accueillir des parcs de production. Après avoir décrit brièvement les stratégies gouvernementales adoptées au Québec pour mettre en place cette filière énergétique, cet article s’intéresse à un argument récurrent au sein des contestations, également exprimé dans d’autres pays industrialisés : celui du paysage. À partir de l’examen de mémoires déposés lors d’une commission tenue par le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE), nous dégageons quatre principaux discours d’acteurs, fondés sur des conceptions différentes du paysage, et qui renvoient à différents enjeux touchant la mise en valeur de la ressource éolienne. Nous tentons ainsi de montrer que l’argument du paysage permet aux groupes de poser la question des choix d’occupation et d’aménagement du territoire, ainsi que des modèles de développement qui sont sous-jacents aux projets et aux politiques publiques. Cet examen révèle aussi que la gamme des positions ne dessine pas un affrontement binaire entre ce qui serait le clan des « pro » éoliens et celui des opposants, mais qu’elle repose plutôt sur des représentations différentes des territoires concernés. Une compréhension approfondie des rationalités et de leurs fondements pourrait, croyons-nous, éclairer les dynamiques sociales et les pratiques de gouvernance concernant cette filière énergétique et la ressource émergente du paysage.
Abstract
Historically, natural resources have supported the economy and the development of many regions in Quebec. However, the conditions of their exploitation have evolved with changes in historical, social, and geographical contexts, as new resources appear while others disappear. A major challenge is to ensure that diverse projects, whether related to new or more traditional resources, can coexist in a common territory. The wind power industry is a good illustration of such a challenge. The efforts made to promote this “new” resource often face strong social critics in local communities likely to host wind farms. Following a brief summary of the main strategies adopted by the Government of Quebec to support this green industry, our attention will be turned to one of the central argument brought by the opponents, also expressed in other industrial countries : the argument of landscape. By analysing the briefs submitted to a public hearing held by the provincial Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE), we will distinguish four main social discourses based on different landscape definitions, each raising different issues related to the exploitation of wind power. We will attempt to demonstrate that, through the landscape argument, people can address decisions that have been made regarding environmental and regional planning, as well as their underlying conceptions of development. Our analysis will also reveal that positions are not simply divided between those in favour and those opposed to wind turbines, but rather that they rest upon different representations of the concerned territory. From our point of view, a deeper understanding of such rationalities and their grounds could throw light on current social dynamics and governance practices related to this energy industry and the emerging resource of landscape.
Veuillez télécharger l’article en PDF pour le lire.
Télécharger
Parties annexes
Notes biographiques
Marie-José Fortin est professeure au département Sociétés, Territoires et Développement de l’Université du Québec à Rimouski et titulaire de la Chaire de recherche du Canada en développement régional et territorial. Elle détient une formation en architecture de paysage (Université de Montréal), en développement régional (Université du Québec à Chicoutimi) et en géographie (Université Paris 1-Panthéon Sorbonne). Par l’étude du paysage, elle s’intéresse aux rapports que des communautés locales construisent avec leurs territoires habités et, plus particulièrement, à la place qu’occupent les activités de production dans les perspectives contemporaines de développement des territoires. Ses travaux portent sur les dynamiques sociales et les processus de négociation entourant l’implantation de projets industriels et de grandes infrastructures. Ses projets de recherche actuels portent sur la filière de l’énergie éolienne, l’industrie touristique et les entreprises bioalimentaires. Ses travaux ont été publiés dans divers ouvrages collectifs (Sciences du territoire, 2008, Presses de l’Université du Québec ; Le développement social. Un enjeu pour l’économie sociale, 2006, Presses de l’Université du Québec) et revues scientifiques (Développement durable et territoire, vol. 1, n° 2, 2010 ; Vertigo, vol. 9, no 1, 2009 ; Environnement Urbain, vol. 3, 2009 ; Environmental Impact Assessment Review, vol. 26, no 8, 2006 ; Le Géographe Canadien, vol. 46, no 4, 2002 ; Environmental Conservation, vol. 26, no 3, 1999) et professionnelles (Liaison Énergie-Francophonie, vol. 83, no 2, 2009 ; Les Annales des Ponts et Chaussées, no 104, 2002). Pour une liste détaillée de ses projets de recherche et publications, voir www.uqar.ca/chaires/drt .
Sophie Le Floch est chargée de recherche au Cemagref de Bordeaux. Elle s’intéresse particulièrement au paysage, selon une approche géographique, en tant qu’expression des relations ordinaires à l’espace et à la nature, ainsi qu’en tant qu’objet d’action collective spatialisée. Elle développe une réflexion sur la place du paysage au sein de controverses d’aménagement et sur la question politique de la participation des populations aux orientations collectives en matière de paysage.