Résumés
Résumé
La pénurie en enseignement représente un problème public de taille au Québec (Sirois et al., 2020). Un virage idéologique doit être amorcé pour analyser sous une perspective appréciative les besoins des enseignants en vue d’un fonctionnement optimal au travail afin d’inspirer les mesures gouvernementales du moment. Cet article cible tout particulièrement des enseignants en éducation physique et à la santé (ÉPS). L’objectif de ce projet de recherche est de cerner les besoins de ces enseignants qui leur permettraient de fonctionner de manière optimale au travail. Pour ce faire, 174 enseignants du Québec ont participé à un sondage en ligne. Les résultats comptent un total de 230 énoncés répartis en neuf catégories de besoins..
Mots-clés :
- Fonctionnement optimal,
- enquête appréciative,
- bien-être professionnel,
- enseignants en ÉPS,
- besoins des enseignants
Abstract
The teaching shortage is a major challenge in Quebec (Sirois et al., 2020). To face it, an ideological shift must be initiated to investigate from an appreciative perspective the needs of these teachers for optimal functioning at work, and in turn, inspire government’s measures to retain teachers. This article specifically targets physical and health education (PHE) teachers. The research objective is to identify the needs of these teachers for optimal functioning. 174 teachers from Quebec participated. The results reveal nine categories of needs from a total of 230 statements.
Keywords:
- Optimal functioning,
- appreciative inquiry,
- professional well-being,
- physical education,
- teachers’ needs
Corps de l’article
Introduction
Pénurie en enseignement
La pénurie enseignante est reconnue depuis plus d’une vingtaine d’années. En effet, dans leur rapport préliminaire, Sirois et ses collaborateurs (2020) font ressortir, grâce aux données statistiques du ministère de l’Éducation, qu’au début des années 2000, le taux de départ des enseignants (vieillissement de la population, retraites, retraites anticipées, attrition) était supérieur à la diminution anticipée de l’effectif d’élèves d’âge scolaire. En parallèle, en 2001, Ingersoll présentait le décrochage des enseignants débutants comme une cause supplémentaire et irrévocable de la pénurie enseignante. À ce moment-là, toute mesure ayant pour objectif d’augmenter le bassin de nouveaux enseignants représentait une fausse solution, car même pour ces nouveaux enseignants, la rétention demeurait problématique (Ingersoll et Smith, 2003). Cela a donné lieu à un ensemble de travaux sur l’insertion professionnelle, véhiculée comme étape charnière menant à la carrière enseignante (Mukamurera, 2018; Rivard et al., 2020).
À l’heure actuelle, le phénomène de pénurie s’est bel et bien perpétué puisque les départs « naturels » des enseignants sont en augmentation (vieillissement de la population et départ à la retraite), de même que la hausse de l’effectif d’élèves d’âge scolaire (naissances, immigration, implantation de la maternelle 4 ans), jumelés à la baisse de nombre de diplômés en enseignement du secondaire (Homsy et al., 2019). De surcroît, le décrochage des enseignants est en hausse tant chez les enseignants débutants, atteignant 25 % de cette population (Karsenti, 2015), ce qui confirme les prévisions d’Ingersoll (2001), que chez les enseignants de carrière. Il s’explique entre autres par des congés de maladie (usure professionnelle, épuisement professionnel) (Houlfort et Sauvé, 2010; Lantheaume et Hélou, 2008; Otero-López et al., 2010), du désengagement professionnel (Kamanzi et al., 2017) et du décrochage enseignant (Alava, 2016; Bizet et al., 2010; Karsenti, T., 2013; Kirsch, 2006).
La pénurie enseignante au Québec est à comprendre comme un phénomène complexe dû à un amalgame de conditions causant un déséquilibre. Ces conditions se déclinent à quatre niveaux, à savoir 1) le scolaire, avec l’effectif d’élèves en âge scolaire en croissance, 2) la formation initiale, avec le nombre d’étudiants en formation des maîtres en baisse, 3) l’insertion professionnelle, avec le décrochage des enseignants débutants à la hausse, de même que 4) l’attrition en carrière, avec le départ des enseignants expérimentés. En outre, Sirois et ses collègues (2020) mettent en garde sur le fait que « le contexte actuel est marqué par une prise de conscience de plus en plus importante des difficultés vécues pour répondre aux besoins d’enseignants actuels, mais également des difficultés prévues dans les années à venir » (p. 6), ce qui laisse présager une problématique persistante, voire croissante. Pour répondre à ce problème de terrain, quatre avenues salvatrices sont identifiées, à savoir 1) la valorisation de la profession, 2) l’attraction, 3) le recrutement, et 4) la rétention (Karsenti, 2018; Sirois et al., 2020). Selon l’hypothèse de Ingersoll (2001), la première et la quatrième seraient à privilégier.
Pandémie liée à la COVID-19
Force est de constater que le contexte pandémique lié à la COVID-19 a eu un effet pervers sur la situation enseignante. Les conséquences se font ressentir sur plusieurs plans, notamment sur le bien-être des enseignants en péril, la tâche alourdie, les conditions de travail plus difficiles et les conditions d’apprentissage des élèves plus instables (Goyette et Sirois, 2020). Concrètement, la situation avant la pandémie était déjà critique pour les enseignants, car, depuis plusieurs années, les études dénonçaient entre autres le manque de temps pour assumer la charge de travail (Chopin, 2010; St-Jarre, 2001), et les besoins de ressources matérielles et humaines en enseignement (Huot, 2008; Maziade et al., 2018; Rolland et al., 2019). En 2020, la pandémie a ajouté un degré de complexité à la tâche des enseignants en les forçant à changer leur pratique usuelle du jour au lendemain, avec l’environnement numérique comme nouveau modèle d’enseignement, d’interaction et de gestion (Aye, 2020; Perret et Plantard, 2020). C’est donc un changement majeur, dans une dynamique réactive (Stoloff et al., 2022), que les enseignants ont eu à gérer et à mettre en oeuvre (Coulombe et al., 2020; Lollia et Issaieva, 2020; Stordeur et Colognesi, 2020). De surcroît, les mesures sanitaires ont entraîné des retraits préventifs, des isolements, des congés maladie ou encore des confinements d’enseignants, ce qui a augmenté le besoin de suppléants (Fortin, 2021). À cet égard, Fortin (2021) fait état de la recherche désespérée de suppléants, du recours croissant aux remplacements d’urgence pesant sur la tâche déjà alourdie des enseignants, et de l’augmentation des embauches d’enseignants « non légalement qualifiés ».
Situation d’urgence et fenêtre d’opportunités
À la lumière du portrait précédemment brossé, il est manifeste que la pénurie enseignante représente un problème d’ordre public. En effet, la gravité des enjeux liés à la pénurie enseignante au Québec, croissante à l’issue d’une pandémie, a fait l’objet de nombreux articles journalistiques. En concomitance aux médias, les pouvoirs publics tentent de plus en plus, par diverses initiatives, d’agir sur la situation. L’urgence semble donc reconnue et abordée par les deux parties concernées. Cela positionne les pouvoirs publics face à une fenêtre d’opportunités (Kingdon, 2003; Ravinet, 2014), qui favorise le passage de la situation de crise à une politique publique, à l’image de ce qui se produit en ce moment dans l’espace public québécois (Dion-Viens, 2022). Concrètement, une fenêtre d’opportunités s’ouvre lorsque se crée un alignement entre un problème public (courant des problèmes), une solution (courant des solutions) et une initiative politique (political stream) (Ravinet, 2014).
Plus spécifiquement, le courant des problèmes, le « problem stream », est observé lorsque de nouveaux indicateurs se révèlent ou lorsqu’une situation de crise éclate. Le courant des solutions, le « policy stream », est constitué de l’ensemble des alternatives concurrentes promues par les différents groupes sociaux, « les entrepreneurs politiques », en réponse au problème public ciblé. À cet égard, Hassenteufel et ses collaborateurs (2020) suggèrent d’impliquer davantage les professionnels touchés par le problème retenu en vue de la formulation des politiques publiques afin qu’ils soient activement engagés à trouver des solutions et des moyens innovants, concrets et applicables aux problématiques soulevées. Cela mène au troisième courant, le politique, le « political stream », qui est déterminé par la vie politique au sens large et qui trouve ses ancrages dans l’opinion publique et ses revirements, les fenêtres électorales, les changements de gouvernement, etc. (Bernier et Lachapelle, 2010; Ravinet, 2014).
En somme, les données recueillies sur la pénurie enseignante, le caractère urgent inhérent à la pandémie, la présence de nombreuses solutions dans l’espace public et la prise de conscience de l’ampleur du problème soulevé par Sirois et ses collaborateurs (2020) concourent à la présence d’une fenêtre d’opportunités. Qui plus est, à l’égard d’Hassenteufel (2020), cette étude insiste sur l’importance d’inclure la voix des enseignants dans la définition du problème et la formulation d’une éventuelle solution au regard de leurs besoins immédiats. En effet, cela favoriserait la connaissance de leurs besoins en vue d’un fonctionnement optimal tout en participant à leur rétention dans le système (Stoloff et al., 2020). Ainsi, la question de recherche est la suivante : quels sont les besoins que les enseignants identifient, liés à des solutions innovantes, concrètes et applicables, qui favoriseraient leur fonctionnement optimal au travail ?
Cadre conceptuel
Une avenue intéressante s’offre en tant que solution constructive face à un problème d’organisation et de fonctionnement. Pour cela, un virage idéologique s’avère nécessaire pour porter un regard sur le fonctionnel, le désiré et le valorisé, et ainsi mieux comprendre les rouages du fonctionnement optimal au travail (Gable et Haidt, 2015).
Le fonctionnement optimal au travail
La psychologie positive est un champ de recherche qui étudie l’être humain dans son entièreté (Seligman, 2002), pour réduire ses faiblesses ainsi que pour accéder à son épanouissement et son potentiel (Gaucher, 2010). En ce sens, Dorn (2017) démontre que la psychologie classique soutient plus particulièrement les personnes en détresse afin qu’elles puissent « remonter » vers un équilibre, une normalité, une acceptabilité, alors que la psychologie positive, elle, vise à faire cheminer vers un bien-être, un bonheur, un fonctionnement optimal. Sur ce dernier point, Gable et Haidt (2015) définissent la psychologie positive comme étant « l’étude des conditions et processus qui contribuent à l’épanouissement ou au fonctionnement optimal des individus, des groupes et des institutions » (p. 104). Cette double notion d’épanouissement et de fonctionnement optimal reflète les deux approches hédoniste et eudémonique du bien-être (Ryan et Deci, 2001). Dans le cadre de ce projet de recherche en milieu professionnel, aux prises avec la détresse psychologique des enseignants combinée à un contexte pandémique, la lumière est mise plus particulièrement sur l’approche eudémonique pour circonscrire les besoins des enseignants afin de les aider à fonctionner de manière optimale. Concrètement, le fonctionnement optimal réfère ici à l’actualisation de leur potentiel professionnel, l’atteinte de leurs objectifs, et l’optimisation des conditions pour les soutenir face aux écueils contextuels. Ainsi, aux dires de Martin-Krumm (2017), ces nouvelles connaissances permettent de les aider à surmonter mieux qu’à l’habitude les situations adverses, favorisent un développement centré sur les forces, et surtout, permettent de proposer et mettre en place des ressources spécifiques à leurs besoins.
L’enquête appréciative pour connaître les besoins
À ces fins, l’enquête appréciative, traduite de l’appreciative inquiry (Cooperrider et Whitney, 1998), a pour but de comprendre le fonctionnement optimal des individus, des organisations, prenant appui sur les forces, les opportunités, les possibles et les succès afin de provoquer un changement positif. Cette approche représente un changement de perspective (Stravos et al., 2015) qui s’appuie sur cinq principes fondateurs qui se déclinent comme suit : le constructionnisme, la simultanéité, la poésie, l’anticipation et le principe positif (Cooperrider et Whitney, 1998). En rapport au principe positif, Bossé et Mercier (2018) montrent clairement qu’employer cette approche permet de porter un regard appréciatif sur ce qui a été, ce qui est, et ce qui est souhaité, et que « ce qu’on apporte dans l’avenir doit correspondre à ce qu’il y a de meilleur » (p. 10). Ainsi, l’objet de cette recherche prend racine sur ce qui peut rendre les enseignants « meilleurs », et optimiser les conditions dans lesquelles ils opèrent.
Les cinq étapes de l’enquête appréciative
La démarche appréciative en vue d’un changement positif se présente en cinq étapes, illustrées à la figure 1.
Ce modèle offre une approche générale, et surtout pratique, pour générer le changement visé. La première étape est de définir l’objet d’enquête, le sujet abordé, afin de déterminer les vastes possibilités et l’orientation de la transformation. La deuxième étape est de découvrir tous les éléments fonctionnels, valorisés ou désirés des individus à l’aide d’une question positive, afin de bâtir sur les perspectives préférentielles des acteurs de l’organisation. La troisième étape est de sélectionner l’ensemble des possibilités, des souhaits et de les formaliser selon les propositions de l’étape 2, à travers des moyens concrets. La quatrième étape est la création de l’idéal, la mise sur pied du souhaité. Enfin, la cinquième étape est le déploiement de ce qui va être mis en place.
Dans le cadre de ce projet, l’objet d’enquête porte sur les besoins des enseignants en vue d’un fonctionnement optimal. L’objectif de recherche porte sur l’étape 2 et vise à cerner les besoins des enseignants pour découvrir ce qui les aiderait à fonctionner de manière optimale.
Méthodologie
L’approche de recherche privilégiée est qualitative interprétative (Karsenti et Savoie-Zajc, 2000) grâce à la question ouverte suivante : « Pour fonctionner de manière optimale, j’aurais besoin de… ». La collecte de données a été réalisée par sondage en ligne. Ce sondage était mené à l’aide d’un questionnaire composé de trois sections : les variables sociodémographiques, les indicateurs de bien-être (Stoloff et al., 2020), et les impacts de la COVID-19. Le temps de passation était de quinze minutes environ. Le présent article dévoile les résultats en lien avec la question ouverte de la section 2, dans laquelle les répondants ont pu verbaliser, s’exprimer et/ou lister les besoins qu’ils trouvent les plus significatifs.
Dans cette première étude, les enseignants en éducation physique et à la santé (ÉPS) ont été ciblés, car ils jouent les rôles de modèles de santé, de leaders et de promoteurs des saines habitudes de vie (Bordeleau et Morency, 2019; Fédération des éducateurs et éducatrices physiques enseignant au Québec, 2022P). Il semblait donc intéressant de cibler les enseignants de cette discipline dans une étude qui porte sur le fonctionnement optimal au travail et le bien-être professionnel. Dans une étude subséquente, les enseignants des autres disciplines seront interrogés afin d’avoir une connaissance élargie des besoins, et ce, pour toutes les disciplines confondues. De là, le recrutement s’est fait par une variété d’activités, notamment par un accès aux réseaux sociaux avec capsules vidéo et annonces publiées sur Facebook, par courriel à une liste préétablie de participants à la recherche, ainsi que par la diffusion d’un article professionnel dans un journal spécialisé en ÉPS. Sur 1127 visites, 241 questionnaires ont été débutés, et 174 questionnaires ont été remplis et retenus dans le cadre de ce projet. Les caractéristiques sociodémographiques des participants montrent une répartition du genre telle que 54 % des répondants sont des hommes et 46 % des femmes. Selon les données sur l’ordre d’enseignement, 64 % oeuvrent au primaire, 30 % au secondaire et 6 % au secondaire. En ce qui concerne le statut d’emploi des répondants, 75 % sont permanents, 21 % à contrat, et 4 % en suppléance.
L’analyse des résultats s’est faite par analyse thématique de contenu (Paillé et Mucchielli, 2008), combinée à des statistiques descriptives telles que les fréquences et les moyennes pour identifier les proportions relatives des énoncés. Concrètement, chaque énoncé était découpé en unités de sens (certains énoncés pouvaient contenir plusieurs unités de sens) et placé successivement dans un document Excel. Chaque ligne représentait une unité de sens, ce qui a conduit au code « L1 » pour l’unité de sens qui se trouve à la ligne 1, « L2 » pour l’unité de sens qui se trouve à la ligne 2, et ainsi de suite. Cette étape a permis à la fois d’extraire le contenu du questionnaire et d’anonymiser le processus d’analyse. De là, le décompte du nombre d’unités de sens a été effectué pour obtenir la proportion relative de chacun des thèmes. Lors de la phase d’analyse, un premier codage des unités de sens a été mené par la chercheuse, suivi d’un regroupement par thème. Par la suite, une confrontation de l’ensemble du corpus a été menée avec l’assistante de recherche pour assurer une fidélité des résultats interjuge supérieure à 90 %.
Résultats
Proportion relative des catégories
Les résultats présentent l’émergence de neuf (9) catégories sur un total de 230 énoncés propres aux besoins émis par les enseignants pour un fonctionnement optimal au travail. Les besoins exprimés par les enseignants auraient pu être perçus comme étant les plus importants, les plus imminents, ou encore ceux considérés comme garants d’un fonctionnement optimal. Étant donné que l’origine de cette identification (primauté, préférence, fonctionnalité…) n’est pas connue, il est donc nécessaire de considérer ces résultats comme étant une tendance relative des énoncés les plus évoqués, et donc les plus significatifs au moment de la passation du sondage.
Comme présenté dans le tableau 1, les besoins les plus évoqués par les enseignants sont respectivement un besoin de temps (18 %), des besoins spécifiques au cours d’ÉPS (16 %), et un besoin de ressources matérielles (15 %). Ensuite, des besoins spécifiques à la gestion de la pandémie sont nommés (14 %), suivis des besoins de collaboration (10 %), de ressources humaines (8 %), ou encore des besoins propres à la tâche enseignante (8 %). Enfin, des besoins portent sur des attentes envers la direction d’école (6 %) et un besoin de ressources financières (5 %). Afin de mieux cerner ces catégories, les prochaines sections vont examiner et décrire les besoins spécifiques à chacune d’entre elles.
Présentation de la catégorie spécifique au temps
En matière de répartition relative des catégories, le temps représente 18 % (n=42) des énoncés émis par les enseignants d’ÉPS interrogés. Les thèmes qui composent cette catégorie se distribuent tels que présentés dans le tableau 2.
Les enseignants mentionnent clairement un besoin de temps pour la planification de situations d’apprentissage et d’évaluation. Concrètement, ils disent vouloir développer des activités stimulantes, élaborer du nouveau matériel pédagogique, planifier et travailler davantage en équipe, intégrer les « nouveaux outils pédagonumériques » (L20) et réinvestir les apprentissages réalisés dans le cadre de formations.
Les enseignants veulent aussi plus de temps pour mettre sur pied « des gros projets pour l’ensemble des élèves de l’école » (L30). En parallèle, ils souhaitent accorder une plus grande part de leur temps à la formation continue tout en maintenant un équilibre dans les différentes sphères de leur vie. En somme, ils auraient besoin de plus de temps avant, entre et après leurs cours.
En période de COVID-19, ce manque de temps est intensifié par la nécessité d’adapter sa pratique à l’enseignement en ligne et par l’impératif d’être continuellement prêt à interchanger le mode virtuel avec le présentiel. De plus, la surcharge inhérente à la désinfection du matériel entre les activités des différents groupes constitue une contrainte supplémentaire sans toutefois éliminer celles présentes en temps normal. Ce contexte particulier occasionne aussi un besoin croissant d’échanger et de collaborer avec les collègues afin de maintenir une cohésion d’équipe. Sur cette question, un enseignant écrit :
J’arrive en poste dans une nouvelle école en pleine année COVID, et je suis en mode survie. La direction me dit de faire mes affaires sans trop me soucier du reste, mais j’aimerais en savoir plus sur le fonctionnement de l’école, pouvoir en discuter en réunion du personnel, mais tout va trop vite (réunions sur TEAMS bouclées en 10 minutes, micro fermé, direction non disponible et trop « dans le jus »...). Il manque de moment où on se rencontre où on collabore, où on discute, où on se soucie ensemble du bien-être des élèves, où on valide nos façons de faire.
L42
Présentation de la catégorie spécifique au cours d’ÉPS
En matière de répartition relative des catégories, le cours d’ÉPS représente 16 % (n=36) des énoncés émis par les enseignants. Les thèmes qui composent cette catégorie se distribuent tels que présentés dans le tableau 3.
Les enseignants souhaitent favoriser la création de liens plus étroits avec leurs élèves et proposent donc d’équilibrer davantage les groupes sur le plan tant scolaire que sportif, de réduire le ratio maître/élèves ou d’avoir la possibilité de créer des sous-groupes à même leur classe.
De plus, toujours selon les enseignants, il est impératif de valoriser la profession tout en démontrant la pertinence du travail de l’enseignant d’ÉPS. Reconnaître la valeur et la portée de ce cours autant à l’interne (école) qu’à l’externe (famille, communauté, grand public) participerait à leur bien-être, à leur autonomie professionnelle et à leur épanouissement. De plus, à la fois pour favoriser une progression des apprentissages et pour assurer la rétention des élèves dans les volets particuliers offerts par l’école (options sportives), les enseignants recommandent d’ajuster la répartition du temps alloué au cours d’ÉPS dans la grille horaire pour augmenter le nombre d’heures d’ÉPS par cycle. À cet effet, un enseignant témoigne que : « À mon école, les élèves ont trois cours de 60 minutes d’EPS par cycle de huit jours. Ce qui fait qu’on les voit généralement deux fois par semaine. Cela aide grandement à rendre notre enseignement optimal ! » (L154).
Enfin, en période de pandémie, les enseignants ont besoin de plus d’encadrement, et souhaitent obtenir plus de précisions et de lignes directrices en matière d’enseignement à distance ou en présentiel pour les soutenir dans leurs enseignements avec :
Des programmes préétablis en virtuel pour chaque discipline, avec des évaluations créées. Si un groupe tombe en confinement lors d’un cours de piscine par exemple, il pourrait y avoir des exercices adaptés à faire à la maison et des examens pour continuer la progression des apprentissages
L169
A contrario, leurs besoins de liberté et d’autonomie ont été mentionnés, et se manifestent par « le choix d’aller à l’extérieur aux moments qui me conviennent. Présentement, il est difficile d’avoir une continuité dans ma planification » (L167) et de « ne pas être dans l’obligation d’évaluer les élèves tel qu’on me le demande. » (L168)
Présentation de la catégorie spécifique aux ressources matérielles
En matière de répartition relative des catégories, les ressources matérielles représentent 15 % (n=35) des énoncés émis par les enseignants. Les thèmes qui composent cette catégorie se distribuent tels que présentés dans le tableau 4.
Avoir du matériel propre aux types d’enseignement, adéquat, en bon état, en quantité suffisante, actuel et spécifique à l’évaluation des matières atypiques (ex.: plein air) constitue une préoccupation importante pour les enseignants. De plus, l’accès aux technologies de l’information et des communications (TIC) et aux matériels technologiques (TBI, TNI, projecteur interactif), en plus d’un accès à une connexion Internet représente un besoin partagé par plusieurs. Un enseignant inscrivait d’ailleurs : « j’aurais besoin de matériel informatique à jour. De plus, le TBI dans un gym est un must. Malheureusement, nous n’en avons pas » (L97). En somme, leur besoin est de disposer des mêmes dispositions technologiques que leurs collègues ont en classe. Enfin, bénéficier de contenus clés en main, qui permettent d’enseigner et d’évaluer sans devoir créer des SAÉ systématiquement, procurerait une valeur ajoutée facilitante pour ces derniers.
En parallèle, les enseignants ont besoin d’espace. Ils aspirent à une diversité de plateaux adaptés, aménagés adéquatement, multifonctionnels et en nombre suffisant, sans quoi il est difficile de terminer une SAÉ avec rigueur et satisfaction, puisque les plateaux sont occupés. Un enseignant s’exprime par ailleurs sur cette réalité en inscrivant que « les plateaux, deux gymnases, étant toujours occupés, je suis dans la cafétéria, à gérer le montage et démontage des tables à chaque cours... » (L83). D’un autre côté, les enseignants souhaitent disposer d’un bureau individuel pour optimiser leur travail et non plus devoir « partager le même bureau, gros comme un placard à balai avec un seul pupitre, avec deux autres enseignants » (L76).
En période de COVID-19, considérant les contraintes sanitaires liées à l’utilisation du matériel et la présence de bulles classes, l’équipement doit être doublement nombreux pour répondre aux besoins. Quant aux plateaux, ils doivent être en mesure d’évoluer au rythme des consignes sanitaires tout en s’arrimant avec les impératifs pédagogiques des enseignants. Un enseignant exprimait le fait que :
Nous avons perdu un plateau puisque nous ne pouvons plus enseigner en team alors nous enseignons dans la « chapelle », une salle de réunion pour faire les assemblées générales. Nous avons également perdu notre terrain de soccer/football pour y construire des maisons/classes... Ceci était notre seul terrain dans la cour.
L108
Enfin, si l’accès à du matériel technologique constitue un enjeu en situation normale, il l’est davantage en contexte pandémique où tous ont dû s’adapter à l’enseignement en ligne dans un contexte d’inégalité des ressources informatiques.
Présentation de la catégorie spécifique à la gestion de la COVID-19
En matière de répartition relative des catégories, la gestion de la COVID-19 représente 13 % (n=31) des énoncés émis par les enseignants. Les thèmes qui composent cette catégorie se distribuent tels que présentés dans le tableau 5.
Les enseignants souhaitent mettre fin le plus rapidement possible à la désinfection, au port du masque, aux bulles classes et à la distanciation sociale entre les groupes. Ces contraintes sanitaires constituent des mesures qu’ils ont acceptées, sans jamais toutefois s’y habituer. Un enseignant résumait en écrivant : « Diminuer les tâches de désinfections. Le vaccin pour diminuer le stress d’attraper le virus. De ne pas avoir à porter le masque pour enseigner afin que les élèves captent mes expressions de visage » (L13). Ainsi, ils aspirent à un retour aux conditions normales avec un enseignement en présentiel, des sports, des activités parascolaires, du coenseignement, des moyens d’action choisis dans le seul intérêt des élèves et une proximité avec ces derniers.
Dans un autre ordre d’idées, selon un enseignant, le leadership de la direction d’établissement est une condition sine qua none pour le respect des mesures sanitaires par tous les élèves. Selon lui, c’est à la direction que revient l’intervention finale auprès des élèves récalcitrants. En ajout, les nombreux changements dans les directives gouvernementales ont créé une confusion et un besoin d’obtenir des consignes claires et moins changeantes. À titre d’exemple, un enseignant espère que « le ministère de l’Éducation et le gouvernement arrêtent de modifier sans cesse ce que l’on doit appliquer au gymnase » (L9). Enfin, un autre enseignant nomme le besoin de se sentir en sécurité à l’école dans ce contexte pandémique, sans précision supplémentaire.
Présentation de la catégorie spécifique à la collaboration
En matière de répartition relative des catégories, la collaboration représente 10 % (n=24) des énoncés émis par les enseignants. Les thèmes qui composent cette catégorie se distribuent tels que présentés dans le tableau 6.
Pour les enseignants, le travail d’équipe, la collaboration et l’entraide sont au coeur d’un fonctionnement optimal. Cette collaboration participe aussi à valoriser la profession. Le partage de pratiques et d’idées avec des enseignants d’autres établissements ouvre les horizons et permet le renouvellement de pratiques pédagogiques.
En outre, renforcer les relations et les liens entre les écoles et valoriser l’ÉPS peuvent, par exemple, mener à développer un système de prêts de matériel inter-écoles. D’ailleurs, un enseignant rêve d’un partenariat encore plus large avec la communauté où les équipements sont partagés et où l’ÉPS est mise en valeur.
De plus, l’importance d’établir une collaboration plus soutenue avec les parents pour favoriser une continuité pédagogique entre l’école et la maison est nommée. Un enseignant souhaite « sentir qu’il travaille main dans la main » (L131) avec ces derniers. Pour y arriver, un autre enseignant suggère de développer une plateforme qui encouragerait leur implication dans le processus de transfert de connaissances. En parallèle, un enseignant insiste sur le besoin de responsabiliser les élèves et relève le rôle du parent dans cet apprentissage.
Que les parents fassent leur job de parents... Lire un courriel et prendre le temps de le lire, rendre leurs enfants autonomes (ouvrir un agenda, apprendre à lire son horaire de la journée, apporter son matériel, savoir attacher ses espadrilles, etc.), la non-responsabilité des parents est épuisante. (L130)
Enfin, une équipe-école qui valorise l’ÉPS et où un leadership est assumé sur ces questions participe grandement au fonctionnement optimal des enseignants en ÉPS. « Pousser dans le même sens » (L127) et être accompagné dans les différents défis professionnels sont d’autres éléments importants qui favorisent un bien-être professionnel pour ces enseignants.
Présentation de la catégorie spécifique aux ressources humaines
En matière de répartition relative des catégories, les ressources humaines représentent 8 % (n=19) des énoncés émis par les enseignants. Les thèmes qui composent cette catégorie se distribuent tels que présentés dans le tableau 7.
Les enseignants d’ÉPS souhaitent bénéficier de plus de soutien pour intervenir auprès des élèves à besoins particuliers. Ils veulent pouvoir les aider et agir mieux quand ils se désorganisent. Un enseignant nommait le besoin d’avoir « davantage de ressources humaines pour accompagner mes élèves TSA, TC et à Mobilité réduite » (L173). En ajout, leur pratique professionnelle serait maximisée s’ils avaient accès à une variété de ressources humaines supplémentaires. Par exemple, davantage de techniciens informatiques, un accompagnateur formé pour les sorties en plein air, une secrétaire, des enseignants pour combler les tâches vacantes ou du soutien plus particulier aux débutants dans la profession. À cet effet, une enseignante débutante mentionne avoir besoin « d’aide au niveau de la planification des cours ». Elle voudrait « un mentor » pour la guider et l’accompagner dans ses premiers contrats (L186).
Enfin, en période pandémique, des besoins supplémentaires ont émergé en matière d’accompagnement psychologique pour les « petits qui sont victimes des mesures sanitaires en place » (L187). Particulièrement dans le contexte de l’enseignement à distance, certains enseignants mentionnent qu’une aide est requise pour les élèves en adaptation scolaire.
Présentation de la catégorie spécifique à la tâche enseignante
En matière de répartition relative des catégories, la tâche enseignante représente 8 % (n=18) des énoncés émis par les enseignants. Les thèmes qui composent cette catégorie se distribuent tels que présentés dans le tableau 8.
Les enseignants insistent sur la nécessité de jouir d’une autonomie et d’une liberté professionnelles accrues. De nouveaux projets et d’audacieuses idées en émergeraient. Toutefois, cela ne se concrétisera qu’en ajustant la charge de travail de façon à diminuer les tâches administratives et à augmenter celles en lien avec l’enseignement. Un enseignant souhaite par ailleurs que le « travail de collaboration » (L216) soit reconnu et un autre met l’accent sur la nécessité de dédier l’ensemble des journées pédagogiques à la planification (L218). Cela favoriserait notamment l’échange et le partage entre les membres de l’équipe-école. De plus, cela met de l’avant le besoin des enseignants de recevoir des formations en concordance avec leur développement professionnel et d’obtenir des « outils clé en main » facilitant leur pratique (L228). Qui plus est, deux enseignants ont soulevé l’enjeu de la stabilité professionnelle. Ils souhaitent « travailler à temps plein » dans le domaine dans lequel ils ont été formés et être respectés dans leur « choix de carrière alors que les besoins sont là » (L221).
Enfin, deux enseignants rêvent d’un ministère de l’Éducation plus avant-gardiste et plus visionnaire, et cela, sur le plan tant de la gestion des troubles de comportements et de la santé mentale à l’école que de la santé physique des élèves. En terminant, un besoin pour un fonctionnement optimal est résumé par un enseignant qui écrit : « d’être heureux au travail » et s’y épanouir tous les jours (L232).
Présentation de la catégorie spécifique à la direction d’école
En matière de répartition relative des catégories, la direction d’école représente 6 % (n=13) des énoncés émis par les enseignants. Les thèmes qui composent cette catégorie se distribuent tels que présentés dans le tableau 9.
L’impact de la direction d’école sur la pratique enseignante est important. Développer une relation saine, significative où cette dernière fait preuve de confiance, de considération, de soutien, d’ouverture d’esprit et d’écoute constitue une pierre d’assise au fonctionnement optimal des enseignants. De surcroît, les enseignants aspirent à un leadership rassembleur soutenu par une vision à long terme où « la pédagogie » et l’importance du « sentiment de bien-être à l’école » en sont les moteurs (L191). Un leadership se manifeste entre autres par des communications claires, des règles de fonctionnement logiques, un système d’émulation et une supervision active sur le terrain.
Présentation de la catégorie spécifique aux ressources financières
En matière de répartition relative des catégories, les ressources financières représentent 5 % (n=12) des énoncés émis par les enseignants. Les thèmes qui composent cette catégorie se distribuent tels que présentés dans le tableau 10.
« Diversifier le matériel et remplacer celui désuet » (L206) est un besoin. « L’achat de matériel » (L205) de « qualité et adapté aux moyens d’action » (L208) semble être un prérequis pour un enseignement optimal. À ce jour, le budget représenterait un frein à l’obtention du matériel nécessaire et en quantité suffisante (L207). Enfin, des ressources financières supplémentaires permettraient d’actualiser les aménagements intérieurs et extérieurs de l’école, mais favoriseraient aussi la mise en place d’activités originales « pour aller vivre des activités hors écoles, inviter des professionnels, implanter des activités parascolaires » (L213).
Discussion
La pénurie d’enseignants est un problème public qui affecte le bien-être professionnel des enseignants, la tâche enseignante, les conditions de travail et la qualité de l’apprentissage des élèves (Goyette et Sirois, 2020). Devant l’urgence de la situation, une fenêtre d’opportunités s’ouvre afin de comprendre l’origine de la problématique et les solutions envisageables. En concordance avec Hassenteufel et ses collaborateurs (2020) qui suggèrent d’impliquer les professionnels touchés de près par le problème à l’étude, notamment pour la formulation de solutions, ce projet propose d’examiner les besoins identifiés par les enseignants, qu’ils estiment porteurs et favorables à un fonctionnement optimal au travail. Ainsi, selon l’hypothèse qu’un enseignant qui fonctionne de manière optimale aura moins tendance à quitter la profession, la question de recherche portant sur les besoins des enseignants semble cruciale face à la fenêtre d’opportunités contextuelle (Ravinet, 2014). En effet, les enseignants deviennent les acteurs centraux, leur donnant ainsi une voix dans la proposition d’avenues à privilégier et de solutions innovantes, concrètes et applicables. À ces fins, 174 enseignants en ÉPS ont répondu à un sondage en ligne avec une question ouverte, leur permettant d’identifier leurs principaux besoins. Cette étape, inscrite dans la boucle de l’enquête appréciative (Cooperrider et Whitney, 1998), a permis de découvrir les éléments fonctionnels, valorisés ou désirés des enseignants à l’aide d’une question positive. La prochaine étape sera de bâtir sur les perspectives préférentielles pour un changement positif.
Les résultats montrent la prédominance du besoin de temps chez de nombreux enseignants. Ceux-ci éprouvent ce besoin pour planifier davantage, collaborer avec leurs pairs et utiliser pleinement leurs journées pédagogiques à des fins pédagogiques. En parallèle, ce manque de temps fait émerger un besoin de matériel clé en main pour faciliter le renouvellement de matériel didactique. Ces résultats n’étonnent point, puisqu’en 2001, St-Jarre publiait un chapitre consacré au manque de temps des enseignants du secondaire. Dix ans plus tard, Chopin (2010) écrivait déjà que « la thématique du temps surgit régulièrement dans les discours sur l’école, suscitant à chaque fois d’intenses espoirs de changement » (p. 87), notamment parce que le temps est perçu comme une variable clé du système d’éducation. Par conséquent, à la suite de cette étude, nous proposons diverses solutions concrètes, rationnelles et accessibles à la lumière des besoins des enseignants eux-mêmes, telles que l’ajout de journées pédagogiques au calendrier scolaire, la création de périodes annuelles d’échange, de partage et de ressourcements au sein de l’équipe-école, la création de journées administratives réservées aux réunions et aux tâches administratives, ou encore le développement de matériel clé en main pour permettre aux enseignants de s’en inspirer dans la pratique et de la renouveler.
De surcroît, il apparaît incontournable de considérer les besoins des enseignants depuis le projet de Loi 40 (2020), puisqu’ils deviennent responsables et autonomes de leur développement professionnel quant à l’organisation et la mise en oeuvre de 30 heures de formation continue sur deux ans (Projet de loi no40, 2020). L’accès autonome à la formation continue est vu d’un oeil favorable, tant qu’en parallèle, il y a du temps prévu et accordé pour le réinvestissement des nouvelles connaissances dans la pratique. À l’instar de Solar (2001), il faut continuellement s’interroger sur la qualité des dispositifs de formation continue, l’engouement et l’engagement des enseignants dans de telles activités, et les retombées de celle-ci.
Les résultats font aussi ressortir un besoin de ressources matérielles de base, à la fois du matériel didactique pour l’enseignement des moyens d’action spécifiques à l’ÉPS, ainsi que du matériel informatique et l’accès à des connexions Internet dans le gymnase. D’autres mentionnent tout simplement le besoin d’avoir un espace d’enseignement (gymnase) réservé à l’enseignement de l’ÉPS plutôt que partagé selon les activités annuelles en vigueur (cafétéria, fêtes annuelles, photo de classe, etc.), ou un espace de travail personnel (bureau) plutôt qu’un bureau partagé à plusieurs enseignants. Somme toute, ces besoins semblent relativement accessibles si l’on considère que les enseignants d’une école devraient tous avoir un espace d’enseignement (salle de classe, gymnase, local spécifique aux options), ainsi qu’un accès facilitant à du matériel didactique et informatique. De manière générale, ces résultats sur le besoin de ressources matérielles complètent ceux des études qui abordent des sujets spécifiques tels que l’avènement du numérique en ÉPS (Rolland et al., 2019; Granger et al., 2022), l’enseignement du plein air (Maziade et al., 2018), l’intégration des élèves à besoins particuliers (Huot, 2008) ou encore sur les formations spécifiques (Tapin et al., 2018). En conséquence, les besoins exprimés par les enseignants d’ÉPS nous amènent à proposer les solutions suivantes : un accès identique et égalitaire entre tous les enseignants de l’école à du matériel didactique, du matériel informatique, une connexion Internet, un espace d’enseignement attitré et un espace de travail personnel propre à chacun. Dans cette perspective, un besoin parallèle serait comblé, à savoir celui de la valorisation de l’enseignant en ÉPS qui pourrait avoir le sentiment d’être diminué par rapport aux enseignants des autres disciplines, notamment en raison de cette inégalité des conditions de travail.
Finalement, il est intéressant de constater que les besoins des enseignants sont relativement semblables en contexte régulier et en contexte de crise sanitaire. En effet, chaque catégorie contient un thème propre au contexte pandémique. Cela renvoie à l’idée que les besoins exprimés par les enseignants d’ÉPS sont persistants et transférables aux différents contextes vécus. En effet, parmi ceux qui ont été nommés, le temps figure parmi les besoins essentiels des enseignants pour les aider à composer avec les changements constants et incertains (Stoloff et al., 2020). Ensuite, le souhait d’avoir du matériel clé en main propre à la discipline a été nommé par les enseignants de façon à les aider à réagir rapidement aux changements de plateaux, de groupes-élèves, de mesures sanitaires, etc. Cela étant dit, même en ayant un matériel clé en main, les enseignants s’inspirent des contenus et jouent de leur liberté pédagogique pour répondre aux besoins spécifiques de leurs élèves (Huchette et al., 2017). Pour terminer, comme l’avaient identifié Stoloff et Goyette (2022), l’augmentation des ressources humaines apparaît comme un besoin pressant de façon à optimiser l’accompagnement des élèves ayant des besoins particuliers en matière d’apprentissage et d’adaptation, certes, mais aussi sur le plan d’un soutien psychologique, car les enseignants ne se sentent pas suffisamment outillés pour faire face aux difficultés actuelles.
Conclusion
Cette étude a permis d’identifier les besoins les plus significatifs des enseignants eux-mêmes, ici spécifique à l’ÉPS, et de constater qu’ils sont comparables aux autres disciplines. Les besoins de temps et de ressources matérielles ont été les plus cités. De plus, cet article a mis en lumière le fait que ces besoins se répètent au-delà du contexte régulier, puisqu’ils sont présents en situation de pandémie. Cela laisse présumer qu’ils sont persistants et au coeur d’un fonctionnement optimal en enseignement. Pour conclure, les résultats de l’étude ont permis de proposer des actions et des ressources spécifiques aux besoins des enseignants de façon à stimuler leur mise en place par les acteurs scolaires et politiques. En effet, dans une période considérée comme une fenêtre d’opportunité, Hassenteufel et ses collaborateurs (2020) considèrent la prise en compte des solutions proposées par les acteurs centraux comme une avenue incontournable et efficace. La prochaine étape sera de compléter ces connaissances par l’entremise d’études auprès des enseignants des autres disciplines.
Parties annexes
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