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La conseillance pédagogique au service des écoles québécoises est la première monographie publiée se concentrant sur le thème de la conseillance pédagogique. C’est ce qu’affirme Isabelle Vachon, co-directrice de l’ouvrage avec Suzanne Guillemette et Ginette Vincent. Une recherche rapide dans les bases de données bibliographiques en éducation confirme que l’ouvrage est inusité. Ainsi, un livre sur ce thème est novateur. D’abord, l’ouvrage collectif reflète l’évolution de la profession dans le milieu. Le chapitre 1, rédigé par Guertin-Wilson, en fait état. Ensuite, la publication récente du Référentiel de l’agir compétent en conseillance pédagogique (Guillemette et al, 2019) rend compte également de l’avancement de cette profession dans le milieu éducatif. Ce cadre de référence pour les CP est aussi la source du fil conducteur de l’ouvrage qui fait l’objet de cette recension. En effet, les concepts principaux de ce référentiel se retrouvent dans les textes. Il s’agit de l’agir compétent, de l’intelligence de la situation, des situations professionnelles emblématiques (conseiller, former, accompagner et innover) et des exigences professionnelles transversales (agir éthique, communication et intelligence de la situation).

Commentaires généraux

En examinant la forme du livre dans son ensemble, on constate que le contenu est généreux : 15 chapitres d’une dizaine de pages se succèdent. Des 26 auteur.e.s de chapitres, la plupart sont conseiller.ère.s pédagogiques (CP) (9) ou professeur.e.s universitaires (12) en éducation. Par ailleurs, la contribution par des champs connexes d’intervention démontre la portée du livre : certain.e.s auteur.e.s sont issus du domaine de l’ergonomie (chapitre 14), de la psychoéducation (chapitre 5) et de la psychologie du travail (chapitre 14).

La majorité des articles illustrent des principes ou explicitent une démarche qui permet de mieux comprendre le métier de conseillance pédagogique et les enjeux associés en milieu scolaire. En outre, plusieurs articles fournissent des outils pour la pratique professionnelle, comme des grilles d’observation (chapitre 5 et 9) ou des tableaux de référence (chapitre 2, 7, 10, 11, 13 et 14).

Quelques éléments ont retenu notre attention. D’abord, Clavel (chapitre 2) inclut dans son chapitre son parcours professionnel qui l’a menée au métier de CP. Cette lecture est pertinente pour ceux et celles qui envisagent de se lancer dans la profession. Ensuite, il faut souligner l’originalité du texte de Guillemette (chapitre 6). Son analogie du guide de randonnée est intéressante et permet d’appréhender la transversalité du concept d’intelligence de la situation, une exigence de la profession.

Portrait du livre sous l’angle de la situation pédagogique de Legendre (2005)

Le chapitre 6, qui vise un objet d’apprentissage spécifique, incite à présenter le livre sous l’angle des composantes du modèle de la situation pédagogique de Legendre (2005), soit l’objet, l’agent, le sujet et le milieu. D’ailleurs, Guay et Gagnon (chapitre 10) ont choisi de construire leur modèle d’accompagnement vers un développement professionnel des enseignant.e.s en prenant ce modèle comme pierre d’assise.

Comme mentionné plus haut, d’autres auteur.e.s mettent l’accent sur l’objet d’apprentissage. C’est le cas de Lardeux et Simard (chapitre 3) avec l’accompagnement de la mise en oeuvre de réponse à l’intervention, de Giguère (chapitre 11) qui aborde la stratégie du cercle pédagogique, de Vachon (chapitre 9) qui a choisi la conservation courageuse pour faciliter la communication collaborative et de Lafortune (chapitre 7) qui se centre sur la dimension affective dans l’accompagnement. Si des expériences de conseillance rapportées touchent à une discipline spécifique comme les sciences (Deslandes et al., chapitre 12) ou le français (Vachon et al., chapitre 13), des expériences de CP dans un milieu éducatif d’intervention spécifique pourraient aussi attirer le lecteur. En outre, Deslandes et al. (chapitre 12) et Vachon et al. (chapitre 13) rapportent des expériences de conseillance faites au secondaire. C’est aussi le cas de Granger (chapitre 4) qui a choisi de partager une expérience d’accompagnement où les enseignant.e.s travaillent avec des élèves à risque ou HDAA. Le chapitre 5 se rapproche du contexte du chapitre 4 puisque Denis est aussi préoccupée par l’accompagnement dans un contexte de vulnérabilité.

Quant au sujet, la démarche d’intervention peut être ciblée pour des individus ou des collectifs. L’importance de la collaboration est régulièrement soulignée particulièrement dans les contextes collectifs d’interventions. C’est le cas du chapitre 13 où Vachon et al. proposent d’associer les compétences des CP et des directions pour déployer une compétence conjuguée.

Évidemment, dans les contextes collectifs, les sujets d’apprentissage peuvent être les agents d’apprentissage des autres. Ceci est présent chez Granger (chapitre 4) et chez Vachon (chapitre 9), par la communauté de pratique (CoP) et le cercle pédagogique. D’autres chapitres décrivent des expériences collectives d’accompagnement, Deslandes et al. (chapitre 12) proposent un modèle novateur dans un Centre de services scolaire qui implique une approche collaborative auprès de groupes de taille variée (e.g. dyade CP-direction) et de dynamique plurielle d’échange et de composition (chercheur.e.s, enseignant.e.s, etc.) pour la réflexion.

Dans un contexte centré sur la formation individuelle, plusieurs pistes pour soutenir l’autoformation ou développer l’analyse réflexive des CP sont présentées dans ce livre, et ce, principalement par les auteur.e.s suivant.e.s : Lafortune (chapitre 7), Vachon (chapitre 9), Guay et Gagnon (chapitre 10) et Vacher (chapitre 15).

Forces et faiblesses de l’ouvrage

Une des forces du livre est son contenu diversifié qui reflète bien la complexité, la variété et la singularité de la conseillance pédagogique selon les milieux d’intervention. En ce qui concerne l’organisation, l’ouvrage est bien conçu dans l’ensemble. Certain.e.s. auteur.e.s ont fait un excellent travail de rédaction de leur chapitre. Bien que certains textes soient dits professionnels et d’autres dits scientifiques, la qualité de l’écriture varie aussi.

La principale faiblesse de ce collectif est l’inégalité dans la qualité de la structure, la cohérence du texte et l’intégration des tableaux et des figures. De plus, il est étonnant de retrouver quelques références dont la validité est questionnable. En effet, des références de psychologie populaire (Fontaine (2010), chapitre 5) ou celle d’un chercheur controversé (Hattie (2012), chapitre 14) sont utilisées dans le texte sans avoir fait l’objet d’un regard critique.

Une deuxième critique concerne les défauts transversaux qui auraient pu être évités. Bien que ce soit difficilement évitable, il reste quelques coquilles typographiques. En matière d’organisation du texte, la lecture pourrait être facilitée par l’insertion de sous-titres hiérarchisés et numérotés et par l’ajout d’un index. En ce qui concerne l’aspect éthique de l’écriture, les textes n’ont pas fait l’objet d’une écriture épicène. Ce choix éditorial nous apparaît surprenant dans un contexte professionnel où la diversité de genres est en augmentation et où la proportion de femmes est très élevée.

Conclusion

Pour conclure, la direction de ce collectif a réussi son pari, soit de « mettre en lumière une réalité dans laquelle oeuvrent les CP et démontrer, par conséquent, leur place à titre de membre professionnel essentiel dans le milieu de l’éducation » (p.226). Cet ouvrage sérieux, bien qu’imparfait, a aussi le mérite de présenter plusieurs points de vue sur la conseillance pédagogique et de stimuler la diffusion de résultats d’intervention et de recherche auprès d’acteur.trice.s du milieu qui n’ont pas toujours l’occasion de le faire. D’autres ouvrages sur ce thème sont souhaitables en améliorant la rigueur et la qualité de l’édition.