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Introduction

Les premières années d’entrée en fonction à titre d’enseignant[1] sont ponctuées de nombreux défis. Il importe donc de se préoccuper du bien-être des enseignants novices lors de leur insertion professionnelle pour favoriser leur persévérance et la rétention de ces derniers dans la profession (Goyette, 2021). Mukamurera et al. (2013) ont identifié cinq dimensions à prendre en considération pour soutenir les enseignants novices lors de cette période, soit l’intégration à l’emploi, l’affectation spécifique et les conditions de la tâche, la socialisation organisationnelle, la professionnalité et la dimension personnelle et psychologique.

Dans le cadre de cette chronique, nous présentons trois différentes ressources qui ont été proposées à des enseignants-mentors engagés dans un dispositif de développement professionnel offert par leur centre de services scolaire (Gagnon et al., à paraitre). Une des intentions du dispositif était qu’ils puissent soutenir les enseignants novices en portant une attention particulière à la dimension personnelle et psychologique, puisque cette dernière est souvent négligée dans les programmes de formation initiale (Leroux et al., 2016). Voici donc un descriptif des trois ressources proposées.

Présentation des ressources

Première ressource : un modèle pour prendre en considération le bien-être des enseignants novices dans une perspective de psychologie positive

Pour outiller les enseignants-mentors au regard de la prise en considération du bien-être des enseignants novices, nous avons adopté la perspective de la psychologie positive qui est « l’étude des conditions et des processus qui contribuent à l’épanouissement ou au fonctionnement optimal des personnes, des groupes et des institutions. » (Gable et Haidt, 2011, p. 31) Comme le bien-être est un concept polysémique et qu’il a été étudié par plusieurs auteurs au cours des dernières décennies (Boniwell et Henry, 2007), il était essentiel de s’en donner une représentation partagée avec les enseignants-mentors. Plus spécifiquement, nous avons retenu la proposition de Seligman (2013), décrivant cinq composantes, qui, combinées de façon inédite en fonction des situations et des personnes, permettent à ces dernières d’éprouver du bien-être. Les cinq composantes sont les suivantes : la création de relations positives, la réussite, pouvant également être envisagée comme de l’accomplissement, l’engagement dans des activités provoquant des états de flow[2], la recherche de sens et l’expérience d’émotions positives.

Dans le cadre d’un accompagnement mentoral, il est possible de porter attention à ces différentes composantes lors des échanges avec l’enseignant novice. Voici des exemples de questions pouvant être adressées à ce dernier pour l’aider à porter une attention à ses conditions de bien-être dans le partage de différentes situations professionnelles expérimentées. De façon globale, il est possible de demander à la personne : comment t’es-tu sentie dans cette situation ? As-tu éprouvé du bien‑être ? Que ce soit le cas ou non, il est possible d’explorer les différentes dimensions pour permettre à l’enseignant novice de se redonner un pouvoir agir sur la situation :

  • Quel sens donnes-tu à cette expérience ?

  • En quoi cette situation t’a-t-elle permis ou non de t’accomplir ? Quelles sont tes réussites dans cette situation ?

  • Est-ce que cette situation te permet de vivre et de développer des relations positives ?

  • En quoi cette situation a-t-elle généré des émotions positives ? Lesquelles ?

  • En quoi cette situation a-t-elle été une source d’engagement (flow) pour toi ?

L’échange autour des composantes du bien-être permet à l’enseignant novice d’explorer plusieurs angles d’analyse et de se redonner du pouvoir agir pour améliorer son bien-être dans la situation professionnelle décrite.

Deuxième ressource : une typologie des forces de caractère

En insertion professionnelle, l’enseignant novice a encore beaucoup d’apprentissages à réaliser et des compétences à développer pour se sentir à l’aise dans sa vie professionnelle. Il peut être porté à se centrer sur ses lacunes et envisager les défis comme étant insurmontables. En s’appuyant sur différentes recherches, Dubreuil et al. (2012) ont mis en lumière qu’il est plus avantageux de s’orienter vers le développement de ses forces pour atteindre la réussite que d’investir trop d’énergie dans la correction des faiblesses. Mais lorsqu’on parle de forces, de quoi s’agit-il ? Peterson et Park (2005) ont identifié 24 forces de caractère universelles et des outils permettant de découvrir ses principales forces[3]. Voici un tableau présentant les 24 forces de caractère réparties en 6 catégories, aussi appelées vertus.

Tableau 1

Forces de caractère

Forces de caractère

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Dans le cadre d’une rencontre d’accompagnement mentoral, lorsque l’enseignant novice partage les défis rencontrés dans diverses situations professionnelles, l’accompagnateur peut l’aider à identifier et mobiliser ses forces pour composer avec la situation en lui posant différentes questions.

  • Quelles sont tes forces de caractère qui pourraient être utiles pour résoudre cette situation ?

  • Comment pourrais-tu les combiner et les utiliser dans cette situation ?

L’utilisation des forces de caractère représente un moteur qui permet d’augmenter le bien-être dans ses différentes composantes. En ce sens, le modèle de bien-être de Seligman (2013) et la typologie des forces de caractère (Peterson et Park, 2005) sont deux ressources complémentaires et interdépendantes pouvant être mobilisées lors des rencontres mentorales. Voici une figure résumant notre définition du bien-être (Gagnon, 2020, p. 26) qui comprend les 5 composantes, ainsi que les 24 forces de caractère réparties en 6 catégories.

Figure 1

Le bien-être et les forces de caractère

Le bien-être et les forces de caractère

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Troisième ressource : une démarche de communication non violente

Il arrive parfois que l’enseignant novice relate une situation difficile générant des émotions et des sentiments variés. Cette situation peut être passée ou à venir. Par exemple, il peut s’agir d’une rencontre avec un parent d’élève en difficulté, d’un inconfort dans la collaboration avec un collègue, de la préparation d’une rencontre de supervision avec la direction, etc. L’enseignant-mentor peut aider l’enseignant novice à prendre du recul sur une situation passée ou à préparer une communication en utilisant les quatre étapes de la communication non violente (Rosenberg, 2005). Cette démarche est très utile pour permettre à l’enseignant novice de mettre des mots sur ses sentiments et ses besoins et lui redonner un pouvoir agir dans la situation difficile. La première étape consiste à demander à la personne de décrire la situation en se basant sur des faits, des observations, sans émettre aucun jugement ou aucune interprétation. Par la suite, la personne est invitée à identifier ses émotions et sentiments suscités par la situation, que cette dernière soit passée ou à venir. Selon l’approche de Rosenberg (2005), le sentiment est toujours révélateur d’un besoin qui doit être pris en compte pour se sentir bien. L’enseignant-mentor peut guider l’enseignant novice afin d’identifier le ou les besoins non comblés. Ces besoins sont sous l’entière responsabilité de la personne et liés à des valeurs importantes. Finalement, la dernière étape permet à la personne de formuler une demande à soi ou à l’autre personne concernée. Voici une brève explication des quatre étapes dans un tableau (tableau 2) et des questions de base pour guider un enseignant novice à travers les quatre étapes.

Tableau 2

Les quatre étapes de la démarche de communication non violente

Les quatre étapes de la démarche de communication non violente

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Conclusion

La période d’insertion professionnelle comporte plusieurs défis pour l’enseignant novice et il importe de lui offrir un soutien dans le cadre de différents dispositifs, afin de prendre en compte ses besoins relatifs aux différentes dimensions de l’insertion professionnelle (Carpentier, 2019 ; Mukamurera et al., 2013). L’accompagnement mentoral est un dispositif approprié pour considérer la dimension personnelle et psychologique de l’insertion professionnelle, en portant une attention particulière au bien-être de l’enseignant novice (Gagnon et al., à paraitre). Dans cette chronique, nous avons décrit trois ressources expérimentées avec des enseignants-mentors, dans le cadre d’un dispositif de développement professionnel offert dans un centre de services scolaire. Ces ressources sont apparues comme étant utiles dans le cadre de leur accompagnement mentoral et pourraient inspirer d’autres mentors à la recherche de moyens variés pour soutenir l’enseignant novice en toute bienveillance.