Recensions

Roelens, C. (2021), Manuel de l’autorité : la comprendre et s’en saisir. Lyon : Chronique sociale[Notice]

  • Christophe Point

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  • Christophe Point
    Université de Sherbrooke (Canada)

À l’instar de Arendt, Gauchet, Ricoeur, Prairat, Foray, Camille Roelens part du constat qu’exercer l’autorité ne va plus de soi, et qu’à l’heure des sociétés démocratiques, cette dernière n’est plus une évidence. De plus, dès l’introduction, il montre à quel point l’autorité est un concept à la fois vaste, problématique, ancien, mais aussi difficilement identifiable lorsque tout va bien. En effet, définir l’autorité comme « un moyen d’avoir une influence sur quelqu’un sans avoir à lui imposer ses actions » (p. 21) montre bien la difficulté de cerner ce concept. Pourtant, l’auteur s’y essaie avec conviction. En ce sens, il fait oeuvre de philosophe, car au-delà de la multiplicité des figures et des expériences de l’autorité, l’auteur cherche à indiquer ce qui est commun à toutes ces formes et qui constituerait la « bonne » autorité (au sein des sociétés démocratiques modernes). Cette recherche nous guide tout au long de l’ouvrage à partir du point de départ suivant. L’autorité serait au coeur d’une relation entre des individus conscients de construire cette relation d’une certaine façon, c’est-à-dire en établissant un certain partage des responsabilités reconnues (tacitement et momentanément) comme légitimes par les membres de cette relation. Or, lorsque le partage d’un butin nous semble mauvais, c’est parce que notre part est soit trop faible (on critiquera alors dans ce cas les excès d’autorité d’autrui), soit trop importante (on déplorera alors le manque d’autorité des uns et des autres) (p. 16-17). On le comprendra, l’autorité devient une composante relationnelle, une « influence » (p. 21), cherchant à reconnaitre puis équilibrer la responsabilité et l’autonomie de chacun. Cette idée va alors se déplier en trois chapitres. Dans le premier chapitre, l’auteur s’affaire, à la suite des travaux de Gauchet, à montrer en quoi l’autorité est un invariant anthropologique des sociétés humaines qui leur permet de durer dans le temps en fluidifiant les relations interindividuelles en son sein. En ce sens, l’autorité appartient au monde social, et, pour nos démocraties modernes, l’exigence d’une autonomie individuelle et collective teinte désormais son incarnation quotidienne. En effet, selon Gauchet, l’idée moderne d’appartenir à une société où chacun est, en droit, également libre nécessite un travail de transformation de l’autorité en faveur de l’apprentissage de l’autonomie (pour pouvoir jouir, comme mes égaux, de mes droits). Être auteur de sa vie grâce à l’autonomie, qu’elle soit individuelle ou collective, nécessite donc des outils pour initier et accompagner les individus à cette double injonction à la responsabilité et à la liberté. Et l’autorité est devenue un de ces outils. Dans ce deuxième chapitre, l’auteur s’attache à expliciter les différents usages de l’autorité pour la définir au-delà de ce qu’elle n’est pas (le pouvoir, le droit, la violence, la manipulation, l’autoritarisme, etc.) ou ce qu’elle n’est plus. En effet, l’auteur distingue bien ici l’autorité traditionnelle, qui se fondait, d’une part, sur la reconnaissance partagée « d’une supériorité incontestable de certains sur d’autres » (p. 47) et, d’autre part, sur la priorité du collectif sur l’individuel, mais qui n’est plus l’autorité d’aujourd’hui. Cependant, de nos jours, l’autorité garde ceci en commun avec sa forme traditionnelle la nécessité de faire reconnaitre sa - parfois ô très fragile - légitimité (p. 53). Ces usages, ou fonctions, de l’autorité moderne sont ainsi l’autorisation (de vivre telle ou telle expérience), l’augmentation (de ses capabilités et de son autonomie) et le fait de rendre auteur (de ses choix et de son bonheur) des individus. Ils permettent à Camille Roelens de définir l’autorité comme suit : « toute proposition de médiation entre les individus ou entre un individu et le monde, impliquant l’influence d’un individu sur un autre, …