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Introduction

Au Québec, il y a consensus autour du fait que l’établissement d’une collaboration entre la famille et les milieux éducatifs est incontournable pour répondre pleinement aux besoins de l’enfant à l’éducation préscolaire (Leboeuf et Bouchard, 2019). Dans le contexte de la maternelle (4 ans et 5 ans), le programme éducatif québécois souligne que l’école a la responsabilité de se mobiliser avec la famille pour s’assurer d’accueillir l’enfant tel qu’il est, et ce, quels que soient ses besoins (MEES, 2021). Pour le personnel scolaire, la prise en compte de la diversité de ces besoins n’est pas nécessairement simple, d’autant plus qu’il existe des écarts dans les niveaux de développement des enfants à la maternelle. À ce sujet, des recherches ont démontré que l’implication de la famille peut entraîner une diminution de ces écarts en influençant positivement différents aspects du développement (p. ex. : pensée mathématique, expression orale) (Schneider et al., 2010).

Dans le présent article, nous mettrons d’abord en évidence la complexité de la collaboration école-famille (EF). Ensuite, nous traiterons de ce concept dans le contexte de la maternelle 4 ans puisque ce service éducatif fait maintenant partie de la première transition scolaire de plusieurs enfants québécois. Enfin, la problématique sera posée au regard de la situation des enfants présentant des besoins considérés particuliers (EPBCP).

Une collaboration nécessaire, mais complexe

Le concept de collaboration renvoie à un engagement entre des acteurs qui sont amenés à partager entre autres des savoirs, des valeurs, des intérêts afin d’atteindre une cible commune (Portelance, 2011). Des éléments relationnels tels que les attitudes et les croyances interviennent dans l’établissement de la collaboration tout comme des éléments organisationnels tels que les ressources disponibles et les pratiques. La prise en compte de tous ces éléments rend la collaboration complexe, ce qui peut engendrer des défis. Ainsi, une implication moindre des acteurs, comme l’absence à des activités, ou encore une faible ouverture à l’autre, comme le peu d’importance accordée aux idées des parents, peuvent notamment nuire à la qualité de la relation (Larrivée, 2011). La communication entre la famille et l’école, bien qu’elle soit une porte d’entrée à la collaboration, peut aussi s’avérer problématique si elle entraîne des confusions ou des insatisfactions, si elle est peu fréquente et si elle est souvent associée à des situations négatives qui concernent l’enfant (p. ex. : appel aux parents pour aviser d’un conflit ayant eu lieu) (Deslandes et Jacques, 2004). De plus, la capacité de l’enfant à s’ajuster aux modifications s’opérant dans son environnement au moment de la transition vers la maternelle peut être affectée si la relation entre l’école et la famille est difficile (Jacques et Deslandes, 2002).

La situation de la collaboration école-famille à la maternelle 4 ans

La maternelle 4 ans a considérablement évolué à travers les années au Québec. Elle a d’abord été accessible à mi-temps pour certains enfants vers la fin des années 1970, pour ensuite être offerte à temps plein à partir de 2013 dans des milieux défavorisés (Labbé, 2019). Depuis l’année scolaire 2020-2021, la maternelle 4 ans temps plein (TP) est devenue accessible à tous les enfants du Québec. Or, une recension des écrits révèle que peu de recherches ont été réalisées dans le contexte de la maternelle 4 ans TP à l’heure actuelle au Québec et qu’elles ont essentiellement porté sur l’implantation et la qualité éducative du service. La réalité du personnel scolaire impliqué tout comme celle des enfants qui font partie de ces classes sont encore peu étudiées (Dumais, 2019 ; Fortin, 2020).

La collaboration EF a plus précisément été étudiée dans le cas des services de garde éducatifs à l’enfance (Coutu et al., 2005) et elle a été abordée dans certaines recherches à la maternelle 5 ans (p. ex. : Deslandes et Jacques, 2004), mais le cas de la maternelle 4 ans TP demeure encore peu connu. En effet, nous avons recensé seulement deux recherches qui ont traité de la collaboration EF dans ce contexte et elles ont pris place alors que ce service éducatif visait encore uniquement des milieux défavorisés et non l’ensemble des enfants (April et al., 2018 ; Dumais, 2019). Ces recherches ont entre autres souligné la nécessité de laisser une plus grande place aux parents dans l’école et d’encourager une culture de la collaboration. En ce sens, un besoin de poursuivre les recherches subsiste en ce qui concerne la collaboration EF à maternelle 4 ans TP. Le manque de données est encore plus criant lorsque l’enjeu de la prise en compte de la diversité des besoins des enfants se présente (Dumais, 2019).

La situation des enfants présentant des besoins considérés particuliers

L’expression « enfant présentant des besoins considérés particuliers » est retenue pour faire référence à l’enfant qui a besoin d’être soutenu par une attention supplémentaire selon des acteurs qui entourent cet enfant (p. ex. : personnel scolaire, famille) (inspiré de Bélanger, 2015). Plusieurs parents d’EPBCP sont préoccupés par la recherche de moyens et de ressources pouvant aider à améliorer l’expérience scolaire de leur enfant (Larivée et al., 2006). Or, la responsabilité qui incombe au milieu scolaire québécois de prendre en compte les besoins éducatifs de tous les enfants afin de soutenir leur réussite n’est pas simple. À ce sujet, certaines enseignantes tiendraient peu compte de la diversité en classe et parviendraient difficilement à la percevoir comme une ressource plutôt que comme un problème (Prud’homme et Ramel, 2016). Par exemple, à la maternelle 4 ans TP, certaines enseignantes tendraient à avoir un regard dit « centré sur les manques » de l’enfant plutôt qu’à reconnaître ses forces et son potentiel (April et al., 2020). Plusieurs enseignantes de la maternelle mettraient d’ailleurs en oeuvre des pratiques éducatives scolarisantes, ce qui répondrait moins aux besoins développementaux des enfants que des pratiques visant le soutien au développement global de l’enfant (Bédard, 2010 ; Marinova et al., 2020).

L’existence de ces enjeux pointe la nécessité de collaborer avec la famille pour aider au processus d’inclusion des enfants à l’école (Chatenoud et al., 2016). Il s’agit effectivement d’un levier pour faciliter la prise en compte de leurs caractéristiques, de leurs potentialités et de leurs besoins (MEES, 2021). Toutefois, il demeure que la relation entre les acteurs scolaires et les familles d’EPBCP peut notamment être affectée par des différences de perceptions, des inconforts, des craintes, des frustrations, des besoins non compris ou encore non répondus (Deslandes, 2015). La réussite de l’entrée dans le monde scolaire étant grandement déterminante pour la suite du cheminement des EPBCP (Goupil et al., 2015), la collaboration EF dès l’arrivée à la maternelle s’avère incontournable.

Conclusion

Finalement, bien qu’elle soit reconnue comme étant avantageuse pour les acteurs impliqués, la collaboration EF ne vient pas sans ses défis, notamment lorsqu’elle prend place à la maternelle et en ce qui concerne la prise en compte de la diversité des besoins des enfants. Plus précisément, le manque actuel de données de recherche à la maternelle 4 ans TP au sujet de la collaboration EF et les EPBCP fait ressortir plusieurs questions qui demeurent actuellement sans réponses. Quels sont les bénéfices, les défis et les besoins émanant de cette collaboration selon des membres du personnel scolaire et selon des familles ? Quelles sont les pratiques éducatives de collaboration jugées favorables pour le développement des EPBCP ? Répondre à ces questions paraît donc essentiel dans le contexte du déploiement de la maternelle 4 ans TP à travers le Québec afin de participer à combler un vide scientifique en recherche. Enfin, considérant l’importance à l’éducation préscolaire qui doit être accordée aux pratiques visant à aller à la rencontre des familles de manière à mieux répondre à leurs besoins et à mieux tenir compte de leurs intérêts selon la Commission sur l’éducation en petite enfance (Bigras et al., 2020), il devient nécessaire de poursuivre les recherches en ce sens.