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Plusieurs théories de l’apprentissage découlent du courant humaniste. Toutefois, seulement deux d’entre elles sont explicitées dans le programme de formation de l’école québécoise (PFEQ) (ministère de l’Éducation du Québec [MEQ], 2001), soit le constructiviste et le socioconstructiviste. D’ailleurs, le socioconstructivisme est une des approches sous-entendues dans le programme d’éducation préscolaire (MEQ, 2001). Dans cette chronique, nous préciserons la place de l’enfant et celle de l’enseignante dans des approches socioconstructivistes appelées approches éducatives intégrées.

La perspective socioconstructiviste

La perspective socioconstructiviste s’intéresse aux êtres humains, en l’occurrence, en contexte d’éducation préscolaire, aux enfants, et met l’accent sur leurs besoins, leurs intérêts, leurs sentiments, leur créativité et leur capacité de faire des choix. Le courant humaniste et la perspective socioconstructiviste s’intéressent au développement personnel, social et cognitif des enfants et valorisent l’empathie et le respect inconditionnel perçus comme étant capables de développer l’ensemble de leur potentiel humain (Cornelius-White, 2007).

La perspective socioconstructiviste semble indiquée pour répondre aux besoins de l’enfant et est centrée sur le développement de son plein potentiel. De plus, elle place l’enfant au coeur de son développement et de ses apprentissages. Cette place dépend étroitement de celle donnée par l’enseignante. La perspective socioconstructiviste, par ses caractéristiques centrées sur les besoins et le développement de l’enfant, suppose des approches éducatives intégrées (AEI) misant sur l’importance du rôle de l’enseignante.

Les approches éducatives intégrées

Les AEI comprennent notamment l’approche développementale et le Developementally Appropriate Practice (DAP) (St-Jean, 2020). Elles mettent l’accent sur l’initiative de l’enfant interagissant avec les différentes dimensions du développement et les différents apprentissages, dans un contexte de jeu naturel, mais guidé par l’adulte. L’enfant y joue un rôle actif dans l’acquisition de savoirs qui doivent être signifiants et contextualisés. Ainsi, l’enseignante est une facilitatrice et une médiatrice auprès de l’enfant pouvant offrir un étayage à son développement et ses apprentissages (Ponitz et al., 2009). Par le fait même, la perspective socioconstructiviste et les AEI visent l’établissement d’une relation respectueuse entre l’enseignante et les enfants (Ponitz et al., 2009) en s’appuyant sur des postulats du courant humaniste qui stipulent que les enfants possèdent des compétences, des habiletés et des connaissances et qu’ils utilisent des stratégies, tout en ayant besoin de soutien et d’encouragement.

Les AEI se déclinent en plusieurs principes pédagogiques qui guident les pratiques des enseignantes

  1. Créer un lien positif avec les enfants afin qu’ils se sentent bien et en confiance dans la classe. Lorsque l’enseignante établit une relation positive avec l’enfant, ce dernier se sent alors en sécurité et il peut ainsi se permettre d’explorer son environnement.

  2. Découvrir par l’expérimentation et par les essais et les erreurs, ce qui implique que les enfants apprennent par eux-mêmes. Pour ce faire, l’enseignante peut laisser une place importante à la découverte et mettre à profit du matériel et des objets qui créent un milieu de vie varié, riche et stimulant au service du développement et de l’apprentissage.

  3. Apprendre est le reflet d’un processus social. Ce processus d’interactions sociales se caractérise par le partage des observations, des relations, des procédures que les enfants réalisent. L’enseignante laisse une grande place aux interactions afin que les enfants puissent coconstruire lors des échanges.

  4. Soutenir par le jeu chez les enfants. Pour y parvenir, l’enseignante laisse du temps afin que les enfants planifient, préparent et développent leur jeu et s’y épanouissent. Le jeu fournit le contexte le plus stimulant donnant un sens aux apprentissages. Il favorise l’intérêt, la prise d’initiative, la construction de la pensée et l’engagement des enfants.

  5. Susciter de la curiosité et les intérêts des enfants qui motivent leurs apprentissages et leur donnent du sens. Amorcer les activités en se basant sur les connaissances des enfants permet que des apprentissages significatifs se réalisent.

  6. Respecter le propre rythme de développement des enfants. Cette notion de respect du rythme de maturité et de la singularité de chacun s’avère primordiale pour le développement du plein potentiel des enfants.

  7. Développer l’ensemble des dimensions du développement des enfants puisqu’elles sont étroitement liées, ce que nous nommons par le terme « développement global ». Comme le souligne Bouchard (2019), un apprentissage spécifique peut faire « boule de neige » et favoriser une autre dimension.

En somme, les principes pédagogiques des AEI sont centrés sur l’enfant dans son développement et reconnaissent l’importance du rôle des enseignantes dans le développement des enfants (voir figure 1). Le continuum circulaire de la figure 1 permet de mettre en évidence l’interrelation des principes pédagogiques, illustrant leur impact mutuel.

Figure 1

Approche centrée sur le développement de l’enfant

Approche centrée sur le développement de l’enfant

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Les résultats notre thèse (St-Jean, 2020) suggèrent que les pratiques enseignantes basées sur les principes pédagogiques des AEI ne sont pas toujours mises en place dans les classes d’éducation préscolaire. Ils suggèrent plutôt des pratiques enseignantes oscillant entre une posture centrée sur l’enfant et une posture de transmission directe. Les résultats suggèrent des pratiques enseignantes qui s’inscrivent partiellement dans une approche des AEI. En effet, lors des observations, quelques principes pédagogiques de l’AEI étaient plutôt absents, notamment l’importance de la découverte, de l’expérimentation et des essais-erreurs, le respect du rythme de développement et le principe des interactions sociales. Notre étude soulève également que les enseignantes qui semblent davantage opter pour un enseignement magistral laissent peu de place aux enfants afin qu’ils puissent réfléchir par et pour eux-mêmes et pour décrire, expliquer et imiter une habileté, par exemple le tracé d’un chiffre. Ainsi, les enfants se contentent de reproduire l’habileté sans possibilité de choix ou de latitude dans leurs réalisations. Les pratiques des enseignantes que nous avons observées paraissent surtout centrées sur la transmission et la reproduction de savoirs, puis viennent celles centrées sur le jeu dans lequel l’enfant peut échanger. Les enseignantes à l’éducation préscolaire doivent donc prendre conscience de cette tension dans leur pratique et tenter de trouver un équilibre qui permette le plein développement de l’enfant.