ChroniquesRecherche éthique

Le fardeau de la preuve : le débat Bouchard-Rocher sur la Loi 21[Notice]

  • Olivier Lemieux

…plus d’informations

  • Olivier Lemieux
    Université du Québec à Rimouski (Canada)

Considérée par certains comme une loi susceptible de devenir aussi symbolique que la Loi 101 : Charte de la langue française (Bastien, 2019), la Loi 21 : Loi sur la laïcité de l’État fut présentée comme une réponse à deux décennies de débats autour des accommodements religieux et de la laïcité des institutions publiques au Québec (Bock-Côté, 2019). Parmi les principaux épisodes ayant marqué ce débat, il faut entre autres évoquer l’affaire Hérouxville (Radio-Canada, 2017), les travaux de la Commission de consultation sur les pratiques d’accommodement reliées aux différences culturelles – la Commission Bouchard-Taylor (Baillargeon et Gervais, 2017) –et la campagne autour du Projet de loi 60 : Charte des valeurs québécoises de Bernard Drainville (Dagenais, 2017). Lorsqu’ils n’ont pas privilégié une politique du statu quo (Labelle, 2009), les gouvernements ayant tenté de légiférer en cette matière se sont tour à tour cassé les dents face à leurs adversaires politiques et à l’opinion publique. Par exemple, alors que le « consensus » Bouchard-Taylor recommandait l’interdiction du port des signes religieux visibles pour les représentants de l’État en situation d’autorité (Dubuc, 2018), le Projet de loi 60 proposait d’étendre cette interdiction à tous les employés de l’État. Autre exemple, adoptée en 2017, la Loi 62 – Loi favorisant le respect de la neutralité religieuse de l’État et visant notamment à encadrer les demandes d’accommodements pour un motif religieux dans certains organismes – du gouvernement de Philippe Couillard interdisait le port du voile intégral aux fonctionnaires qui travaillent avec le public et aux individus qui reçoivent des services gouvernementaux (Bélair-Cirino, 2019). Dans le cadre des élections provinciales de 2018, François Legault avait annoncé son intention d’abroger la Loi 62, dont l’article 10 portant sur l’obligation de donner et de recevoir des services de l’État à visage découvert avait été suspendu par la Cour supérieure du Québec. Il proposait alors une nouvelle loi répondant davantage aux attentes de la population québécoise, et ce, en épousant le « consensus Bouchard-Taylor + les enseignants » (Radio-Canada, 2018). La Coalition avenir Québec ayant été élue le 1er octobre 2018, l’élaboration de ce projet de loi fut confiée au ministre de l’Immigration, de la Diversité et de l’Inclusion, Simon Jolin-Barrette. Le Projet de loi 21 : Loi sur la laïcité de l’État fut ainsi déposé dans le cadre de la séance du 28 mars 2019 de la 1re session de la 42e législature de l’Assemblée nationale du Québec. Ce projet de loi affirme la laïcité conformément à quatre principes, soit la séparation de l’État et des religions, la neutralité religieuse de l’État, l’égalité entre les citoyens, ainsi que la liberté de conscience et de religion. C’est le Chapitre II du Projet de loi 21 qui vise le plus directement le monde scolaire. Ce chapitre interdit le port de signes religieux à certaines personnes dans l’exercice de leurs fonctions, dont le personnel de direction et le personnel enseignant sous la compétence d’une commission scolaire et, de facto, évoluant dans le réseau public. En ce sens, le Projet de loi 21 ne vise pas les autres employés des établissements scolaires – par exemple, le personnel administratif, le personnel professionnel et le personnel de soutien – ni le personnel des centres de la petite enfance, des cégeps et des universités. Il ne vise pas non plus le personnel des établissements privés subventionnés et non subventionnés. Les audiences publiques entourant le Projet de loi 21 se sont tenues sur deux semaines, soit du 7 au 16 mai 2019. Les personnes et les groupes rencontrés avaient pour la plupart présenté des mémoires dans le cadre de la …

Parties annexes