La pandémie mondiale qui sévit présentement a changé drastiquement le fonctionnement de différentes sphères de la société, notamment celle de l’éducation. Au Québec, nous vivons une rentrée scolaire atypique où plus de questions que de réponses guident les intervenants scolaires, et plus particulièrement les enseignantes, qui doivent conjuguer avec un nouveau lot de tâches reliées aux mesures sanitaires et à la formation à distance, amplifiant ainsi la surcharge de travail déjà existante (Demers, 2020; Tardif, 2013). L’adaptation semble le mot d’ordre pour pallier encore une fois cette désorganisation majeure de leur travail, sans toutefois leur offrir des stratégies concrètes et des ressources adéquates pour affronter ce défi de taille ensemble : la gestion de la crise se fait à géométrie variable d’un milieu scolaire à l’autre, ce qui fait émerger des inégalités entre elles, sur un fond de subsidiarité préconisé par le ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur (MEES). Dans un contexte de pénurie de personnel exacerbée par des facteurs tels que les retraites précoces, la précarité d’emploi, le manque de valorisation de la profession et la détresse psychologique grandissante, les enseignantes novices constituent une ressource inestimable pour soutenir le système, qui se tourne de plus en plus vers l’engagement de personnel non qualifié. Toutefois, lors de leur insertion professionnelle, les conditions de travail difficiles, le manque d’expérience et parfois, le manque de soutien répondant adéquatement à leurs besoins, les encouragent peu à persévérer (Carpentier, Mukamurera, Leroux et Lakhal, 2019). Or, dans ce contexte, leur santé mentale peut-être affectée par la lourdeur de la tâche et les attentes, créant ainsi des enjeux émotionnels difficiles à gérer et qui peuvent nuire à leur développement professionnel. En effet, les données préliminaires d’une recherche que j’effectue présentement sur le bien-être des enseignantes novices et leur développement identitaire positif laissent entrevoir plusieurs défis au début de la pandémie. On a remarqué, entre autres, un sentiment d’incompétence en lien avec la formation à distance, l’incertitude associée à leur statut précaire, la frustration de ne pas pouvoir intervenir auprès de tous leurs élèves ou le sentiment de ne jamais en faire assez pour répondre aux attentes des directions ou des parents, ce qui a généré une pression constante chez les participantes. Toutefois, le fait est de constater que malgré ces défis qui ont généré des émotions désagréables d’entrée de jeu, les enseignantes novices ont tout de même cultivé un sentiment de bien-être au travail. L’un des facteurs y contribuant semble être l’accompagnement réflexif dispensé lors de rencontres dans le cadre de notre étude. Il permettait la prise en compte des forces et talents pour stimuler l’élaboration d’une identité professionnelle positive (Goyette et Martineau, 2018), ce qui a porté fruit dans le contexte inédit de la pandémie. En effet, le processus réflexif menant à la régulation fonctionnelle des émotions négatives (Mikolajczak et Quoidbach, 2009) a permis à ces enseignantes novices d’élaborer des stratégies pour mieux envisager la situation et rehausser leur sentiment de bien-être dans leur pratique quotidienne. On constate qu’à l’instar de Théorêt et Leroux (2014), les émotions négatives qu’elles ont ressenties au début du confinement se sont régulées grâce à une réflexion sur le sens qu’elles entretiennent vis-à-vis de leur profession, mais aussi par les échanges collaboratifs qu’elles ont entretenus avec leurs collègues plus expérimentées. À ce compte, la collaboration entre les différents intervenants de l’équipe-école a été un facteur clé pour les aider à persévérer. Le bien-être en enseignement se définit par plusieurs dimensions gravitant autour du sens de la profession. Les résultats préliminaires font ressortir, entre autres, les dimensions telles que l’engagement professionnel, les émotions positives, les relations positives, ainsi que le …
Parties annexes
Bibliographie
- Carpentier, G., Mukamurera, J., Leroux, M. et Lakhal, S. (2019). Pourquoi les enseignants débutants ne se sentent-ils pas assez soutenus? Phronesis, 9(3-4), 5-18. http://dx.doi.org/10.7202/1067212ar
- Demers, S. (2020). La guerre contre l’école publique et ses enseignant-es. St-Joseph-du-Lac, QC : Éditeur M.
- Goyette, N. (2016). Développer le sens du métier pour favoriser le bien-être en formation initiale à l’enseignement. Revue canadienne en éducation, 39(4), 1-29. Repéré à https://journals.sfu.ca/cje/index.php/cje-rce/article/view/2267/1883
- Goyette, N. et Martineau, S. (2018). Les défis de la formation initiale des enseignants et le développement d’une identité professionnelle favorisant le bien-être. Phronesis, 7(4), 4-19. http://dx.doi.org/10.7202/1056316ar
- Leroux, M. (2009). Étude des relations entre la résilience d’enseignantes et d’enseignants du primaire oeuvrant en milieux défavorisés et la réflexion sur la pratique (Thèse de doctorat, Université de Montréal). Repéré à https://papyrus.bib.umontreal.ca/xmlui/handle/1866/3946
- Mikolajczak, M. et Quoidbach, J. (2009). Les compétences émotionnelles. Paris : Dunod.
- Mukamurera, J. (2014). Le développement professionnel des enseignants : pertinence et éclairage conceptuel. Dans L. Portelance, S. Martineau et J. Mukamurera (dir.), Développement et persévérance professionnels dans l’enseignement : oui, mais comment?. Presses de l’Université Laval.
- Tardif, M. (2013). La condition enseignante au Québec du XIXe au XXIe siècle. Une histoire cousue de fils rouges : précarité, injustice et déclin de l’école publique. Presses de l’Université Laval
- Théorêt, M. et Leroux, M. (2014). Comment améliorer le bien-être et la santé des enseignants? Bruxelles : De Boeck.